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2 Lorsque l’Etat reprend la main : premières tentatives de rationalisation de l’offre d’hébergement

Dans le document Td corrigé asile politique - HAL-SHS pdf (Page 15-18)

Durant l’année 2000 et jusqu’au printemps 2001, ce sont essentiellement des prises en charge en hôtels meublés qui sont effectuées, par le biais de l’association ALC, à travers son service CHORUS 06, qui gère cinq dispositifs d’urgence départementaux (Schéma Départemental d’Urgence, 115, CHRS Urgence, SAO, SAEF, services d’accueils personnes isolées et familles,) ainsi que par le concours de trois associations caritatives fortement mobilisées : l’Entraide Protestante, le Secours Catholique, ainsi que le Secours Populaire.

L’Etat, bien évidemment, n’est pas absent du dispositif. Il en est, de manière plus ou moins directe, le principal financeur13. Il est à l’origine de la majorité des demandes d’hébergement14 et tente, par différentes voies, de garder le contrôle des pratiques qui ont cours dans ces structures15. Mais les flux continuent de s’intensifier. De plus, il devient de plus en plus difficile de trouver des places en hôtel. Enfin, commencent à apparaître des cas de demandeurs déboutés continuant à être hébergés, ce qui n’est pas pour faciliter la prise en charge des nouveaux arrivants. En clair, le système est engorgé et les acteurs directement confrontés à la gestion des publics montrent des signes de lassitude, voire d’exaspération, face à une situation de crise qui semble s’installer dans la durée.

C’est dans ce contexte que l’Etat prend deux décisions qui vont avoir un retentissement important localement et qui inaugurent une deuxième période dans l’émergence de la demande d’asile comme enjeu local.

La première décision émane de la Préfecture. Durant l’été 2001, l’autorité préfectorale décide un arrêt des domiciliations en vue d’interrompre le dépôt de nouvelles demandes d’asile. Les associations agréées pour effectuer ces domiciliations cessent ainsi du jour au lendemain de fournir ces dernières aux demandeurs. Concernant les tenants et les aboutissants de cette décision, comme les conditions concrètes dans lesquelles elle fut appliquée, des versions

billets (le demandeur doit réunir l’accord de quatre associations pour voir son billet financé) ; sur le plan humain ensuite, les bénévoles se plaignant de l’ « agressivité » de certains demandeurs (notre interlocuteur nous avouera éprouver de grandes difficultés pour trouver des bénévoles suite à l’agression de l’une d’entre elles par un demandeur d’asile). Enfin, au sein de l’association on a parfois le sentiment d’être « phagocyté » par cette nouvelle population et par le quasi abandon des missions traditionnelles de la structure : « La flambée d’OFPRA a pris beaucoup des financements. Les SDF ne viennent plus nous voir. Il y a des jours où on fait office d’agence de voyage. (…). On s’est aperçu que des gens faisaient commerce des billets… ».

13 A titre indicatif, la délégation 2001 au titre de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile est de 1 361 370 euros, montant qui exclut l’utilisation par les structures de dotations initialement affectées à d’autres opérations mais que certaines associations utiliseront pour répondre aux besoins d’hébergement des demandeurs d’asile.

14 Ce qui n’exclut pas que dans un nombre de cas non négligeable, mais il faudrait ici distinguer entre les différentes associations, ce soient les structures d’accueil qui aient formulé des demandes d’hébergement auprès de la DDASS, l’intervenant social de terrain téléphonant au service administratif concerné afin de lui présenter telle ou telle situation particulière. En fait, il semble que pendant cette période, à grand renfort d’appels téléphoniques entre la DDASS et les lieux d’accueil, se soit constamment opéré un ajustement entre les demandes d’hébergement formulées par la DDASS auprès des structures et les besoins exprimés en la matière par ces dernières auprès de l’administration sociale.

15 Notamment par le biais de l’usage intensif du téléphone, mais aussi à travers les commissions d’admission en CADA, qui deviennent des lieux d’échange d’information entre partenaires sur la situation locale ainsi que sur des cas concrets.

contradictoires nous ont été données. Certains évoquent l’idée d’un consensus entre une majorité d’acteurs concernés, les associations ayant peu de mal à se laisser convaincre du bien fondé d’une mesure susceptible de mettre un frein à une montée en charge difficile à vivre au jour le jour sur le terrain. Pour d’autres, ce serait même à la demande d’acteurs associatifs que la Préfecture, relayée par la DDASS, en serait venue à suspendre la procédure de domiciliation. Enfin, certains de nos interlocuteurs évoquent une décision unilatérale et brutale des services de l’Etat, même si l’on concède que telle ou telle association a sans doute été trop loin, «délivrant des domiciliations à tour de bras, sans voir physiquement les gens…

c’est de la domiciliation militante. Nous, nous n’avons jamais fait de domiciliation factice ! » (Cadre associatif).

De même, mais concernant cette fois les effets de cette décision, les avis sont partagés. Ainsi, certains pensent que cette dernière a effectivement eu pour conséquence de déplacer les flux en direction d’autres régions, ce que semblent confirmer les statistiques disponibles, qui font état d’une très nette diminution des demandes d’asile en 2002 dans les Alpes-Maritimes16 :

« En 24h-48h, les flux ne se sont plus arrêtés à Nice mais on continué leur route.

L’effet d’appel s’est arrêté quasiment instantanément. Ils ont continué vers Toulon, Perpignan ». (Cadre DDASS).

Mais d’autres font état de la montée en puissance, suite à cette décision, de « domiciliations privées ». En clair, les flux se seraient maintenus, les nouveaux arrivants se tournant vers leurs compatriotes déjà installés à Nice, vers des réseaux de sociabilité, voire des « réseaux mafieux » n’hésitant pas à faire commerce de l’offre de domiciliation. La décision de la Préfecture, non seulement serait donc inefficace, mais, en alimentant un trafic et en favorisant le regroupement de familles nombreuses dans des chambres exiguës, ou leur installation dans des habitats de fortune, elle serait porteuse d’effets pervers :

« Nous, on a toujours dit que ça ne sert à rien : ça ne décourage personne (…).

Depuis 2001, il n’y a pratiquement plus de demandeurs d’asile qui arrivent officiellement dans le département des Alpes-Maritimes. Mais les domiciliations se poursuivent grâce aux phénomènes communautaires très forts (…). Vous en avez cent qui sont là, allez expliquer aux cent suivants qu’ils ne peuvent pas s’installer avec leur congénères ! On a su qu’il s’est créé un commerce autour de la domiciliation…

certains sont prêts à payer très cher pour avoir une domiciliation ». (Cadre associatif).

Sans doute faut-il convenir que la décision de la préfecture a eu à la fois pour effet de détourner des migrants de leur destination initiale et d’encourager des pratiques de

« domiciliation communautaire » parfois payante. Toujours est-il qu’on a là affaire à un signe fort de la volonté affichée par l’Etat d’exercer une sorte de « maîtrise locale des flux migratoires ».

On trouvera une seconde manifestation de cette « reprise en main » opérée par l’Etat dans la décision que prend la DDASS, au même moment, de réorganiser la gestion de l’hébergement en hôtel meublé. Cette fois, la décision publique fait suite à un événement déclencheur qui risque, en l’absence de réaction des autorités, de déstabiliser le système d’accueil local : le Secours Catholique, jusque-là très impliqué, sort du dispositif sur décision de son Conseil d’Administration :

16 Selon les données de la Préfecture, le nombre de demandeurs d’asile passe de 904 en 2001 à 227 en 2002 (asile conventionnel) et de 950 en 2001 à 339 en 2002 (asile territorial).

« Pour trouver une chambre, c’était pas simple en 2001, on passait une demi journée à trouver une chambre de libre, c’était infernal, on avait mis un bénévole là-dessus qui ne faisait que ça. Donc pendant un an et 3 mois on a pris à peu près 31 familles.

Voilà, et ensuite on a stoppé, on a prévenu la DDASS en avance, on leur a dit, à partir de mars on arrête, on ne fait plus les avances de trésorerie. ». (Responsable Secours Catholique).

La DDASS décide, suite au retrait du Secours Catholique, de redistribuer les rôles en répartissant la gestion des hôtels meublés et de leurs occupants entre le Secours Populaire et le service CHORUS 06 de l’association ALC. Chorus 06 est, au moment où cette décision est prise, en charge de l’urgence sociale dans le département et expérimenté dans l’hébergement d’urgence (Schéma Départemental d’Urgence, 115, CHRS urgence) et la gestion des meublés.

L’accueil des familles en demande d’asile regroupé dans le dispositif d’urgence généraliste SDU devient officiellement un dispositif spécifique nommé INTERMED en août 2001. Ce dispositif débutant avec un conventionnement de 30 chambres ALT, puis 60 dans un deuxième temps, un accueil de 10 familles puis 62 en mars 2002, gère l’hébergement, au même titre que le Secours Populaire, le SSAE devant assurer le suivi social des publics. La procédure prévue est la suivante : les familles arrivant le soir sont hébergées dans le cadre d’une opération urgence (par le biais du 115) dans une chambre de meublé, puis le lendemain après une visite à la préfecture et au SSAE, les rapports sociaux faits par les acteurs concernés (Secours Populaire ou INTERMED et SSAE) sont faxés à la DDASS qui décide ensuite de la prise en charge de l’hébergement de ces familles en meublé.

Néanmoins, cette solution demeure, pour certains acteurs, insatisfaisante, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, certains déplorent que dans le cadre d’un dispositif d’urgence, et dès lors que le SSAE de son côté demeure débordé, il ne soit guère possible d’assurer un suivi social de qualité, du type de ceux qui se pratiquent en CHRS ou en CADA :

« Il ne s’agit pas d’un suivi mais seulement d’hébergement urgence. C’est du provisoire qui dure, c’est acceptable et adapté pour du transitoire, de l’hébergement d’urgence mais inacceptable pour des longues périodes » (Cadre CHORUS 06).

De plus, le dispositif est très coûteux, et pose des problèmes de trésorerie :

« Les pouvoirs publics remboursaient après coup les frais que nous engagions, avec un gros décalage en termes de trésorerie, d’environ six mois. Or, les meublés coûtent très cher à Nice car nous sommes en concurrence avec le tourisme. Actuellement, il y a des familles qui sont logées à 1 200 euros, 1 300 euros par mois et en plus c’est sordide, au mieux correct. Parmi les moches, je vous assure qu’il faut avoir le cœur bien accroché. Le plus cher est à 1 890 euros pour cinq personnes » (Cadre ALC).

En outre, le « climat local » continue de se tendre. Commence à se constituer, aux côtés de la figure du « vrai réfugié », celle du demandeur d’asile surnuméraire, mauvais client pour des gérants d’hôtels meublés qui stigmatisent son mode de vie, usager indélicat de lieux d’accueil d’urgence où l’on commence à évoquer le cas de demandeurs excessivement

« revendicatifs ». Des bagarres éclatent dans des hôtels, des attitudes qualifiées de

« xénophobes » sont observées. Il se dit dans certains lieux que ces nouveaux publics prendraient la place des publics traditionnels. Apparaissent ceux que localement on nomme les « déboutés de déboutés » (demandeurs qui introduisent un second recours et se voient à

nouveau éconduits), figures emblématiques de l’insistance que manifestent certains à demeurer sur le territoire coûte que coûte. On parle de « réseaux » et de « passeurs » qui pousseraient l’outrecuidance jusqu’à se présenter aux guichets de l’action sociale d’urgence pour solliciter, exiger disent certains, des aides.

L’association ALC, en première ligne face à ces difficultés, plaide auprès de la DDASS pour la création d’un nouveau CADA dans le département. A la faveur de l’extension du Dispositif National d’Accueil de 3000 places, la DDASS est en mesure de répondre favorablement au mois d’août 2002.

I-3 Sortir de l’urgence : création d’un CADA et annonce d’un projet de

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