Spécification du modèle d’analyse et énoncé des hypothèses

L’économétrie peut être définie comme « l’analyse quantitative des phénomènes économiques actuels basée sur le développement concurrent de la théorie et de l’observation reliées par des méthodes appropriées de déduction » (Samuelson, 1954).

Dans notre cas, la modélisation économétrique permet de traduire mathématiquement l’énoncé du modèle théorique d’analyse de la dynamique du changement et son effet sur la performance (phénomène étudié), en se basant sur les données du cas TopInsure.

Les résultats des estimations du modèle économétrique permettront de nuancer et d’approfondir les premières conclusions de l’analyse qualitative selon les trois axes poursuivis par notre cadre conceptuel d’analyse :

- la dynamique du changement de l’activité de gestion des sinistres, - son effet sur la performance des équipes de gestion, et

- la contribution des systèmes d’information à ce processus.

Pour se faire, nous nous appuyons sur les conclusions de notre étude pour expliciter les hypothèses permettant de spécifier notre modèle économétrique d’analyse.

H1. La dynamique du changement de l’activité de gestion des sinistres dépend des interactions des acteurs avec les propriétés structurelles des équipes de gestion.

Le processus de changement de l’activité de gestion des sinistres se décrit par la récursivité des interactions entre les conseillers clientèles et les propriétés structurelles des équipes de gestion, dans le temps (d’un mois à l’autre) et dans l’espace (d’une EG à l’autre).

Aussi, on peut spécifier la dynamique du changement de l’activité de gestion des sinistres comme suit :

1 Ait + 2 Tit + 3 Oit + 4 Nit + 5 Pit (1)

Avec,

i : individus ou Equipes de Gestion observées (EG), i = 1,…, 22 t : temps ou mois d’observation, t = 1,…., 32

D : Dynamique du changement A : Acteurs T : Dispositif Technologique O : Structure Organisationnelle N : Niveau d’Activité P : Périmètre d’activité

Cette spécification purement mathématique de la dynamique du changement est d’un intérêt limité pour nous, parcequ’elle suppose une contribution précise ou déterministe des acteurs et de chaque propriété structurelle à la dynamique du changement (Gujarati, 2004).

Pour tenir compte des relations imprécises entre les différentes variables, nous proposons de décrire la dynamique du changement comme suit :

1 Ait + 2 Tit + 3 Oit + 4 Nit + 5 Pit + it (2)

où , appelée la perturbation ou terme d’erreur, est une variable aléatoire qui varie dans le temps (d’un mois à l’autre) et dans l’espace (d’une EG à l’autre). Le terme peut exprimer tous les facteurs qui interviennent dans la dynamique du changement et qu’on n’a pas pris en compte dans notre analyse48.

H2. Des spécificités individuelles difficilement observables ont un effet significatif sur la dynamique du changement de l’activité de gestion des sinistres.

Des spécificités propres à chaque équipe de gestion, difficilement observables (tels que les pratiques de gestion, le type du management, la culture…), ont un effet significatif sur la dynamique du changement de l’activité de gestion des sinistres. Dans la liste des avantages des séries longitudinales, nous avons souligné, entre autres, la possibilité de prendre en compte ce type de spécificités (Sevestre, 2002).

48

Pour cela, nous proposons de modéliser la dynamique du changement selon le modèle des Effets Fixes Individuels.

Le processus de changement s’écrit alors :

0i + 1 Ait + 2 Tit + 3 Oit + 4 Nit + 5 Pit + it (3)

Où 0i, l’effet fixe spécifique à chaque équipe de gestion.

H3. L’interaction des conseillers avec les propriétés strcuturelles des équipes de gestion diffère selon l’épisode du changement.

La dynamique d’interaction des acteurs avec les propriétés structurelles des équipes de gestion a des caractéristiques propres à chaque épisode du changement. Les spécificités de ces interactions sont alors différentes entre la période avant mutualisation et celle après mutualisation.

H4. La performance dépend des interactions récursives entre les conseillers clientèles et les propriétés structurelles des équipes de gestion.

La performance s’explique par la dynamique d’interaction entre les conseillers clientèles et les propriétés structurelles des équipes de gestion dans les quelles ils évoluent. Cette dynamique d’interaction décrit le processus de changement de l’activité de gestion des sinistres.

La performance des équipes de gestion s’écrit alors :

Perfit = 0i + 1 Ait + 2 Tit + 3 Oit + 4 Nit + 5 Pit + it (4)

où Perf, la performance des équipes de gestion se traduit en : maîtrise de la relation client (MRC), maîtrise des coûts techniques (MCT) et productivité (Prod). Perf varie selon l’équipe de gestion (i) et dans le temps (t).

H5. La dynamique du changement a un effet différencié sur la performance selon le levier choisi.

La contribution du processus d’interaction des conseillers avec les propriétés structurelles des équipes de gestion à leur performance est différente selon l’objectif de performance poursuivi. Certains managers d’équipes interrogés parlent même d’effets contradictoires de certains leviers d’action mis en place, selon qu’on parle de tel ou tel objectif de la performance. Ainsi, nous choisissons d’analyser l’effet du processus d’interactions entre les acteurs et les propriétés structurelles sur chaque levier de la performance pris d’une manière séparée.

La spécification de notre modèle économétrique s’écrit alors :

MRCit = 0i + 1 Ait + 2 Tit + 3 Oit + 4 Nit + 5 Pit + it (I)

MCTit = 0i + 1 Ait + 2 Tit + 3 Oit + 4 Nit + 5 Pit + it (II)

Prodit = 0i + 1 Ait + 2 Tit + 3 Oit + 4 Nit + 5 Pit + it (III)

où,

MRC : Maîtrise de la Relation Client MCT : Maîtrise des Coûts Techniques Prod : Productivité

Les hypothèses suivantes reprennent les principales conclusions de l’analyse qualitative liée à la place et au rôle des systèmes d’information dans la dynamique du changement et sa contribution à la performance des équipes de gestion. Leur explicitation sous forme d’hypothèses permet de tester leur validité pour les équations (I, II et III) de notre modèle économétrique.

H6. La dynamique du changement a un effet différencié sur la performance selon l’épisode du changement considéré.

La dynamique du changement a un effet différent sur la performance selon que l’on considère la période avant ou après mutualisation. Cet effet différencié souligne l’impact du contexte sur l’évolution de la performance.

H7. La qualité des dispositifs technologiques mis à la disposition des conseillers a un effet significatif sur leur performance.

La qualité du dispositif technologique en termes de taux de disponibilité (voir définition de la variable) est une propriété institutionnelle des équipes de gestion qui caractérise leur performance.

H8. Il existe une relation concave entre la qualité des dispositifs technologiques déployés et la performance des équipes de gestion.

La disponibilité des systèmes d’information en termes de réduction du nombre de pannes, de leur durée et de leur impact sur les utilisateurs a un impact positif sur la performance, jusqu’à un certain niveau. Au-delà, le sur-investissement dans la qualité des dispositifs technologiques mis à la disposition des collaborateurs s’avère contre performant.

H9. Il existe un effet positif, non immédiat, des dispositifs technologiques déployés sur la performance.

Le nouveau dispositif technologique déployé dans les Centres de Services suite à la mutualisation intra-régionale a un effet positif sur la performance des équipes de gestion. Cet effet se concrétise après un certain retard dont on peut penser qu’il est lié à l’appropriation de l’outil (Gordon, 2003).

Le tableau suivant résume l’ensemble des hypothèses sur lesquelles nous nous sommes basés dans la modélisation et l’explication de la dynamique du changement de la gestion des sinistres, son effet sur la performance des Equipes de Gestion et le rôle des systèmes d’information dans ce processus.

Tableau 28. Synthèse des hypothèses de modélisation

Axe d’analyse Hypothèses

Dynamique du changement H1. La dynamique du changement de l’activité de gestion des sinistres

dépend des interactions des acteurs avec les propriétés structurelles des équipes de gestion.

H2. Des spécificités individuelles difficilement observables ont un effet

significatif sur la dynamique du changement de l’activité de gestion des sinistres.

H3. L’interaction des conseillers avec les propriétés strcuturelles des

équipes de gestion diffère selon l’épisode du changement. Effet de la dynamique du

changement sur la performance

H4. La performance dépend des interactions récursives entre les

conseillers clientèles et les propriétés structurelles des équipes de gestion.

H5. La dynamique du changement a un effet différencié sur la

performance selon le levier choisi.

H6. La dynamique du changement a un effet différencié sur la

performance selon l’épisode du changement considéré. Rôle du système d’information

dans ce processus

H7. La qualité des dispositifs technologiques mis à la disposition des

conseillers a un effet significatif sur leur performance.

H8. Il existe une relation concave entre la qualité des dispositifs

technologiques déployés et la performance des équipes de gestion.

H9. Il existe un effet positif, non immédiat, des dispositifs

technologiques déployés sur la performance.

Dans ce qui suit, nous testerons les hypothèses avancées selon les trois axes d’analyse identifiés.