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Même si des changements dans la forme ont eu lieu au fil des années, il est possible de donner une brève description générale des cloches de Pékin comme relevant d’un même type particulier : à en juger par leur facture et leurs motifs décoratifs, elles rentrent dans la famille II établie par Sun Ji.

La figure 1-15 montre une cloche datant de l’ère Jiajing. Sur le sommet de son corps se trouve une anse, ou zhongniu , modestement décorée de motifs de nuages, qui sert d’anneau de suspension. Le cerveau est lié à la panse par une partie ornée de pétales de lotus, en l’occurrence au nombre de seize, qui est conventionnellement appelée par les archéologues chinois zhongjian , littéralement l’« épaule ». Par deux gros bandeaux horizontaux, qui sont parfois nommés la « ceinture », ou zhongyao 伏, sa panse est divisée en deux parties. Chacune est subdivisée, par des décors linéaires horizontaux et verticaux, en quatre panneaux, ou « zones carrées » (fangqu ). La partie supérieure, également nommée le « palais supérieur » (shanggong ), est pourvue d’une « tablette », ou paiwei , localisée entre deux panneaux, qui montre la date de la fonte. En dessous de la partie inférieure, ou « palais inférieur » (xiagong ), se trouve une partie évasée, souvent appelée zhongqun , ou « jupe », sur laquelle sont installés deux cercles, ou zhongyue (littéralement la « lune de cloche »), servant à délimiter l’endroit où frapper. Le bord de la « jupe » comporte huit légères ondulations caractéristiques de la famille II74 (fig. 1-15).

74 BJGZ, vol. II, p. 127-128 ; GZJ, p. 102-103. Figure 1-15 : Une cloche de l’ère Jiajing. Source : GZJ, p. 102.

Figure 1-16 : Les parties du corps d’une cloche. Source : La voix du dragon, p. 75.

La plupart des fanzhong de Pékin possèdent une forme évasée à base légèrement ondulée et correspondent à la description ci-dessus, schématisée par les chercheurs du Musée Dazhongsi75 (fig. 1-16). Il existe quelques exceptions, qui sont caractérisés par leurs ondulations

profondes, au nombre de six ou huit, ce qui les fait rentrer dans la famille III que Sun Ji a pu définir76. Mais le vocabulaire que nous venons d’utiliser est toujours approprié pour les décrire.

La dimension et le poids

La taille des cloches est variée. La plus petite dans ma base de données est celle fondue en 1787, ayant une hauteur totale de 26,2 cm avec l’anse qui, elle-même, fait 4 cm, et un diamètre à la base de 21,5 cm77. La plus grande, qui remonte au début de l’ère Yongle, mesure

5,5 m de haut, avec un diamètre à la base de 3,3 m78. Cette dernière, à cause de sa taille, devait

être installée dans une large tour spécialement construite pour elle, en revanche, la première, théoriquement facile à déplacer, pouvait être suspendue sous l’avant-toit d’une salle, où à un support lui-même placé à l’intérieur d’une salle ou dans une cour. La taille d’une cloche affecte son emplacement dans un site religieux. D’après ce que l’on peut observer, ces instruments peuvent se répartir en trois groupes en fonction de leur hauteur : ils seront de 25 à 35 cm, convenables pour un autel ; de 50 à 80 cm, probablement accrochés à un support ou à une poutre ; et 130 à 180 cm, souvent placés dans les tours de la cloche (zhonglou)79. Il existe encore

trois exceptions d’une hauteur totale de plus de 4 m, fabriquées toutes les trois sous le règne de l’empereur Yongle. De riches textes religieuses ont été inscrits sur l’une d’entre elles, les deux autres furent fondues pour la Zhonglou de la capitale80. Bien évidemment, aucune de ces

catégories n’est complètement étanche. Mis en usage dans des endroits différents selon leurs tailles variées, ces objets sonores produisaient divers effets acoustiques : le quatrième chapitre en discutera en détail.

Les chercheurs du Dazhongsi n’ont pas pesé toutes les cloches dans leurs collections. D’après ce que l’on connaît, leur poids varie de moins d’un kilo jusqu’à plusieurs dizaines de tonnes. Les inscriptions sur les cloches fournissent quelques informations qui correspondent bien aux données saisies aujourd’hui. Selon celles-ci, deux cloches dans mon corpus pèsent

75 Yu Hua utilise la même terminologie dans son Zhongling wenwu tanwei, op. cit., p. 34-35.

76 Voir par exemple, BJGZ, vol. I, p. 228-299, p. 259-260, p. 276-279 ; vol. II, p. 164-167, p. 226-227, p. 245-247, p. 272-274. 77 BJGZ, vol. II, p. 226-227.

78 BJGZ, vol. II, p. 60-61.

79 Susan Naquin présente la même observation dans son « The Ancient Bells of Peking Temples », communication au colloque

international Temples and Local Communities in Urban China from the Ming to the Republic, Pékin, octobre 2009.

plus de mille jin (l’une fondue en 1456, l’autre en 1664), deux autres ont un poids de cinq cents

jin (fabriquées en 1508 et en 1869), encore deux autres de trois cents jin (datant respectivement

de 1469 et de 1600), et une dernière pèse cent vingt jin (fondue en 1780)81. La littérature locale

indique parfois le poids de ces instruments. Une cloche fondue sous l’ère Chenghua et installée au sommet du Mont Pan pèse de deux mille jin82. Une autre, fabriquée en 1629 et dédiée

au Temple de la victoire (Deshengsi ) situé lui-même dans le district Shunyi , a un poids de plus de mille jin83. À la fin des Qing et au début de l’époque républicaine, les moines

du Temple du tuṣitāḥ (Doushuaisi ) au Mont Shangfang commencèrent à faire des collectes et à fondre une nouvelle cloche en bronze, achevée, semble-t-il, en 1923, avec un poids de quatre mille huit cents jin84. Par comparaison, le poids d’un bol sonore (qing ) ne

dépasse en général pas une centaine de jin.

Les chiffres dans les inscriptions et la littérature locale pourraient être approximatifs. En outre, les auteurs de récits de voyage tentent de temps en temps de les exagérer : Yuan Lizhun (1876-1935), originaire du district Wanping , académicien Hanlin à la fin des Qing, visita en 1927 le Temple du tuṣitāḥ et y vit la grande cloche, dont le poids devenait sous sa plume huit mille jin85. Mais un recensement des objets liturgiques lancé en 1768 par les

fonctionnaires de l’administration de la Maison impériale (Neiwufu ) permet d’obtenir des données plus ou moins rigoureuses. Cet inventaire touchait quatorze temples, à l’intérieur et à l’extérieur de la capitale, où aucun moine d’alors les dirigeait. Les enquêteurs purent compter vingt-six ustensiles rituels et présentèrent leurs informations essentielles dans une liste adressée à l’empereur Qianlong86. Les données concernant les dix-sept cloches en bronze,

présentées dans le tableau 1-2, nous apprennent que leur poids dépend de leur hauteur, de leur diamètre en moyenne (junjing ) et de l’épaisseur en moyenne de leur paroi (junhou ). Deux objets, ayant des hauteur et diamètre approximatifs similaires, mais avec des épaisseurs différentes, peuvent peser différemment : l’écart de leurs poids peut parfois être large (no 3 et

no 7, par exemple).

81 BJGZ, vol. I, p. 109-110, p. 148-149, p. 220-223, p. 262-264, p. 272-274, p. 304-305 ; vol. II, p. 266-268. 82 RJK, 1919.

83 Shunyi Xianzhi , 1674 et 1933, rééd. in coll. Zhongguo difangzhi jicheng , Nankin, Jiangsu guji

chubanshe, 2002, p. 383.

84 Shangfangshan zhi , 1746 et 1933, rééd. in coll. Zhongguo fosi zhi , 3/29, Taipei, Mingwen shuju,

1980, p. 60.

85 Ibid., p. 297

86 « Zouwei Jingcheng neiwai simiao tongzhong gongqi deng xiang zhongliang shi

Tableau 1-2 Dimensions et poids des cloches inventoriées en 1768 No Temple Hauteur (chi) Diamètre en moyenne (chi) Épaisseur en moyenne (chi) Poids (jin) 1 Chongshengsi 5 2,7 0,17 2733 2 Yousheng’an 3,65 1,7 0,1 900 3 Guangjisi 5,5 3 0,1 2580

4 Baochengsi à l’extérieur de la porte Fucheng

5 2,3 0,1 1702

5 Futiansi au Mont parfumé 4,7 2,9 0,1 1291

6 Futiansi au Mont parfumé 1,95 1,1 0,04 130

7 Futiansi au Mont parfumé 5,6 2,7 0,2 4309

8 Long’ensi 4,8 2,4 0,1 1722

9 Long’ensi 2,7 1,3 0,06 320

10 Gongdesi au village Shu 7,7 4 0,15 6975

11 Guangtongsi à l’extérieur de la porte Xizhi 使乃

3,6 1,7 0,08 722

12 Zhenkongsi 于 , à l’extérieur de la porte Guangning

5,8 2,9 0,08 2053

13 Linghuisi à l’extérieur de la porte Chaoyang

4,6 2,35 0,1 1617

14 Huiguangsi 4,1 2 0,1 1209

15 Lingyingsi au Dongba 6,5 3,5 0,15 5226

16 Wan’ansi au Pont Lugou 4,7 2,4 0,11 1583

17 Fayunsi au Mont Bei 4,05 1,9 0,1 1126

Source : Zongguan neiwufu dang’an , doc. 05-0253-021, daté 12/5/Qianlong 33 (26 juin 1768).

Les études des spécialistes de l’acoustique et de l’histoire des sciences, menées dans les années 1980, calculent, à partir des chiffres saisis par métrologie, les proportions entre les différentes parties d’une cloche. Le diamètre de la partie supérieure est en général plus petit que celui à la base, mais selon le calcul de Wu Kunyi , leur rapport demeure d’environ 0,7587. Le rapport du diamètre de la bouche d’une cloche à sa hauteur reste d’environ 1,3. En

outre, la paroi est fréquemment moins épaisse au milieu qu’à la partie inférieure88. Sous les

Ming et les Qing, toutes ces proportions avaient tendance à être normalisées. Des spécialistes de l’acoustique montrent que l’épaisseur de la « jupe » et le diamètre à la base sont deux éléments qui affectent le son fondamental d’une cloche89, tandis que la paroi d’épaisseurs divers,

le cerveau en forme arquée, la forme évasée du corps, ainsi que les matériaux, dont je discuterai dans Chapitre III, permettent d’augmenter la force du son et favorisent sa prolongation90. La

87 Wu Kunyi , « Mingqing fanzhong de jishu fenxi », Ziran kexueshi yanjiu 二,

vol. 7, no 3, 1988, p. 288-296. 88 Ibid.

89 Cai Xiulan , Zheng Minhua , Chen Tong , « Guzhong xingzhuang he texing »,

Shengxue xuebao 仿 , vol. 12, no 2, 1987, p. 92-103.

90 Yang Yang , Ding Hong , « Beijing zhonglou shengxiaoying chutan : Yi Yongle qingtong guzhong wei zhongxin

仿 —— 偉 », Ziran kexueshi yanjiu 二, vol. 37, no 2, 2018, p. 156-

standardisation des dimensions des fanzhong donnaient lieu au fait que ces objets sonores émettaient des sons vigoureux et retentissants.

Le pulao sur l’anneau de suspension

La décoration de l’anneau de suspension peut également varier. La figure 1-15 montre une anse en forme d’un pont. 14 autres exemples dans ma base de données ont un zhongniu similaire91, dont les deux extrémités sont souvent ornées de motifs des nuages, parfois de ceux

de dragons. Ce décor apparaît non seulement dans des cloches petites, qui ne mesurent que 30 à 40 cm de haut, mais aussi dans les grandes, y compris celles ayant une hauteur de plus de 4 m. Certains spécialistes estiment que ces dernières sont dotées d’un anneau de suspension simplement décoré parce qu’elles sont souvent suspendues à l’intérieur de tours, et qu’une

zhongniu qui se trouve à une grande hauteur au-dessus de la terre est difficilement visible92.

Mais la majorité des objets dans mon corpus possède un anneau qui consiste en un ou deux dragons nommés pulao (fig. 1-17). Li Shan (630-689) a décrit ces animaux mythiques dans son annotation de la Rhapsodie de la capitale de l’Est (Dongdu fu ), écrite par Zhang Heng (78-139) et incluse dans les Lettres choisies (Wenxuan ) compilées par Xiao Tong (501-531), fils de l’empereur Wu des Liang (r. 502- 549). Li cite une interprétation de Xue Zong ( ?-243) :

Il y a dans la mer un grand poisson appelé la baleine, une bête nommée le pulao réside au bord de mer. Le pulao a peur de la baleine depuis toujours. Il crie à voix haute quand cette dernière le heurte. Celui qui veut une cloche aux sons éclatants place ainsi un [anneau en forme de] pulao sur son sommet et le frappe par un battoir [en forme de] baleine.

2

2 仿 , ! 932

Ce passage a été cité à plusieurs reprises dans des recueils des anecdotes et des encyclopédies édités sous les Tang et les Song pour expliquer l’origine d’une telle décoration. Cette même idée circulait encore parmi les lettrés des Ming et des Qing. Pour eux, cet animal de bord de mer était considéré comme l’un des neuf fils du dragon qui aimait crier

91 BJGZ, vol. I, p. 84-85, p. 103-104, p. 107-108, p. 136-137, p. 196-197, p. 295-296, p. 308-309, p. 312-313 ; vol. II, p. 60-61;

p. 62-63, p. 123-124, p. 125-126, p. 127-128, p. 223-225.

92 Sun Ji, « Zhongguo fanzhong », art. cit.

et qui pouvait rendre forte la sonnerie d’une cloche94. Quand on installait une fanzhong dans un

temple, on construisait une salle pour l’abriter du vent et de la pluie, de plus, on suspendait un maillet ressemblant à une baleine (xuanjing ) qui servait à la frapper. Les sons d’une cloche étaient ainsi parfois appelés le « cri d’un pulao » sous la plume d’autres auteurs des Qing ou de l’époque républicaine95.

94 Shen Defu , Wanli yehuo bian (plus loin WYB), 1616, rééd. Pékin, Zhonghua shuju, 1959 et 1997, p.

190-191.

95 Shangfangshan zhi, p. 297.

Figure 1-17 : Le pulao d’une cloche de l’ère Zhengde. Source : La voix du dragon, p. 252-253.

Ce genre de décor, que les archéologues considèrent comme l’une des particularités de l’art campanaire chinois96, apparaît déjà dans la fanzhong la plus ancienne à nous être parvenue

(celle fondue en 575) et se maintient dans les périodes postérieures, mais, bien sûr, avec diverses variations97. L’exemple le plus ancien à notre disposition, qui remonte aux dynasties

du Nord et du Sud, montre une anse décorée comme le corps d’un dragon, dont les deux extrémités étaient ornées de deux têtes qui rongeaient le cerveau (que je définis comme modèle I). Dès les Tang jusqu’aux Jin, le zhongniu était fabriqué en forme de deux dragons qui s’enroulaient l’un autour de l’autre : dans certains cas, les deux pulao tenaient le sommet de la cloche dans leurs gueules et voûtaient leurs dos, portant une perle entourée de feu (huozhu 一) (modèle II) ; dans d’autres cas, ils jouaient ensemble avec une perle, la tête haute, et agrippaient le cerveau avec leurs griffes (modèle III)98 (fig. 1-18).

Figure 1-18 : Trois types de pulao comparés aux frontons de stèle. Source : Sun Ji, « Zhongguo fanzhong », p. 10.

96 Sun Ji, « Zhongguo fanzhong », art. cit.

97 Claudine Salmon, « Diffusion et commercialisation », art. cit. 98 Sun Ji, « Zhongguo fanzhong », art. cit.

Ces trois modèles peuvent tous être observés sur les cloches des Ming et des Qing, quels que soient leur taille et leur matière. Celle fondue en 1530 et dédiée au Temple des nuages azurés (Biyunsi ) au Mont parfumé (Xiangshan ) comporte une décoration similaire au premier modèle99. Deux têtes de dragon semblent partager un même corps ; leurs lèvres

touchent le sommet. A la différence de la décoration des dynasties du Nord et du Sud, on peut clairement voir les quatre membres qui servaient à relier l’anneau de suspension au cerveau (fig. 1-19a). Le modèle le plus souvent vu est le second. Tel est le cas de la cloche commanditée en 1627 par Wei Zhongxian (1568-1627), eunuque puissant de la fin des Ming100. Les deux

pulao s’enlacent. Leurs griffes de devant saisissent la cloche et leurs pattes postérieures sont

posées sur les épaules de leur compagnon. Leurs dos se courbent, portant parfois une boule. Mais leurs têtes se lèvent, regardant droit devant eux, et s’opposent l’une à l’autre, ce qui est différent de la décoration des Tang (fig. 1-19b). Le troisième modèle est seulement vu sur une cloche en bronze fondue sous le règne de Zhengde : les deux pulao la tiennent avec leurs membres antérieurs et jouent avec une perle dans leur bouche ; leur queue se gondole101 (fig. 1-

19c). Sa variante peut être observée sur la cloche du Temple des fleurs du dharma (Fahuasi ), fabriquée en 1461. Les pattes postérieures des deux fils-dragons lèvent une perle jusqu’à leur dos et les têtes se tournent vers le haut, la regardant102 (fig. 1-19d).

99 BJGZ, vol. I, p. 154-155 ; GZJ, p. 94-95. 100 BJGZ, vol. II, p. 172-173, GZJ, p. 113-114.

101 BJGZ, vol. II, p. 99-100 ; GZJ, p. 84-87 ; Lucie Rault éd., La voix du dragon, op. cit., p. 254-255.

102 BJGZ, vol. II, p. 64-71.

a. La cloche du Biyunsi, 1530. b. La cloche fondue par Wei Zhongxian , 1627.

Sun Ji trouve que le décor du zhongniu peut être comparé avec celui du fronton de stèle (bei’e 乙 ) de la même époque qui est également entouré par deux dragons (Voir fig. 1-17). Les trois modèles de pulao peuvent trouver leurs équivalents respectivement sur les bei’e des dynasties du Nord et du Sud, des Tang et des Jin103. Dans le Pékin des Ming et des Qing, deux

dragons jouant ensemble avec une perle étaient encore un décor couramment vu sur les pierres portant des inscriptions. La stèle de 1456 érigée dans le Temple de la pureté merveilleuse (Miaoqingguan ) situé à Nanxiaojie près de la porte Xizhi 使乃 en est un exemple104. Les deux animaux mythiques s’enroulent l’un autour de l’autre. Leurs lèvres

touchent le sommet de la pierre ; leurs pattes postérieures portent une boule (fig. 1-20a). Cette décoration est comparable au modèle I. L’équivalent du modèle III peut être trouvé dans la stèle de 1629 située autrefois dans le Temple D’Avataṃsaka (Huayan’an ou Huayansi

) à Zhiran hutong 伊 105. Sur son fronton sont gravés en creux deux dragons, les têtes

hautes, qui tiennent une perle (fig. 1-20b). Cependant, le modèle II, fréquemment vu sur les cloches, ne figure guère sur les frontons de stèle.

103 Sun Ji, « Zhongguo fanzhong », art. cit. 104 BJTB, vol. 51, p. 198.

105 BJTB, vol. 60, p. 15.

c. Une cloche ornée des motifs de grues génies, l’ère Zhengde

d. La cloche de Fahuasi, 1461

Figure 1-19 : Les trois types de pulao sur les cloches de Pékin.

Figure 1-20 : Les dragons dans le fronton des stèles de Pékin.

Source : a, BJTB, vol. 51, p. 198 ; b, Beijing neicheng, vol. IV, p. 863-866.

Divers motifs ornementaux

Dans quelques cas exceptionnels, l’ « épaule » de la cloche est décorée des motifs linéaires ou des motifs de nuages106, mais elle est souvent ornée des pétales de lotus. Sur ceux-

ci se trouvent parfois des caractères chinois, lantsa, ou tibétain. Sur la cloche de 1520 commanditée par Zhang Huai (fl. 1520), eunuque de l’ère Zhengde, l’incantation de dévotion en six caractères, namo amituofo (Namo'mitābhāya buddhāya), est fondue en relief à trois reprises sur les dix-huit pétales107 (fig. 1-21a). Un autre exemple, fabriqué

106 BJGZ, vol. I, p. 60-61, p. 62-63, p. 111-112, p. 167-168, p. 259-260, p. 265-266, p. 269-271, p. 308-309 ; vol. II, p. 85-86,

p. 226-227, p. 258-259.

107 BJGZ, vol. II, p. 101-104 ; GZJ, p. 88.

en 1492, est couvert de longs textes taoïstes. Les vingt-huit pétales sur son « épaule » comportent les noms des vingt-huit mansions célestes, réparties en quatre groupes, qui se répercutent dans les quatre directions correspondant aux quatre saisons de la planète108 (fig. 1-

21b). Un symbolisme religieux s’attache au nombre des pétales, qui varie de six, huit, douze, seize, dix-huit, vingt, vingt-quatre jusque vingt-huit.

La « jupe » évasée est souvent ornée de motifs de vagues, ce qui correspondent à la forme de son rebord. De fines lignes courbes représentent les ondulations dans la mer, parmi lesquelles se trouvent parfais de l’écumes découpée par des traits frisés. Dans quelques cas, des dragons se lèvent d’un bond au-dessus des vagues. On peut aussi y observer les huit trigrammes (bagua ). Ce décor, que l’on considère à priori comme ayant une valeur taoïste, figure également sur les cloches dédiées aux temples bouddhiques : on en a au moins vingt-sept exemples. Les trigrammes, parfois inscrits en relief sur le bord supérieur de la « jupe », se répartissent toujours à distance égale, ce qui nous fait penser à leur correspondance aux huit directions. Il n’existe pas encore d’études, à ma connaissance, qui discutent des raisons d’un tel décor sur les fanzhong.

La panse est la partie principale où l’on inscrit des textes, mais on y trouve également des motifs ornementaux de genres divers. La plupart des cloches de Pékin ont une ou deux tablettes. Elles se situent fréquemment dans la partie supérieure, mais dans quelques cas

108 BJGZ, vol. II, p. 80-84 ; Lucie Rault éd., La voix du dragon, op. cit., p. 250-251.

a. La cloche commanditée par Zhang Huai , 1530. b. Une cloche fondue en 1492.

Figure 1-21 : Les pétales de lotus avec inscriptions. Source : a. GZJ, p. 88 ; b. La voix du dragon, p. 250.

exceptionnels, sur l’une des zhongyue dans la « jupe »109. Il s’agit d’un quadrillage longitudinal

décoré des motifs de dragons ou de nuages, et placé sur un socle à la base (zuo ) en forme de lotus ou de mont Suméru. La forme et le décor des paiwei sont tout à fait comparables avec ceux des tablettes (shenpai ) dans les temples, qui sont déposées fréquemment devant les statues et représentent le vrai siège d’une divinité (fig. 1-22). Quelques cloches, à ma connaissance, possèdent des tablettes portant le nom et le titre d’un dieu110, mais en général,

celles-ci comportent la date de la fonte ou des formules de souhait adressées à l’empereur ou à l’État.

Figure 1-22 : Le paiwei sur la cloche du Hongluosi, 1625. Source : GZL, p. 112.

Parfois les inscriptions peuvent être « ponctuées » par des motifs décoratifs. Tel est le cas des deux cloches fabriquées dans la première décennie du XVIIIe siècle, l’une dédiée au

Temple de dix-mille bienfaits (Wanshansi ), dont l’adresse n’est pas encore exactement connue111, et l’autre au Temple du bois de cyprès (Bailinsi ) à côté du Yonghegong. Dans