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Sons des cloches, textes récités : d’après les sources des Ming et des Qing Les manuels des pratiques de tous les jours du bouddhisme

Comme les règles de la vie monastique notées dans les qinggui bouddhiques des Song et des Yuan n’étaient pas toujours présentées dans un ordre logique, et qu’il était difficile pour les bhikṣu, notamment pour les débutants, de les comprendre et les mémoriser, certains moines des Ming et des Qing ont entrepris de rééditer les manuels des pratiques rituelles de tous les jours dans l’objectif de faciliter l’apprentissage des novices. Le premier exemple de texte de ce genre est le Registre des règles de tous les jours (Pini riyong lu 丙 ), compilé sous les Ming par le moine Xingzhi (1569-1636) originaire de Changxing (dans l’actuelle province du Zhejiang). Dans ce texte, le compilateur a regroupé de nombreux poèmes gāthā qu’il fallait chanter au moment de se lever, de s’habiller, de s’alimenter et de se reposer dans

127 Sandong zansong lingzhang 五, 2, 1b, DZ. 313, vol. 5, p. 784a. Voir Giovanni Vitiello, notice sur le Sandong

zansong lingzhang, in Kristofer Schipper, Franciscus Verellen eds. The Taoist Canon, op. cit., p. 1041.

128 Sur cette école, voir Kristofer Schipper, Franciscus Verellen eds. The Taoist Canon, op. cit., p. 1115-1116. 129 Jingming zhongxiao quanshu , 5, 5b-6a, DZ. 1101, vol. 24, p. 646b-c.

un monastère bouddhique, et y a ajouté certaines formules rituelles dhāraṇī ou mantra issues des textes sacrés du bouddhisme ésotérique.

Le registre commence par le protocole pour se réveiller au matin. Il insiste sur le fait que les moines devaient, sauf dans le cas où ils étaient gravement malades, se lever en entendant la cloche du monastère. Le texte recopie le poème gāthā, noté par Daoshi dans ses œuvres, qui explique que ceux qui refuseraient d’observer cette règle recevraient une mauvaise rétribution dans le futur, mais il n’est pas indiqué clairement si ce poème devait être récité130. Xingzhi

ignore totalement le poème qu’il fallait chanter, selon la Chixiu Baizhang qinggui des Yuan, au moment d’entendre une cloche au matin. Il propose à tous les bhikṣu de chanter le Mingzhong

ji (version « yuantong ») et le Wenzhong ji en vers de trois caractères l’un après l’autre à chaque

moment où la cloche de leur communauté monastique est sonnée, que ce soit au matin ou au soir131. En plus, après avoir cité les deux poèmes gāthā, l’auteur du registre joint la Mantra pour

briser les enfers et demande aux moines de la réciter à sept reprises quand ils sonnent ou

entendent une cloche132. Comme son nom le montre, la formule est considérée comme ayant la

puissance d’ouvrir les portes des enfers. Cette puissance et le pouvoir des sonneries des cloches d’éliminer les souffrances infernales se complètent mutuellement. Aucun code monastique des Song et des Yuan n’indique la nécessité de chanter une formule rituelle en sonnant ou en entendant une cloche.

Le Pini riyong lu est loin d’être le seul manuel des pratiques de tous les jours de l’époque. Le moine Duti (1601-1679) originaire du Yunnan , maître du vinaya de la fin des Ming et du début des Qing, a également édité un texte du même genre pour que les novices puissent étudier les règles monastiques de façon approfondie et les pratiquer jour et nuit. Ce texte intitulé L’Essentiel des règles des pratiques de tous les jours (Pini riyong qieyao

丙 ) est organisé de la même manière que le registre édité par Xingzhi et réunit des poèmes

gāthā et des formules dhāraṇī ou mantra utilisés dans les rituels monastiques quotidiens. À la

différence du registre de Xingzhi, le Pini riyong qieyao considère le Mingzhong ji (version « yuantong ») consigné dans la Chixiu Baizhang qinggui comme le poème gāthā qu’il faut réciter alors qu’un moine frappe sur la cloche monastique et le Wenzhong ji comme le poème à réciter au moment de l’entendre133. Il précise qu’il convient pour les moines responsables de la

130 Pini riyong lu 丙 , X. 1114, vol. 60, p. 145b21-c01. 131 Ibid., p. 145b14-18.

132 Ibid., p. 145b19-20.

cloche monastique de réciter soit des noms vertueux de bouddhas (zhufo dehao ), soit des titres de textes sacrés du Grand Véhicule (dacheng jingming [ ), soit des formules rituelles ésotériques (mizhou ). Ce même texte insiste, comme le registre des Ming, sur la nécessité que ceux qui ont entendu les sons d’une cloche chantent la formule rituelle pour briser les enfers134.

À l’ère Kangxi (1662-1722), le moine Shuyu (1645-1722) originaire de Wujing (dans l’actuelle province du Jiangsu), disciple du maître Duti, a annoté l’œuvre de son maître dans le but de le remercier pour le « lait du dharma » (faru ) que celui-ci lui avait accordé. Cette annotation a été ainsi nommée les Notes sur le lait parfumé [extrait] de l’Essentiel des règles des pratiques de tous les jours (Pini riyong qieyao xiangru ji

). L’annotateur reprend tous les poèmes gāthā et les formules rituelles inclus dans le Pini riyong qieyao et les étudie vers par vers. Quand il examine le Mingzhong ji et le

Wenzhong ji, il analyse soigneusement les mots clés dans chaque vers en citant les anciens

textes sacrés bouddhiques, y compris la légende du Roi Kaniṣka, l’histoire du moine Zhixing et les histoires de l’empereur Wu des Liang et du souverain antérieur des Tang du sud135. Cette

annotation garde fidèlement le modèle proposé par le maître Duti : le poème en vers de sept caractères (version « yuantong ») et le poème en vers de trois caractères sont respectivement fixés comme le Mingzhong ji et le Wenzhong ji « standards », ceux qui sonnent une cloche doivent chanter des noms de divinités ou des titres de textes sacrés ou des formules rituelles, alors que ceux qui l’ont entendu récitent la formule pour briser les enfers. Ce même modèle a été reproduit plusieurs fois dans différents manuels monastiques bouddhiques publiés sous les Qing136.

Au début de l’ère Daoguang, le moine Yirun (dates exactes inconnues), a consulté de nombreuses règles de pureté alors existantes et a trouvé que le règlement compilé par le maître Chan Baizhang était le meilleur. De peur que les novices ne fussent incapables de comprendre complètement ce texte normatif, Yirun a entrepris par la suite de l’annoter en citant

134 Mais le Pini riyong qieyao indique qu’il convient de chanter cette formule à trois reprises (au lieu de sept comme le conseille

le Pini riyong lu), X. 1115, vol. 60, p. 157a15.

135 Pini riyong qieyao xiangru ji , X. 1116, vol. 60, p. 168b12-170a19.

136 Shamen riyong , X. 1117, vol. 60, p. 202c04-12 ; Shami lüyi yaolüe zengzhu , X. 1118, vol.

60, p. 248b22-c13 ; Shami lüyi yaolüe shuyi , X. 1119, vol. 60, p. 308a10-b05 ; Shami lüyi pini riyong

les arguments des anciens moines éminents 137 . Cette annotation est nommée Notes

interprétatives sur les règles monastiques [fixées] par Baizhang (Baizhang conglin qinggui

zhengyi ji ).

L’annotateur ne précise pas les textes que les auditeurs des cloches doivent réciter, mais se concentre sur ceux qu’il faut chanter alors que l’on sonne une cloche. Après avoir récité mentalement (mosong ) le Mingzhong ji, les moines qui sont chargés de sonner la cloche sont priés de présenter leur vœu. Le moine Yirun propose un texte votif rimé. Selon ce texte, les moines souhaitent d’abord que l’État soit unifié sous le règne de l’empereur au temps présent (dangjing huangdi )138. Ils espèrent ensuite

Que tous les êtres vivants dans les trois Mondes échappent au cycle des renaissances, et que tous les êtres doués de sensibilité dans les neuf Terres quittent l’océan de souffrances.

修 2] 備 1392

Ils prient enfin pour que l’État ne subisse pas de famine et de guerre, que les soldats tombés au champ d’honneur trouvent une renaissance dans la Terre pure, que le territoire de l’État soit protégé par les êtres divins et que les ancêtres de toutes générations atteignent le nirvāṇa140. Par

rapport au Mingzhong ji et au Wenzhong ji, qui ont également la fonction de faire des veux, les prières proposées par Yirun s’adressent à des personnes concrètes, que ce soit l’empereur, les fonctionnaires, les parents et les maîtres, les guerriers, même les vagabonds. Ces prières reflètent toujours l’efficacité des sons des cloches, notamment leurs pouvoirs de sauver les êtres souffrants et d’aider à réaliser l’éveil.

A la fin de ces prières rimés, Yirun fournit une liste de noms de bouddhas ou de

bodhisattva que les moines responsables de cloche doivent encore chanter. Cette liste contient

non seulement les différents titres du Bouddha Śākyamuni, mais aussi le Bouddha Amithâba, le Bouddha Maitreya. À la différence des codes monastiques bouddhiques des Yuan, qui indiquent qu’il suffit d’appeler le titre du bodhisattva Avalokiteśvara, l’annotation de Yirun y ajoute trois autres grands bodhisattva : Mañjuśrī, Samantabhadra et Kṣitigarbha141.

137 Baizhang conglin qinggui zhengyi ji , X. 1244, vol. 63, p. 373c20-24. 138 X. 1244, vol. 63, p. 515b14-15.

139 X. 1244, vol. 63, p. 515b15-16. 140 X. 1244, vol. 63, p. 515b17-21. 141 X. 1244, vol. 63, p. 515b22-c04.

Les manuels monastiques bouddhiques des Ming et des Qing montrent que sonner une cloche dans un monastère est devenu à cette époque un rituel monastique bien développé. Mise à part la récitation des poèmes gāthā telle qu’elle est décrite dans les qinggui des Yuan, le rituel pour sonner une cloche bouddhique inclut également la récitation de formules rituelles dhāraṇī ou mantra, l’annonciation des prières adressées à tous les individus sur le territoire de l’empire et l’appellation des noms de divinités. Les parties ajoutées à ce rituel réaffirment et complètent les pouvoirs des sonneries de cloche car les textes récités ont toujours une efficacité comparable à celle de la cloche elle-même.

Les manuels de la vie monastique taoïste de l’école Quanzhen

Après la publication du Quanzhen qinggui, plusieurs manuels qui décrivent la vie et les règles dans un monastère taoïste de l’école Quanzhen ont été édités à la fin de l’époque impériale, parmi lesquels le texte le plus connu est les Mystérieuses règles de pureté (Qinggui

xuanmiao )142, compilé par Min Yide (1758-1836), éminent taoïste de l’école

Quanzhen. Une version simplifiée, sous le titre de Vade-mecum du taoïsme (Xuanmen bidu ), a été publiée par les monastères du mont Luofu 代 143. Ces manuels des Qing, qui

ont été distribués comme des guides pour ceux qui menaient une vie monastique, ne mentionnent que l’utilisation de la cloche pour rythmer la vie monastique quotidienne, sans donner de descriptions détaillées.

La première description complète (à ma connaissance) du protocole pour utiliser des cloches dans un monastère Quanzhen sous les Qing ne figure pas dans un manuel mais dans les

Œuvres complètes du maître Zhang Sanfeng (Zhang Sanfeng xiansheng quanji

), compilées par Li Xiyue 使 (1806-1856) originaire de Leshan (dans l’actuelle province du Sichuan).

Zhang Sanfeng est un taoïste célèbre entre la fin des Yuan et le début des Ming, et qui est devenu, à partir du XVIIe siècle, une figure légendaire non seulement dans ses

hagiographies mais aussi dans des textes de genres divers (par exemple, des monographies locales). De nombreux ouvrages lui ont été attribués. A l’ère Daoguang, Li Xiyue a obtenu une

142 Min Yide , Qinggui xuanmiao , rééd. Xiao Tianshi , Daozang jinghua , Taipei, Ziyou

chubanshe, 1991, coll. I, vol. 8, p. 223-310 ; Zangwai daoshu, vol. 10.

143 Xuanmen bidu , 1931, rééd. Xiao Tianshi, Daozang jinghua, op.cit., coll. 9, vol. 3, p. 149-306. Tianshi Vincent

version incomplète des Œuvres complètes du Patriarche Sanfeng (Sanfeng zushi quanji ), compilées au début de l’ère Yongzheng par Wang Xiling (1664-1724) originaire de la préfecture du Huizhou (entre les actuelles provinces de l’Anhui et du Jiangxi), et s’est mis par la suite à les compléter et à les publier144.

L’édition de Li Xiyue se compose de huit fascicules (juan ” ), dont le septième comprend un texte nommé Poème gāthā de la cloche (Zhongji ). Les prêtres taoïstes récitent également, suivant divers rituels, des ji (gāthā), une composition rituelle rimée directement inspirée du bouddhisme. Néanmoins, ce « ji » sur les cloches monastiques taoïstes n’est pas un poème gāthā typique en vers de trois, quatre, cinq ou sept caractères. Il est en réalité une description du rituel pour sonner une cloche taoïste qui peut se diviser en trois parties. La première est proche d’une prose parallèle (pianwen ), où des phrases de quatre caractères alternent avec des phrases en six caractères. Les neuf paires de phrases parallèles dans cette partie expriment le vœu que les prêtres taoïstes doivent faire quand ils sonnent une cloche. Similaire aux prières bouddhiques proposées par les Baizhang conglin qinggui zhengyi

ji, compilées également à l’ère Daoguang, cette prose parallèle demande aux taoïstes de prier

avant tout pour :

Que le souverain soit bienveillant et sage, et que tous les pays du monde jouissent d’une paix de longue durée.

que les pères et les mères soient en bonne santé, et que les mille familles sous le ciel soient harmonieuses et conciliantes.

2

1452

Le texte se tourne ensuite vers les êtres dans le monde des morts et celui des vivants et invitent les taoïstes à souhaiter :

Que tous les êtres dans les Neuf Ténèbres ou sur les six voies [du cycle des existences] reviennent à leur origine.

144 Zhang Sanfeng xiansheng quanji , version Chongkan daozang jiyao , préfaces, 5a-b ;

collection Zangwai daoshu 住 , vol. 5, p. 380. Guo Xuyang , « ‘Zhang Sanfeng quanji’ banben yuanliu kao 仲 », Yunyang shifan gaodeng zhuanke xuexiao xuebao 亥 亞 , vol. 26, no 2, 2006,

p. 7-10 ; Huo Kegong , Li Xiyue neidan sixiang yanjiu 使 二, thèse de doctorat à l’Université de Sichuan, 2007, p. 48 ; Guo Xuyang, « Li Xiyue yu ‘Zhang Sanfeng quanji’ 使 », Yunyang shifan

gaodeng zhuanke xuexiao xuebao, vol. 28, no 4, 2008, p. 11-17.

Que les âmes hun et po dans des tombes anciennes, dans des déserts et dans des sépultures isolées soient délivrées.

] 2

1462

Ces prières au bénéfice des êtres vivants et les âmes souffrantes correspondent évidemment au pouvoir des sons des cloches de supprimer les peines. Après avoir émis un vœu pour tous ceux qui souffrent de guerres, de calamités, de maladies, de la solitude et de toutes sortes d’adversité, ce texte en prose parallèle continue d’expliquer que ceux qui vénèrent respectueusement le Tao et qui s’efforcent de se corriger de toutes les fautes antérieures recevront finalement des bénédictions et seront accueillis par les divinités et les immortels dans les cieux147. Cela suggère

que le résultat escompté du rituel pour sonner une cloche consiste à guider les fidèles pour pratiquer soi-même et arriver à l’état de perfection, ce qui rejoint la puissance des sonneries des cloches qui aide à atteindre l’éveil. En un mot, la prose parallèle présentée dans ce texte nommé

Zhongji est un témoignage éloquent de la reconnaissance de l’efficacité des sons émis par les

cloches.

La prose parallèle est suivie d’une liste de noms de divinités taoïstes. Avant chaque titre se trouve une même formule disant « [Je] vénère avec respect … » (zhixin chaoli ). Cette deuxième partie du Zhongji suggère que les taoïstes chargés de sonner une cloche ont encore besoin, après avoir fini la récitation de la prose parallèle, de rendre un culte à des divinités taoïstes importantes en appelant leurs noms. La liste comprend non seulement les divinités du rang le plus haut dans le panthéon taoïste, telles que les Trois Purs (Xiantian yiqi

sanqing daozu tianzun ), l’Empereur de jade (Haotian jinque

gaoshang yuhuang tianzun ), le Vénérable céleste qui transforme tout (Jiutian yingyuan leisheng puhua tianzun ] 仿 ) et le Vénérable céleste qui libère de la souffrance (Taiyi jiuku xunsheng fugan tianzun 仿 ), mais aussi tous les patriarches et les maîtres taoïstes qui ont atteint l’immortalité, toutes les divinités protectrices des montagnes et des rivières, les Boisseaux du nord et du sud ainsi que toutes les constellations, et même tous les êtres divins dans l’espace céleste148. Selon les textes sacrés du

taoïsme du moyen âge chinois, la récitation des noms de divinités est considérée comme une

146 Ibid. 147 Ibid.

méthode de repentance (chanfa ). De telles récitations peuvent même renforcer la défense contre les péchés et la culpabilité futurs149. Dans cette perspective, l’effet religieux de cette

méthode correspond bien aux fonctions des sons des cloches car les fidèles ayant confessé leurs erreurs ont la possibilité de devenir immortels et d’arriver à l’état de perfection.

À l’issu de cette liste de noms de divinités, l’auteur du Zhongji insiste, dans la troisième partie du texte, pour que les taoïstes rendent également un culte à deux textes sacrés les plus connus du taoïsme en rappelant leurs titres (sans besoin de les réciter entièrement) : le Texte

pour délivrer des malheurs (Jie’e jing ) et le Texte pour le Salut des hommes (Duren

jing )150. Le premier se réfère au Texte merveilleux des trois principes du Très-Haut

accordant les bénédictions, pardonnant les péchés, délivrant des malheurs, écartant les fléaux, prolongeant et protégeant la vie (Taishang sanyuan cifu shezui jie’e xiaozai yansheng baoming miaojing )151. Son titre long indique clairement ses

fonctions. Ce texte possiblement composé sous les Song du sud est aussi connu sous le titre du

Texte des Trois Officiers [du ciel, de la terre et des eux] (Sanguan jing 、 ). Il a été l’un des textes le plus souvent récités et le plus largement imprimés sous les Ming152. Le second,

également connu sous le titre de Texte merveilleux le plus excellent de la tradition Lingbao qui

sauve d’innombrables êtres humains (Lingbao wuliang duren shangpin miaojing

)153, est le texte le plus important de la tradition Lingbao et occupe une place

prééminente dans le Canon taoïste. Il a été extrêmement important dans la liturgie taoïste car sa récitation répétitive a été censée pouvoir conduire au salut pour tous les êtres humains et surtout les morts154. Il semble que ces deux textes soient nommés dans le Zhongji pour des

raisons précises : mis à part leur importance dans le taoïsme moderne, leurs fonctions et les pouvoirs des sons des cloche coïncident.

Le Zhongji inclus dans les œuvres complètes de Zhang Sanfeng montre que, à l’ère Daoguang, les taoïstes avaient, comme les moines bouddhiques, un texte décrivant l’utilisation

149 Florian C. Reiter, notice sur les Taishang yuqing xiezui dengzhen baochan , Taishang shangqing

rangzai yanshou baochan et Taishang taiqing bazui shengtian baochan , in Kristofer Schipper, Franciscus Verellen eds., The Taoist Canon, op. cit., p. 572-573.

150 Ibid.

151 Taishang sanyuan cifu shezui jie’e xiaozai yansheng baoming miaojing , DZ.

1442, vol. 34.

152 Kristofer Schipper, notice sur le Taishang sanyuan cifu shezui jie’e xiaozai yansheng baoming miaojing, in Kristofer

Schipper, Franciscus Verellen eds., The Taoist Canon, op. cit., p. 1226-1227.

153 Lingbao wuliang duren shangpin miaojing , DZ. 1, vol. 1.

154 Kristofer Schipper, notice sur le Lingbao wuliang duren shangpin miaojing, in Kristofer Schipper, Franciscus Verellen eds.,

des cloches comme un rituel bien développé. La structure de ce texte taoïste ressemble beaucoup à celle de textes bouddhiques contemporains : ils commencent tous par une composition rimée votive, rappellent ensuite les titres honorifiques des divinités et se terminent en récitant les titres de textes sacrés importants. L’interprétation de cette similarité se trouve en dehors du champ de discussion de la présente thèse mais demeure une question qui mérite d’être creusée. Après tout, au XIXe siècle au plus tard, sonner une cloche était considéré chez les

taoïstes comme chez les bouddhistes, comme un rituel évolué, dans lequel se fusionnent la récitation de poèmes gāthā, la méthode de repentance et le culte aux textes sacrés. Réciproquement, les textes chantés dans ce rituel ont toujours une efficacité semblable à celle des sons produits par des cloches et ils complètent ainsi leurs pouvoirs.

Le compilateur des œuvres complètes de Zhang Sanfeng remarque bien que le Zhongji était un texte utilisé dans les temples et les monastères de la lignée des immortels retirés (yinxian