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Portée et rôle de l’ERP dans les grandes entreprises

ERP : EVOLUTION DU CADRE D ’ ANALYSE ET ENONCE DE LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

I. Contribution des ERP à la performance de l’entreprise : étude exploratoire

I.2. Implications de l’étude sur le cadre conceptuel retenu

I.2.1. Portée et rôle de l’ERP dans les grandes entreprises

Comme nous l’avons déjà souligné, notre intervention dans les différentes entreprises interrogées s’est produite après les phases d’intégration et de paramétrage du progiciel. Notre intérêt étant de comprendre la place et le rôle de l’ERP dans la phase d’usage ordinaire de l’outil par les acteurs. C’est à travers les phases de paramétrage et d’intégration que les défenseurs de l’idée selon laquelle l’ERP serait, comme tout autre outil, un médium et une contrainte à l’action de ses utilisateurs, puisent souvent leurs arguments. Pour ces auteurs, les processus de l’ERP formant la couche standard « prétendent répondre aux besoins de plusieurs entreprises selon des solutions éprouvées et référées à des best practices qui sont autant de règles standards de gestion. Tandis que sa couche spécifique, configurable donc personnalisable, a pour objectif de prendre en compte les caractéristiques particulières de

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Il s’agit des ERP ou des modules ERP déployés en entreprise et sur lesquels ont porté les entretiens.

l’organisation à l’occasion d’un long et fastidieux travail de paramétrage. » (Guffond J.L. et Leconte G. (2004).

Licoppe (2005) souligne l’importance de la phase de paramétrage dans la prise en compte des besoins et spécificités de l’organisation et des utilisateurs. Une prise en compte qui se construit dans des boucles d’apprentissage et de négociations qui se distribuent dans des pans entiers de l’organisation. Pour lui, le paramétrage constitue un processus évolutif durant lequel le progiciel intégré est continûment remanié et ajusté à une organisation elle-même en transformation.

Analyser la portée et le rôle de l’ERP en dehors de ces phases présente pour l’outil un nouveau défi : peut-on toujours parler de l’ERP comme source de structure présentant à la fois une contrainte et un facilitateur à l’action des utilisateurs en dehors des phases de paramétrage et d’intégration de l’outil ? Les acteurs ont-ils encore la possibilité d’intéragir avec l’outil pendant la phase d’usage ordinaire ?

A travers les entretiens menés, nous remarquons que selon la fonction de l’acteur et l’usage qu’il fait de la technologie, la portée et le rôle de l’ERP sont perçus de manière différente. Deux populations peuvent être distinguées : les « opérationnels » utilisateurs de l’ERP pour exécuter leur activité (désormais, utilisateurs) et les managers utilisateurs de l’ERP pour piloter cette activité (désormais, managers).

Pour les managers, l’ERP est d’abord un moyen pour faciliter la remontée d’information et de rendre celle-ci plus transparente, plus disponible, plus fiable (en minimisant la marge d’erreur due à la complexité de sa production). Cette maîtrise de l’information permet notamment aux managers de piloter la performance de leurs équipes (reporting) : standardisation des pratiques en termes d’achats, à travers un ERP Achats, pour améliorer le pouvoir de négociation avec les fournisseurs, intégration d’un CRM pour améliorer la qualité de la relation client, etc. Une fois intégrée dans les caractéristiques matérielles du progiciel, ces nouveaux processus sont destinés à harmoniser les pratiques au sein des organisations. C’est donc une volonté affichée des managers et reponsables opérationnels de ne pas faire évoluer la solution technique pour y intégrer les spécificités et besoins des différents acteurs de l’organisation. Pour eux, c’est aux utilisateurs de se plier aux procédures proposées par l’outil, dans la mesure où elles respectent l’ « esprit » de ce qu’ils veulent mettre en place :

« J'ai vu des exemples d'échecs cuisants sur ces sujets (les projets ERP) parce que clairement la mise en place d'un ERP est vraiment un sujet de transformation et

d'accompagnement avant tout… L'intégration d'un ERP peut être une catastrophe [si] vous prenez un ERP et vous voulez ne pas changer vos processus et donc vous modifiez l'ERP… et là, rien qu'au niveau de la solution informatique, c'est déjà planté. Ou alors, vous voulez appliquer, ce qui n'est pas simple, y compris en termes de gouvernance et des relations avec les métiers, strictement les processus standards implémentés dans l'ERP. Et à ce moment là, pourquoi pas, mais il faut avoir bien conscience que ce que vous engagez c'est un projet de transformation. Et si vous engagez un projet de transformation, il faut que : un, tout le monde en soit bien convaincu et que, deux, vous vous donniez les moyens d'accompagner la transformation ». Responsable Informatique – Secteur des Services.

Pour les utilisateurs, l’ERP décrit une façon de faire, il propose un processus standard à suivre19 (la manière de gérer une commande, de répondre à une demande client, de demander un congé…). Les utilisateurs sont très sensibles aux changements apportés par l’ERP sur leur processus de travail, leur habitudes, l’évolution éventuelle de leur rôles et fonctions au sein de l’entreprise, etc. Suite au déploiement d’un progiciel de gestion intégrée sur la fonction Achat, un utilisateur ayant l’habitude de traiter personnellement avec les fournisseurs de l’entreprise, a vu ses pouvoirs et sa marge de négociation restreints avec les nouvelles procédures inscrites dans le progiciel. Ce changement a d’abord suscité chez l’utilisateur une réaction négative vis-à-vis de l’outil, le considérant comme « inutile, rigide, voire contre-productif » (utilisateur, secteur public). Dans un deuxième temps, suite à la mise en place d’un dispositif de coaching et de mobilisation, mis en place par la Direction des Systèmes d’Information, les acheteurs de l’entreprise ont pris conscience de l’intérêt de l’outil. Cette évolution est due à l’évolution de la perception des utilisateurs de l’ « esprit » du progiciel, qui outre le fait de leur imposer une procédure d’achat harmonisée, permettait de concentrer les achats sur un nombre limité de fournisseurs avec qui l’entreprise a négocié des tarifs privilégiés. Le suivi de procédures harmonisées d’achat au niveau de l’entreprise dans son ensemble procurait à l’entreprise un meilleur pouvoir de négociation vis-à-vis de ses fournisseurs.

Aussi, sans toucher aux caractéristiques matérielles de l’outil, une dynamique semblait se produire entre les utilisateurs et l’outil, et plus particulièrement entre les acteurs et l’esprit de l’outil (au sens de DeSanctis et Poole, 1994).

19 Il faut souligner ici que quand on dit « l’ERP propose un processus unique de travail », on ne parle pas des

processus standards tels qu’ils sont proposés par l’éditeur, mais de l’ERP tel qu’il a été paramétré et intégré dans l’entreprise.

Comme le propose le cadre structurationniste choisi, ces premiers retours soulignent l’intérêt de distinguer la dimension matérielle des ERP de leur dimension virtuelle. En effet, en se limitant à la dimension matérielle des ERP, nous pouvons confirmer le caractère structurant des progiciels de gestion intégré : un outil prescriptif dont les caractéristiques techniques évoluent très peu au-delà de la phase de paramétrage et d’intégration. Ce qui procure à l’outil l’image d’un système rigide dont le rôle est d’imposer à l’utilisateur ses règles et « bonnes » pratiques.

Or, si l’on s’intéresse à la dimension virtuelle de l’ERP (son image, la place qu’il occupe dans l’équipe, les arguments et raisons ayant accompagné son déploiement…), nous remarquons que cette dimension est évolutive dans le temps (selon les phases du projet) et dans l’espace (d’une équipe à l’autre).

Ainsi, malgré le caractère peu évolutif des caractéristiques matérielles de l’outil (généralement voulue par le management pour standardiser les processus), le processus d’interaction des acteurs (managers, directeurs, et utilisateurs finaux) avec les caractéristiques virtuelles du système continuent à évoluer dans le temps (à travers les différentes phases du projet) et dans l’espace (d’une équipe à l’autre) en fonction de l’accompagnement fait de l’outil, du contexte de son intégration et d’usage, etc.

Toutefois, nous remarquons à travers nos entretiens que malgré la pertinence de la proposition d’appréhender les deux dimensions de la technologie, peu d’éléments conceptuels avancés dans notre cadre d’analyse permettent d’approfondir la dimension virtuelle de l’ERP : Commentt définir cette dimension ? Quelles sont les modalités de son interaction avec les acteurs ?

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