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3 Sortir de l’urgence : création d’un CADA et annonce d’un projet de plate-forme d’accueil

Dans le document Td corrigé asile politique - HAL-SHS pdf (Page 18-21)

En octobre 2002, deux décisions permettent d’accroître les capacités d’accueil en CADA dans le département. D’une part, le CADA/CPH existant, géré par l’association ATE, est doté de 15 places supplémentaires. D’autre part un nouveau CADA est créé, doté de 60 places dans un premier temps, dont la capacité doit être ensuite portée à 120 places, et dont la gestion est confiée à l’association ALC. Au vu de l’ampleur des difficultés que connaît le département, un mode d’admission spécifique est adopté : les admissions se répartiront entre 50% au niveau local et 50% au niveau national. L’objectif affiché est de permettre le désengorgement des autres dispositifs et, à terme, d’aboutir à la réduction du champ d’intervention du dispositif INTERMED, ce dernier devant se limiter à l’accueil d’une dizaine de situations de personnes primo-arrivantes.

Au même moment, un projet de « Plate-forme de services pour les demandeurs d’asile et de coordination de l’ensemble des acteurs », est officiellement proposé aux services de l’Etat par l’association ALC. C’est l’aboutissement d’une longue maturation au sein du milieu associatif local. L’idée était déjà présente dans le rapport d’activité 2001 de CHORUS 06, et fait l’objet de débats et de travaux depuis plus d’un an et demi au sein du collectif associatif ISN (Cf.

encadré ci-dessous).

Les travaux d’Inter-secours-Nice (ISN) : un bon analyseur de l’émergence de l’hébergement des demandeurs d’asile comme enjeu local

ISN est un regroupement d’associations locales œuvrant dans le domaine social, conçu comme un lieu d’échanges et de discussion ayant vocation à interpeller les pouvoirs publics au sujet des difficultés qui s’expriment sur le terrain. La lecture des compte-rendu de réunion au cours de la période 2000-2003, laisse apparaître la chronologie de la montée en puissance de la question des demandeurs d’asile comme objet de préoccupations. Ainsi, dès mars 2001, une « commission de travail demandeurs d’asile » est créée, prenant place aux côtés des commissions existantes (qui concernent le logement, la santé, l’alimentation, etc.).

Lors de la réunion ISN du 22 mars 2001, outre l’évocation des problèmes rencontrés par les services d’accueil, l’idée d’un « lieu d’accueil unique » permettant une « domiciliation unique », la « coordination des aides se rapportant aux besoins primaires » ainsi que « la mise en place d’un accompagnement social des familles », est évoquée. A partir de là, toutes les réunions ISN évoqueront le projet de « plate-forme ». Ainsi, lors de la réunion du 16 mai 2002, on insiste sur la nécessaire ouverture de ce lieu d’accueil à « tous les demandeurs : demandeurs d’asile, demandeurs d’asile territorial, personnes isolées, familles ». Le 27 juin 2002, on évoque les conséquences du « gel républicain », qui retarde la mise en place de la plate-forme, ainsi que « l’hébergement en meublé des familles de demandeurs d’asile, qui pose de plus en plus de problèmes avec le voisinage (plaintes de copropriétaires) ». Au 12

septembre 2002, le projet a été formellement accepté par la DDASS, mais des problèmes de financement se posent. Le 17 octobre 2002, le débat porte sur l’absence d’intégration des demandeurs d’asile territorial au projet de plate-forme. La réunion du 7 novembre 2002 est marquée par l’essoufflement d’acteurs associatifs qui désespèrent de voir un jour leur projet de « guichet unique » mis en place. On évoque alors « l’aspect donquichotesque de la tâche » et on observe qu’ « il est difficile de trouver un projet réalisable à court terme et qui puisse enthousiasmer les personnes ». Mais le 26 juin 2003, les responsables de la « commission demandeurs d’asile » annoncent aux membres d’ISN que la plate-forme sera officiellement créée dans la semaine qui vient. On fait alors appel à la mobilisation des associations impliquées dans l’accueil des demandeurs d’asile, « qui peuvent offrir leur participation »…

Le document remis aux autorités locales liste les constats, besoins et difficultés qui justifient le projet. Le diagnostic qui est fait de la situation locale est sombre. Dans un contexte d’intensification de la demande d’aide, on parle de « problèmes de sécurité », d’un « climat de tension » marqué de par de « nombreux incidents », d’une montée de la « xénophobie », de

« réseaux organisés », de « victimes de la traite » et de « découragement des professionnels ». D’où l’expression d’un impérieux besoin d’amélioration de la réponse publique que le document décompose en plusieurs chapitres. L’hébergement et le logement sont présentés comme des questions prioritaires. Est également soulevé le problème que pose la nécessité pour les demandeurs de se rendre à Paris afin d’être auditionné par l’OFPRA.

Outre les coûts importants qu’occasionnent de tels déplacements, les personnes se trouveraient « désorientées, voire paniquées à l’idée de se retrouver dans une grande ville ».

Les rédacteurs du document plaident pour ces raisons en faveur d’une décentralisation de l’OFPRA. L’accueil est également présenté comme un chantier auquel il convient de s’atteler, notamment du point de vue des problèmes que pose la non maîtrise de la langue française et auxquels ne peuvent répondre des « médiateurs culturels surchargés de travail ». De même, l’accent est mis sur le difficile accès des familles et des personnes isolées à une alimentation correcte et adaptée aux « spécificités religieuses et nutritionnelles des personnes ». Il est donc proposé de rationaliser la distribution de nourriture. L’accès aux soins constitue un autre point sur lequel une amélioration de la prise en charge est nécessaire, face à certaines personnes qui

« rencontrent de graves difficultés médicales, sanitaires et psychologiques ». Enfin, On évoque le cas de « personnes victimes de la traite » et, par là, « l’arrivée massive de jeunes femmes des pays de l’Est » dont la protection ne serait pas assurée par les pouvoirs publics.

Sur la base de cet exposé des motifs, l’association propose de devenir « l’opérateur unique » de la plate-forme, « en collaboration avec tous les intervenants concernés, administrations publiques, associations,… sous l’égide de la DDASS ». La notion d’opérateur unique implique un certain nombre d’engagements que déclare prendre l’association : coordination des différents acteurs, repérage des besoins, recrutement des personnels, responsabilité civile de l’activité et procédures d’évaluation des actions mises en œuvre. Les effets attendus sont de plusieurs ordres : meilleure identification des besoins des demandeurs d’asile dans les différents domaines ; possibilité de présenter aux personnes et dans leur langue d’origine ou dans une langue proche, l’ensemble de la démarche qu’ils auront à effectuer s’ils désirent déposer une demande d’asile en France ; possibilité pour le public concerné de bénéficier d’une domiciliation unique ; orientation plus efficace des demandeurs d’asile vers les services compétents en fonction des besoins identifiés dans chaque domaine ; mise en place d’un

« véritable » accompagnement des familles et des personnes, par des professionnels désignés ; coordination des moyens à disposition dans le domaine de l’aide aux besoins primaires, des ressources techniques et administratives, de tous les intervenants partenaires de la

Plate-forme. Suit une description précise des locaux, des intervenants et du personnel nécessaires (un chef de service, un poste de secrétaire, deux intervenants sociaux, deux postes de médiateurs culturels, un « technicien rédacteur » et un « médiateur pour les meublés »), de l’organisation du travail (jours et horaires d’ouverture, etc.) et des conditions effectives d’accueil des demandeurs. Le parcours-type envisagé est le suivant : les demandeurs d’asile primo-arrivants sont systématiquement orientés vers la plate-forme par les différents partenaires institutionnels où ils sont reçus par un intervenant social et un médiateur culturel.

Un document administratif (fiche signalétique) est rempli, des adresses sont transmises où les personnes pourront recevoir des aides, des bons alimentaires sont proposés. Une domiciliation est assurée (par la plate-forme ou d’autres structures). Un signalement est transmis à la DDASS (fiche de liaison), en même temps qu’est assurée une orientation vers les structures d’hébergement, vers la préfecture, la PMI et l’hôpital pour les femmes enceintes. A partir de cette première prise de contact, doit se mettre en place un suivi social et administratif portant sur différents domaines : l’hébergement (proposition de liste de familles à la commission d’accès en CADA), la santé (déclaration à la CPAM), la scolarisation des enfants (contacts avec les établissements), la procédure de demande d’asile (aide à la rédaction du dossier OFPRA), les ressources financières (constitution des dossiers, recherche d’aides financières).

Comme on le voit, le projet qui est proposé en octobre 2002 aux pouvoirs publics est plus que

« ficelé », témoignant en cela — mais cela ne surprendra aucun observateur attentif des recompositions qui marquent depuis quelques années le monde de l’action publique locale — des compétences nouvellement acquises par le secteur associatif, de sa capacité à devancer les attentes des pouvoirs publics, à en adopter les codes, les préoccupations, et bien souvent les représentations. C’est le fameux « guichet unique », antienne qui parcourt le monde de l’action sociale depuis des décennies en France, que la CASU locale n’est pas parvenu à mettre en place dans le domaine de l’action sociale d’urgence17, qui réapparaît ici dans le contexte de la demande d’asile. Et le moins que l’on puisse dire est que le projet présenté a des allures de véritable « projet de politique publique locale » témoignant, à mesure que s’éloigne l’image d’un monde associatif recentré sur le militantisme ou confiné à une mission de prestataire, de l’accès de certaines associations au statut de partenaire des pouvoirs publics, quand ce n’est pas de co-producteur à part entière de l’action publique locale.

Toutefois, des problèmes demeurent. Il faut trouver des locaux, dans un contexte où les demandeurs d’asile n’ont pas bonne presse, « or, une plate-forme, cela peut amener beaucoup de monde sur le pas de la porte, dans la rue. Il faut donc bien choisir l’endroit pour ne pas avoir de plainte » (Cadre ALC). Surtout, le financement pose problème. La DDASS et la DPM ne sont pas en mesure de financer le dispositif, l’administration centrale ayant fixé un plafond à 80 000 euros. ALC, se tourne alors vers le Fond Européen pour les Réfugiés, et rédige un nouveau dossier, sur lequel s’engagent les Restos du cœur, le SSAE, Médecins du monde et l’Entraide protestante.

Cette période est aussi celle où se met progressivement en place le CADA nouvellement constitué. Il y a urgence car de nouvelles familles continuent d’arriver et la situation dans le secteur des meublés est explosive. En 2002, 109 familles (388 personnes) ont bénéficié d’un hébergement en hôtel pour la somme de 1 370 396 euros.

17 On se souvient que l’idée d’un guichet unique de nature à mieux coordonner les différents services d’urgence et à simplifier les démarches pour obtenir une aide constituait un des points forts du dispositif CASU créé par la loi contre les exclusions. Dans le département, pour des raisons qu’il serait trop long d’évoquer ici, ce guichet unique n’a pu être mis en place. Cf G. Frigoli (2000).

I-4 Tentatives de « normalisation » d’une population : expulsion des

Dans le document Td corrigé asile politique - HAL-SHS pdf (Page 18-21)