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Concepts clés de la théorie de la structuration

S ECTION II R EVUE CRITIQUE DU COURANT STRUCTURATIONNISTE ET PROPOSITION D ’ UN CADRE CONCEPTUEL D ’ ANALYSE

I. Le courant structurationniste comme cadre théorique de référence

I.1. Concepts clés de la théorie de la structuration

« Les concepts centraux de la théorie de la structuration sont le structurel, la dualité du structurel et le système. » (Giddens, 1987, p.65) :

I.1.1. Le structurel

Giddens (1984) distingue dans la notion de structure deux dimensions différentes : un ordre matériel et observable, et un ordre virtuel de modes de structuration engagés de façon récursive dans la reproduction de pratiques situées dans le temps et dans l’espace13.

La structure, dans son sens le plus strict, fait référence à l’ordre matériel de la structure. Elle représente ainsi le résultat visible des transformations liées aux interactions humaines.

Le structurel fait référence à l’ordre virtuel de la structure. Il est composé d’un ensemble de propriétés structurelles qui représente pour les acteurs des règles de transformation. Les propriétés structurelles sont alors un ensemble de contraintes et de ressources qui régissent les transformations liées aux interactions humaines (Giddens, 1987, p.66).

Les propriétés structurelles représentent un concept important dans la théorie de la structuration de Giddens. Elles forment l’aspect virtuel de la structure avec lequel les acteurs interagissent. L’interaction récursive des acteurs avec les propriétés structurelles dans le temps et dans l’espace fait évoluer l’aspect matériel de la structure.

Néanmoins, la manifestation matérielle d’une propriété structurelle peut être saisie pendant le processus d’interaction avec les acteurs (avant même la production de sources de structures institutionnalisées, faisant partie intégrante de la dimension matérielle de la structure). Cette manifestation matérielle d’une propriété structurelle (et donc du structurel) se fait à travers son actualisation dans le temps et dans l’espace. Giddens (1987, p. 80) distingue trois

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Michel Audet, traducteur de la version française de 1987, insiste sur cette distinction : « J’ai traduit le terme anglais « structure » par le « structurel » à chaque fois que l’auteur utilise ce terme dans son sens le plus abstrait et le plus global. Procéder ainsi permet de traiter du « structurel » sans laisser entendre que ce à quoi ce terme fait référence existe en tant que « structure » qui serait concrète-réelle, matérielle, observable. Dans la théorie de la structuration, l’absence d’une telle insinuation est cruciale. » (Ndt. Giddens, 1987, p. 47).

propriétés structurelles des systèmes sociaux : la signification, la domination et la légitimation.

Au-delà de la distinction de la structure en traits matériels (ordre matériel) et principes structurels (ordre virtuel), l’intérêt que nous trouvons dans le concept de structure de Giddens porte sur son rôle dans l’explication de l’action humaine.

En effet, la notion de structure dans l’œuvre de Giddens (1984) est un concept clé dont la définition détermine la manière dont on appréhende l’action des acteurs sur son environnement et réciproquement.

Une conception de la structure en tant qu’ensemble de contraintes pour l’action humaine (qu’elle soit matérielle ou virtuelle) renforce une logique déterministe de l’action. En effet, dans une telle conception, la structure agit sur l’acteur en restreignant son action, mais ne fait pas partie intégrante de cette action. La structure est alors comparée à la charpente d’un édifice ou au squelette d’un organisme. Elle supporte l’organisation, présente pour elle un ensemble de contraintes (pas forcément négatives) et de ressources, mais ne semble pas interagir avec. Une telle conception renforce la relation de dualisme entre l’acteur et la structure dans laquelle l’un supporte et conditionne l’autre. Une conception qui a fondé la logique des différents courants déterministes (Giddens, 1987, p.15).

L’objectif de Giddens est de dépasser ce dualisme pour établir une dualité (Giddens, 1987, p. 31). Les notions d’action et de structure (prise dans son sens le plus large, c'est-à-dire dans ses deux dimensions matérielle et virtuelle) sont indissociables. Leurs interactions sont décrites par le concept de la dualité du structurel.

I.1.2. La dualité du structurel

La dualité du structurel renvoie à une construction mutuelle et répétitive de propriétés structurelles par les activités accomplies, et vice versa : les actions produisent et reproduisent des propriétés structurelles qui représentent à la fois des contraintes et de ressources à ces actions.

Figure 4 : La dualité du structurel dans la théorie de la structuration

Source : représentation de l’auteur

Action Propriétés structurelles

Produisent et reproduisent des PS Contraignent et facilitent l’action

La dualité du structurel décrit le principe selon lequel « les propriétés structurelles des systèmes sociaux sont à la fois des conditions et des résultats des activités accomplies par les agents qui font partie de ce système » (Giddens, 1987, p.15).

Elle se fonde sur le principe de contrôle réflexif de l’action qui propose d’appréhender la relation entre l’acteur et l’action comme indissociable : l’acteur exerce continuellement un contrôle réflexif dans l’accomplissement de son action et de celle des autres acteurs en coprésence. La réflexivité est « conçue comme l’usage systémique et régularisé d’information pour orienter et contrôler la reproduction des systèmes sociaux » (Giddens, 1987, p.19). Le contrôle réflexif doit ainsi être compris dans les deux sens de la relation : d’un côté, l’acteur contrôle son action et l’oriente, et de l’autre, l’action orientée fournit à l’acteur de nouvelles sources d’information à prendre en compte dans ses actions futures. L’action et l’acteur se retrouvent alors dans une relation de causalité circulaire et répétitive (Kéfi et Kalika, 2004).

Figure 5 : Principe du contrôle réflexif dans la théorie de la structuration

Source : représentation de l’auteur

Le contrôle réflexif est un aspect incontournable dans la compréhension du principe de la dualité du structurel. En effet, « la structuration n’a pas d’existence indépendante du savoir qu’ont les agents de ce qu’ils font dans leurs activités de tous les jours. » (Giddens, 1987, p.76).

Pour expliciter le principe de dualité du structurel, Giddens (1986) emprunte l’analogie du langage et de la parole : l’apprentissage d’une langue contraint (règles de syntaxe, d’élocution…) et facilite la parole (possibilité de communiquer…). Cette parole permet à son tour de produire et de reproduire les propriétés et caractéristiques de cette langue (sens donné aux mots…). Si la métaphore du langage et de la parole a pu expliciter le concept de la dualité du structurel, sa portée explicative ne peut s’étendre à l’élucidation de la construction des sociétés (Giddens, 1987, p.74).

L’identification des modalités de passage des interactions situées des acteurs avec les propriétés structurelles, à la formation des sociétés est donc nécessaire. Celle-ci sera permise à travers la définition du concept de Système.

Acteur Action

Orientée, l’action fournie une nouvelle source d’information

I.1.3. Le système

Comment les activités quotidiennes des acteurs contribuent à la production des propriétés structurelles de collectivités plus larges ?

Pour expliquer le passage de l’analyse micro des interactions situées des acteurs à l’analyse macro des spécificités des collectivités spatio-temporellement élargies, Giddens (1984) se base sur le principe de production et de reproduction du système social.

Un système social traduit « les relations entre acteurs ou collectivités, reproduites et organisées en tant que pratiques sociales régulières » Giddens (1987, p.74).

Giddens présente, en effet, l’espace-temps comme étant la dimension à partir de laquelle se forme le système social. Il reproche aux scientifiques des sciences sociales d’avoir négligé cette dimension dans l’étude de la formation du système social qu’il définit comme la « formation, à travers l’espace-temps, de modèles régularisés de relations sociales conçues comme des pratiques reproduites » (Giddens, 1987, p.444).

A travers la dimension espace-temps, les interactions des acteurs avec les propriétés structurelles, selon le principe de la dualité du structurel, s’institutionnalisent pour donner lieu au système social. « La dualité du structurel est toujours le principal fondement de la continuité dans la reproduction sociale à travers l’espace-temps » (Giddens, 1987, p.76).

Figure 6 : La dimension spatio-temporelle dans la théorie de la structuration

Source : représentation de l’auteur

La reproduction du système social dans le temps et dans l’espace donne lieu à la constitution des sociétés. Cette reproduction se fait à travers une double intégration, sociale et systémique (par intégration il faut comprendre la réciprocité des activités dans le temps et dans l’espace, toujours selon le principe de la dualité du structurel).

L’intégration sociale traduit les interactions entre les acteurs dans des contextes de coprésence. L’intégration systémique se réfère aux interactions entre des acteurs ou des collectivités dans un espace-temps étendu.

Système social

Institutionnalisation

Temps et espace

Interactions entre acteurs et propriétés structurelles

I.2. Pertinence et implications sur notre travail de recherche

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