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POINTS DE REPERES THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES D’UNE DEMARCHE HISTORICO – DESCRIPTIVE

C. Saraceno (1999) parle de société locale lorsqu’on peut identifier des constellations relativement stables dans le temps d’acteurs, de processus, de cultures sociales et

3. Le développement local : quelques éléments de cadrage

Le développement local est apparu à l’orée de la cinquième république. Quarante années se sont écoulées au cours desquelles de profondes évolutions de la société française, de l’Europe et du monde ont remodelé les espaces ruraux, urbains, métropolitains et régionaux.

On n’oublie pas l’héritage jacobin français de 1789 : deux siècles de pays centralisé avec un morcellement communal, record d’Europe (36.000 communes) et la stabilité institutionnelle.

Dans les années 1955 -1975, on assiste, en France, à une politique volontariste et planificatrice avec l’ambition de délocaliser 400.000 emplois, de la région parisienne vers la province.

Une seconde conception du développement lui succède, dans un contexte de croissance ralentie, sur la thématique des milieux innovateurs et des districts industriels.

Cherchant à réduire le poids de la région parisienne, les gouvernements successifs ont porté leurs efforts sur le rattrapage des régions en retard de l’ouest et du centre et sur les inégalités de développement des zones urbaines et rurales. Durant les « trente glorieuses » (1945-1975), cette politique d’aménagement a été suivie de manière passive au niveau régional. Directive plutôt qu’incitative, avec un accompagnement spatial d’infrastructures et d’investissements publics, elle concentrait les décisions au niveau central.

Depuis vingt ans, on assiste en France, comme dans les autres pays développés, à une recomposition des politiques régionales et d’aménagement du territoire. Les conditions socio-économiques, sont très différentes de celles du début des années 1980, produisant un nouveau tableau de l’activité économique et des localisations résidentielles.

L’évolution de la politique régionale européenne a aussi fourni un nouveau contexte aux politiques territoriales, des moyens financiers et des structures transnationales pour développer les activités régionales et locales, notamment dans le domaine des ressources humaines, des nouvelles technologies et de la recherche.

Comme l’écrivent l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) et la DIACT (Délégation Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires) dans leur rapport du 25 avril 2006, même si l’Etat central continue de jouer un rôle dominant dans les régions par le biais des préfets et des services déconcentrés (situés dans les régions et non à Paris), il est amené à remplir de plus en plus un rôle de stimulation et de coordination plutôt que de gestion hiérarchique.

Les auteurs du rapport, Claire Charbit et Patrick Dubarle, administrateurs de l’OCDE, se sont attachés à examiner les dispositifs visant à renforcer directement ou indirectement la compétitivité des territoires et à analyser les spécificités de l'organisation territoriale et ses relations entre niveaux de gouvernement. Selon les auteurs, la politique d'aménagement a longtemps été principalement redistributive et se réoriente vers une mise à profit des potentiels inutilisés en faveur de plus de compétitivité régionale. Une évolution dont les rapporteurs estiment qu'elle « pourrait conférer un surcroît d'efficacité au dispositif d'ensemble de la politique régionale ».

Ces évolutions nécessitent donc une nouvelle identification de l’objet Territoire.

L’histoire de « La Science Régionale » née avec Walter Isard en 1954, est, en effet, présentée par Georges Benko (1998), comme une discipline carrefour qui examine principalement l’intervention humaine sur le territoire.

L’évolution de l’orientation des recherches sur les problèmes spatiaux, qui relève de la grande diversité des domaines abordés, et l’ensemble des travaux consécutifs à ces recherches sont classés en 4 thèmes d’analyse :

• La localisation des activités économiques

• L’organisation et la structuration de l’espace

• Les interactions spatiales

• Le développement régional

Dans ce « que sais-je », on voit la Science Régionale connaître une évolution technicienne, quantitativiste, opérationnelle, puis se renouveler pour avancer vers une nouvelle aventure intellectuelle, une science de l’avenir. Les différents principes énoncés par Tony Bailly dans cette même publication et repris dans l’introduction, devraient pouvoir trouver écho dans un dialogue entre plusieurs disciplines relevant des sciences sociales.

Le développement local n’a pas de statut de science, note en contrepoint, Jean-Pierre Jambes (2001). Il est dit-il, plutôt un point de rencontre entre les sciences, comme l’un des véhicules de construction de la pensée, de l’organisation des hommes et des femmes dans leur quotidien.

Dans son travail épistémologique sur le développement local, il distingue trois grandes périodes :

• Jusqu'à la fin des années 1960 se développent des courants idéologiques, notamment libéraux et marxistes qui ont construit les « dogmes » du développement;

• La seconde période des années 1970-1980 remet en cause ces dogmes et les politiques qui les ont inspirées. Elle produit de nouveaux paradigmes fondés sur l’organisation, les théories de l’action et sur le rôle de l’acteur.

• La période actuelle voit grandir l’essor des préoccupations environnementales et du développement durable qui conduit à penser et à travailler à des échelles multiples.

Olivier Crévoisier, quant à lui, précise deux types d’approches du développement local :

Les approches « homogénéisantes » qui se veulent universelles, s’inspirent d’un modèle darwinien, mais elles ne sont pas à même d’expliquer pourquoi une région connaît un développement autonome plutôt qu’une autre.

Les approches qu’il nomme « particularisantes » dont les principales faiblesses sont, selon lui, l’absence de cadre théorique intégrateur. Difficiles à communiquer, elles exigent un contact prolongé du chercheur avec un terrain.

Les approches particularisantes incarnent, pourtant aujourd’hui, la Science Régionale dans le sens où elles sont par la force des choses multidisciplinaires et qu’elles possèdent la capacité de répondre à la demande sociale (Bailly et Coffey, 1994).

Science ou pas, la nature régionale de facteurs de compétitivité et la nécessité d’agir à ce niveau pour stimuler la croissance et l’emploi, est soulignée dans de nombreuses études. Les dynamiques de proximités et les dynamiques intermédiaires font aujourd’hui l’objet de nombreux travaux scientifiques.

Le groupe « dynamiques de proximités », constitué par Jean-Pierre Gilly et André Torre, composé essentiellement d’économistes avance, depuis la décennie 1990, sur l’intégration de la dimension spatiale dans la théorie économique et sur la nature des effets de proximité, sans verser néanmoins dans une vision idéaliste du local.

Par ailleurs, dans un ouvrage bien stimulant, Gilbert de Terssac, Daniel Filâtre et les chercheurs associés à leur démarche de compréhension des contextes locaux , ont édité,

« Les dynamiques intermédiaires, au cœur de l’action publique »(2005). Pour eux, ces dynamiques intermédiaires s’organisent autour des métiers, des territoires et des dispositifs.

Ces chercheurs ont adossé leurs travaux à une conception de l’action publique et des dynamiques intermédiaires qui sont mises en place :

• Soit pour gérer le conflit entre les interventions de l’acteur public et ses destinataires.

• Soit pour tisser des relations avec les destinataires- mais dans un cadre contrôlé par l’acteur public.

• Soit pour coproduire l’action par des négociations.

Enfin dans « l’affaire Mondavi », Olivier Torres, dont un objet de recherche concerne « le principe de proximité » dans les stratégies de mondialisation des PME, démontre que la proximité rapproche, mais qu’elle peut aussi enfermer. La compréhension des « grandes vertus, mais aussi des petits vices des territoires face à la mondialisation » l’amène à créer un nouveau concept le « toporatisme ». Ce corporatisme du lieu, forme de résistance à la mondialisation, il l’explique par le comportement rentier de l’entrepreneur français, qui tient, dit-il, à la façon dont les français émiettent leur espace (36000 communes) et cultivent la singularité de chaque terroir. Cette singularité peut renforcer une dichotomie des groupes favorable à la division interne et aux querelles intestines. On retrouve ce fractionnement en Suisse où le système de cantons a longtemps handicapé les regroupements universitaires permettant d’atteindre une dimension critique suffisante pour accéder à une reconnaissance internationale.

Le concept de développement local, au regard de ces quelques pistes retenues, est « situé » ci –dessus comme :

• Point de rencontre entre les sciences,

• Au cœur d’une discipline carrefour,

• Une chose multidisciplinaire,

• Des contextes locaux à comprendre dont le « toporatisme ».

De son côté le territoire a été repéré comme, incertain et sous influence européenne et étatique, un lieu d’émergence de dynamiques de proximité désordonnées, dans une société locale incomplète et à révéler….

Mais l’action publique territorialisée qui redistribue l’autonomie au sein des collectifs et qui oblige ceux-ci à coordonner leurs initiatives, sous forme de projets, de conventions ou de contrats, révèle peu à peu son potentiel territorialisant et structurant.

A ce stade d’investigation, nous nous engageons un peu plus sur la piste de ces espaces locaux de développement, espaces publics d’action où se déplacent les orientations, les

pratiques et les moyens des politiques d’aide aux entreprises, notamment issues du niveau européen.

L’accès à la recherche et le renforcement des compétences facilitées par ces actions publiques participent à la création d’espaces de qualification. En prise directe avec l’espace industriel, ces espaces qualifiants sont, en tant que sources d’efficiences productives, placés au cœur de la re-dynamisation territoriale Comment se construisent-ils ? A partir de quelle conception de la compétence ?

1.1.2 Compétence et Performance

La compétence, au cœur du développement endogène s’exprime au niveau individuel et collectif (1). La performance, se définit à travers les compétences et du sens donné à l’action(2).

Le rapport PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) de l’OCDE a rendu compte du niveau des compétences scolaires de base dans chaque pays. Chacun pourra mesurer son différentiel national de résultats, avec les exigences d’un monde où les élèves sont certes, destinés à apprendre à se comporter dans l’univers concret des adultes, mais surtout à s’approprier et à prendre part, de manière autonome, à la vie sociale d’une société plurielle, dans un processus ouvert d’auto orientation et d’apprentissages de l’intercompréhension, de la recherche de compromis et de la prise de risques mesurés.

Suite au piètre positionnement de la France, dans cet état des lieux en matière de performance de ses scolaires, le Haut Conseil de l’Education français en mars 2006 a défini les sept compétences que chaque élève en fin de scolarité obligatoire (16 ans) devra posséder :

1. Maîtrise de la langue française: «savoir lire, écrire et s’exprimer oralement conditionne la maîtrise des autres compétences»

2. Pratique d’une langue étrangère

3. Compétences de base en mathématiques et culture scientifique. Il s’agit de « donner du sens aux savoirs », avec des approches « concrètes et pratiques »

4. Maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication. Entrée dans la culture numérique

5. La culture humaniste ou comment comprendre le monde actuel avec la construction de repères

6. Compétences sociales et civiques avec les bases de la vie démocratique (le permis, l’interdit, les droits et devoirs)

7. Autonomie et initiative. Ou comment « apprendre à apprendre » tout au long de la vie. Acquisition de méthode de travail. Développer sa persévérance et l’esprit d’initiative dans le cadre de projets divers, individuels ou collectifs.

Sans discuter de la valeur des comparaisons, terme à terme, de ces mêmes catégories sociales de pays différents, ce type de classement entre pays, a au moins l’intérêt de faire réagir.

Le processus réactif a joué lorsque la Région des Pays de la Loire a été confrontée à la diffusion nationale de son positionnement défavorable, par rapport aux autres régions françaises, à propos des niveaux de formation de la population (mesurée en 1986, à partir des données du recensement de population de 1982, par les niveaux de diplôme acquis) et en 1989, à la diffusion européenne de la 51ème position de Nantes.

Cette prise de conscience salutaire a eu pour effet déclencheur, la mobilisation des acteurs économiques et éducatifs, en fin des années 1980, pour faire prendre en compte la dimension compétence du développement endogène et la nécessité d’une dynamique exogène, définir une stratégie, trouver les moyens (dont les aides et les réseaux de l’Europe) et engager les actions adéquates.