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Commanditaires et donateurs Les membres de la famille impériale

Les empereurs n’étaient pas des donateurs actifs de cloches, à l’exception de quelques- unes utilisées dans les rituels d’État et de la grande cloche Yongle commanditée par Zhu Di au début de son règne. Ceux qui s’intéressaient à la souscription pour la fonte d’une cloche dédiée à un temple bouddhique ou taoïste étaient avant tout les membres féminins de la famille

impériale : les impératrices-douairières, les impératrices et les princesses. Bouddhistes ou taoïstes dévotes, ces commanditaires entretenaient souvent une relation étroite avec les moines et nonnes de diverses fondations religieuses à l’intérieur mais aussi en banlieue de la capitale : ces religieux allaient en cas de difficulté demander secours à leurs fidèles de la famille impériale, qui, en retour, leur fournissaient protection ou soutien financier.

L’histoire du Baomingsi2 en est un exemple. En 1527, l’empereur Jiajing lança une

campagne de fermeture forcée de temples et de monastères sur le conseil d’un groupe de ses proches conseillers dont l’académicien Hanlin Gui E (? – 1531) pour s’assurer que le pouvoir impérial ne déclinerait pas avec la prospérité des institutions religieuses. Dans ce cadre, une proposition fut adressée à l’empereur pour éliminer complètement les nonnes bouddhistes et taoïstes et fermer tous les couvents de l’empire. Le Baomingsi, un monastère de nonnes, put survivre à la campagne parce que l’Impératrice douairière de la bienveuillance et de la longévité (Cishou huangtaihou , ?-1541), mère de l’empereur Zhengde, et l’impératrice douairière de la bienveillance et de l’amour compatissant (Ciren huangtaihou , ?- 1538), mère de l’empereur Jiajing, se mirent en avant pour persuader le souverain de le préserver. Ayant probablement reçu un rapport des nonnes demandant de l’aide, les deux impératrices firent d’abord valoir la particularité du Baomingsi en tant que site religieux inauguré par l’empereur Hongzhi et toujours lié à la famille impériale, puis firent part à Jiajing de leur ambition de construire un nouveau temple. La mère de Jiajing proposa que, puisqu’elle voulait de toute manière fonder un temple, il serait tout aussi bien que le Baomingsi destiné à être détruit lui soit donné. Ayant montré publiquement sa piété filiale à plusieurs reprises, l’empereur Jiajing ne put pas refuser cette demande et donna des ordres selon la volonté de sa mère. C’est dans ce contexte que le Baomingsi fut préservé et que les deux impératrices demandèrent de fondre l’ancienne cloche du temple et d’en fabriquer une nouvelle, pour marquer la nouvelle page de l’histoire du temple3.

Le Baomingsi continua à recevoir les faveurs impériales jusqu’à la fin des Ming. Il reçut une autre cloche en bronze, fondue en 1572 et commanditée par la fameuse Impératrice douairière de la bienveillance et de la sainteté (Cisheng huangtaihou , 1546-1614),

2 Thomas Shiyu Li et Susan Naquin ont étudié l’histoire de ce temple et sa relation avec les empereurs des Ming et des Qing

dans leur “The Baoming Temple: Religion and The Throne in Ming and Qing China”, Harvard Journal of Asiatic Studies, vol. 48, no 1, 1988, p. 131-188. Je me permets de reprendre quelques éléments de leur recherche.

3 BJGZ, vol. II, p. 114-116 ; GZJ, p. 97-98. Thomas Shiyu Li, Susan Naquin, “The Baoming Temple…”, art.cit.; Yu Tao,

également connue comme Impératrice douairière Li , mère de l’empereur Wanli, bouddhiste dévote qui fit construire treize temples et en restaurer douze autres4. Cet immense

instrument est particulier parce qu’il est l’une des rares cloches portant une longue liste de noms : plus de mille sept cents noms de donateurs apparaissent, qui comprennent des membres de la haute noblesse, des fonctionnaires importants et leur famille, mais aussi les eunuques puissants de l’époque5.

Sous les Qing, les femmes de la famille impériale continuèrent à financer la fabrication de cloches pour les temples de la capitale. Certaines d’entre elles ont laissé non seulement leur titre honorifique mais aussi leur nom de religion dans les inscriptions. Les membres masculins de la famille impériale faisaient aussi des donations, notamment au moment de la fondation d’un nouveau site religieux. Tel est le cas du Shanyuan’an fondé par Yinxu (exemple que j’ai cité dans le Chapitre I). Bien que les raisons qui l’ont conduit à inaugurer le temple ne soient pas claires, ce prince mandchou nous a décrit l’image sonore que sa cloche pouvait générer : les sons de cet instrument accompagnaient les psalmodies le matin, et faisaient écho aux battements de tambour le soir6.

Les eunuques

A peu près 30% des cloches des Ming dans ma base de données ont été commanditées par ou ont été fabriquées avec le financement des eunuques. La plus ancienne remonte à 1430, soit au début de l’ère Xuande. Celle-ci fut commanditée par un eunuque nommé Wang Bo

(fl. 1430). On ne connaît pas son rattachement à un bureau, mais on a raison de croire qu’il était dévoué au bouddhisme tibétain (notamment à l’école tantrique). À son époque, un certain nombre de fonctionnaires et d’eunuques sont devenus disciples ou fidèles de Zhiguang (1348-1435), « maître d’État » (guoshi ). Il était au service de la cours depuis l’ère Yongle et jouissait de la faveur impériale jusqu’aux règnes des empereurs Xuande et Zhengtong7. En

1428, un temple fut construit avec la cassette impériale pour abriter le moine éminent alors âgé

4 Susan Naquin, Peking, op. cit., p. 156. Chen Yunü , Mingdai de fojiao yu shehui , Pékin, Beijing

daxue chubanshe, 2011, p. 96-146.

5 BJGZ, vol. II, p. 134-148. 6 BJGZ, vol. II, p. 216-217.

7 Beaucoup d’études sur Zhiguang ont été publiées au cours des décennies précédentes. Voir notamment Deng Ruiling

, « Ming Xitian fozi daguoshi Zhiguang shiji kao 使 仲 », Zhongguo zangxue 住 , no 3,

1994, p. 34-43 ; Shen Weirong , An Haiyan , « Mingdai hanyi zangchuan mijiao wenxian he xiyu sengtuan 住 使 », Qinghua daxue xuebao , no 2, 2011, p. 81-93. He Xiaorong ,

« Yinseng Sǎhāzánshīlǐ yu Yuan-Ming shiqi Yindu mijiao zai Zhongguo de chuanbo », Xinan daxue xuebao 使 , vol. 42, no 2, 2016, p. 164-172.

de quatre-vingts ans. Ce site au Mont Yangtai au nord-ouest de Pékin devenait ainsi un lieu saint auquel les disciples et fidèles du maître venaient rendre visite et faire des offrandes. Wang Bo fut l’un d’entre eux. Avec trois autres eunuques et une trentaine de fonctionnaires, il a offert, deux ans après la fondation du Dajuesi, une grosse cloche en bronze richement inscrite. Dans la partie commémorative de l’inscription, le commanditaire a précisé que sa donation fut parrainée par Maître Zhiguang8. À part son nom chinois, Wang Bo n’a pas oublié de mentionner

son nom tibétain, soucieux de faire connaître sa dévotion pour le bouddhisme tibétain et son lien étroit avec le maître lui-même.

Le patronage des eunuques des temples liés au bouddhisme en général et au bouddhisme tibétain en particulier demeura manifeste tout au long de la dynastie des Ming9, mais certaines

donations des serviteurs du palais ont été adressées à des temples taoïstes. En 1510, Gu Dayong 丙 (fl. 1510-1531), l’un des huit eunuques qui ont détenu un pouvoir exceptionnel à l’ère Zhengde, dédia une cloche en bronze au Temple de la bénédiction mystérieuse (Xuanfugong )10, une fondation taoïste située sur le chemin de retour par lequel l’empereur rentrait en

ville après des sacrifices aux mausolées impériaux. Celle-ci fut commanditée par l’empereur Hongzhi mais ne fut achevée que sous le règne de son successeur en 151511. Comme la cloche

ne porte qu’une courte inscription, et n’est documentée par aucune autre source primaire, on n’est pas sûr si Gu finança la fabrication de cette cloche à l’occasion de la construction du temple, afin de manifester sa piété envers le taoïsme, ou, simplement, pour prévenir le désir de l’empereur.

La donation des eunuques n’est pas nécessairement liée à leur croyance personnelle : certains serviteurs du palais faisaient des offrandes en l’honneur d’un site religieux qui entretenait un rapport avec le bureau où ils remplissaient une charge. Ma base de données fournit l’exemple de l’Imprimerie des textes bouddhiques tibétains (Fanjingchang ), sous la direction du Bureau du cérémonial du palais (Silijian ), chargée de toutes les affaires liées à l’édition des sûtras bouddhique tibétains et étrangers et à l’entretien des planches xylographiques et des collections de livres. Construit probablement à l’ère Yongle avec les deux autres institutions dédiées respectivement aux sûtras et classiques chinois (Hanjingchang) et

8 BJGZ, vol. I, p. 147.

9 Voir Du Changshun , « Mingdai huanguan yu zangchuan fojiao 、 住 », Xibei shida xuebao 使

, vol. 43, no 1, 2006, p. 64-69.

10 BJGZ, vol. I, p. 112.

aux textes taoïstes (Daojingchang ), le Fanjingchang était tombé en ruine pendant le règne de l’empereur Jiajing mais fut reconstruit à la fin de l’ère Longqing dans un contexte précis. En 1572, Altan Khan, qui contrôlait alors l’ensemble de la Mongolie, pria la cour impériale des Ming de lui octroyer une série de sûtras bouddhiques tibétains et de lui envoyer une délégation de moines éminents afin de transmettre les textes sacrés et les rituels12. Plusieurs

spécialistes pensent que le Fanjingchang put être rénové, malgré le deuil national à la mort de Muzong, parce que l’on lui avait donné la responsabilité d’imprimer les sûtras à accorder au khan de la Mongolie13. En 1573, au quatrième mois lunaire, Zhang Juzheng (1525-

1582), alors premier ministre de l’ère Wanli, rédigea une stèle pour commémorer l’achèvement des travaux de rénovation14 ; la même année, Bi Jing (fl. 1573), alors eunuque responsable

du Fanjingchang, fit fondre quatre cloches qui furent installées dans ce site nouvellement reconstruit. L’une d’entre elles est encore visible aujourd’hui. Dans son inscription, les quatre- vingt-sept donateurs exprimèrent leur souhait de la faire sonner régulièrement dans l’imprimerie afin de prier pour la longévité de l’empire15, cependant, à l’exception de Bi Jing,

personne ne laissa son nom ni son titre de fonction ; nous ne pouvons pas savoir s’il s’agit des collègues et des subordonnés du commanditaire principal.

Jusqu’aux ères Tianqi et Chongzhen, les eunuques continuèrent à fabriquer de grosses cloches en bronze richement inscrites, telles que celle qui fut commanditée en 1625 par Wang Tiqian (? - 1640), alors détenteur du sceau du Bureau du cérémonial16. Cependant, mon

corpus n’offre aucun exemple financé par les serviteurs du palais sous les Qing. Certes, cette absence peut se comprendre comme le résultat de la réduction de l’influence des eunuques sous le régime mandchou, mais il convient de ne pas oublier plusieurs publications récentes qui modifient notre compréhension stéréotypée de ces hommes. Norman Kutcher s’est efforcé de montrer que certains eunuques proches du trône durant les ères Kangxi, Yongzheng et Qianlong étaient encore en mesure de faire des donations à des temples en suivant la tradition de leurs riches et puissants prédécesseurs des Ming. L’historien américain, spécialiste de l’histoire culturelle et sociale des Qing, a pris comme exemple la restauration du Temple de la cause pure (Jingyinsi ) commanditée par deux grands eunuques au service personnel de l’empereur

12 Chen Nan , « Fayuansi yu Mingdai Fanjingchang zakao 仲 », Zhongguo zangxue 住 ,

no 2, 2006, p. 138-143.

13 Ibid. 14 Ibid.

15 BJTB, vol. I, p. 83. 16 BJGZ, vol. I, p. 280-288.

Kangxi, Li Yu (fl. 1702) et Liang Jiugong ] ( ?-1723), et suggère que ces derniers avaient embelli le temple en lui accordant des statues saintes et du mobilier liturgique ouvragé, y compris deux cloches en fer17. Néanmoins, cette argumentation est basée sur un inventaire de

la fin des années 1920 ; aucun document des Qing à ma connaissance n’atteste leur donation de cloches pour le Jingyinsi18. Mis à part les eunuques de haut rang, ceux qui ne remplissaient

qu’une charge modeste entretenaient également des liens avec diverses fondations religieuses, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Cité interdite. Certains ont été formés en tant que spécialistes de rituels du bouddhisme chinois et tibétain et du taoïsme au moment de grandes cérémonies du palais19 ; d’autres ont reconnu un religieux comme maître et se sont convertis à

une religion20. Cependant, aucune preuve documentaire ou matérielle ne confirme leur

contribution à la fabrication des cloches dédiées à divers temples. En un mot, de nouvelles sources primaires seront nécessaires pour mieux comprendre le rôle des eunuques en tant que donateurs de cloches sous les Qing.

Les fonctionnaires

Depuis les gouverneurs de province jusqu’aux officiels n’exerçant qu’une charge modeste à la capitale, les fonctionnaires à divers échelons apparaissent également comme donateurs. Certains d’entre eux ont laissé leur appellation et leur titre de fonction, d’autres n’ont été réduits qu’à un terme simple et général, « fonctionnaire fidèle » (xinguan 、). Mais presque tous pensaient à faire apparaître le nom de leurs familles et de leurs proches dans l’inscription, dans l’espoir qu’ils pourraient également bénéficier de leur action méritoire. Ainsi, on lit sur la grosse cloche commanditée en 1515 par Qian Ning (? -1521), les noms de sa femme, de ses fils et filles, mais aussi de ses fils adoptifs, dont Qian Jie (dates exactes inconnues), Qian Ying (dates exactes inconnues) et Qian Xiong 傑 (dates exactes inconnues), qui occupaient chacun un poste dans le Garde aux uniformes de brocart (Jinyiwei

).

17 Norman Kutcher, Eunuch and Emperor in the Great Age of Qing Rule, Oakland, University of California Press, 2018, p. 91-

95.

18 Ibid., p. 95, p. 259, n. 58.

19 Vincent Goossaert, The Taoists of Peking, op. cit., p. 210-216.

20 Cela est notamment le cas des eunuques convertis à l’école Quanzhen du taoïsme. Vincent Goossaert, The Taoists of Peking,

op. cit., p. 218-231 ; Zhang Xuesong , « Qingdai yilai de taijianmiao tanxi », Qingshi yanjiu 二, no 4, 2009, p. 89-96 ; Yin Zhihua , « Qingmo taijian yu daojiao », Qingshi yanjiu, no 1,

Figure 3-1 : Stèle du Zuishengsi, 1472. Source : BJTB, vol. 52, p. 90.

Qian Ning dédia sa cloche au Zuishengsi car celui-ci fut inauguré en 1472 par Qian Fu (fl. 1472) et Qian Neng (fl. 1476-1487) 21 (fig. 3-1), deux frères et eunuques de la

Direction des objets à l’usage de l’empereur (Yuyongjian 丙 ) jouissant de la faveur impériale à l’ère Chenghua, avec qui Qian Ning a entretenu une relation particulière dès son enfance. Originaire d’une famille portant probablement le nom de Li22, Qian Ning fut vendu en

tant que jeune domestique à la maison de Qian Neng et devint le favori de son maître. Plus tard, il usurpa le nom de Qian et obtint un poste dans le Jinyiwei en tant que descendant de Qian Neng. Au début de l’ère Zhengde, il put gagner l’affection de l’empereur jusqu’au point où l’empereur lui accorda le nom de la famille de la dynastie régnante, et se vit être promu comme responsable de son bureau. Dans ce contexte, Qian Ning commandita, avec la souscription de ses subordonnés au Jinyiwei, une nouvelle cloche pour le Zuishengsi, alors en cours de restauration, où gisait Qian Neng23. Dans l’inscription, Qian Ning se nomma lui-même Zhu

Ning , afin de montrer l’identité particulière qu’il avait pu obtenir auprès du souverain ; mais il n’oublia pas de mentionner le nom des deux frères Qian, soucieux de faire connaître le lien entre lui et les deux fondateurs du temple24.

Les officiers militaires figurent aussi parmi les donateurs de cloches. En 1660, Shang Zhixin (1636-1680), qui hérita du poste de son père, Shang Kexi (1604-1676), en tant que Prince pacificateur du Sud (Pingnanwang ), donna une cloche au Minzhongsi (Temple de la compassion pour les (martyrs) loyaux), situé au sud-ouest de la ville extérieure, également connu comme Fayuansi. Cette donation fut soutenue par le frère cadet du commanditaire, Shang Zhilong (1646-1718), gendre de l’empereur Shunzhi, mais aussi par d’autres commissaires militaires ayant des fonctions principales à la défense de la province de Guangdong, dont la famille Tong qui, tout comme la famille de Shang, était issue de Liaodong 25 (fig. 3-2). Mis à part les officiers, un certain nombre de fonctionnaires civils

liés à ces familles militaires ont aussi contribué à la fonte de cette cloche, entre autres, Geng Tun (fl. 1645-1660). Ce dernier fut promu au début de l’ère Shunzhi au poste de gouverneur de la province du Jiangxi grâce à la recommandation de Tong Yanghe (fl.

21 « Zuishengsi bei – 乙 », BJTB, vol. 52, p. 90. 22 WYB, p. 818-819.

23 « Qian Neng mudi chiyu bei 乙 », stèle conservée à Beijing shike yishu bowuguan 佑佩— 僖. 24 BJGZ, vol. I, p. 64-81. Li Jijie a étudié l’histoire de cette cloche dans son « Yonghegong cang Mingdai Zuishengsi

zhong kao 住 – 仲 », Beijing wenbo wencong — , no 2, 2018, p. 62-68.

1645-1660), membre de la famille Tong, alors commandant en chef des quatre provinces du Hubei, Hunan, Guangdong et Gongxi26. Mais vers la fin des années 1650, Geng fut accusé

d’avoir manqué aux devoirs de sa charge et caché la vérité au souverain, et fut ainsi dégradé. Après 1658, il semble ne plus avoir été promu à des fonctions importantes. Ses échecs dans les milieux officiels constituent probablement l’une des raisons qui l’ont conduit à souscrire la même année (1660) à la restauration du Temple de l’assemblée (des saints) vaste comme la mer (Haihuisi ) au sud de la capitale27, mais aussi pour la cloche du Minzhongsi destinée à

être suspendue dans sa tour de la cloche, et, probablement, à remplacer une ancienne cloche abîmée.

Figure 3-2 : Inscription partielle de la cloche du Fayuansi, 1660. Source : BJGZ, vol. I, p. 130-134.

Note : Les Tong issus du Liaodong figurent parmi les donateurs.

26 « Jiangxi zhaofu Sun Zhixie jietie 使 », Mingqing shiliao , vol. 6, Shanghai, Shangwu

yinshuguan, 1957, p. 3. Bao Yu a étudié ce document dans son « Nanming wujiang qunti yanjiu 二 », mémoire de master, Université de Liaoning, 2017, p. 74.

Les habitants de la ville et des districts environnants

Rares sont les cloches, à ma connaissance, qui furent fabriquées avec des fonds réunis par les habitants ordinaires de la ville (la ville intérieure comme la ville extérieure) ; ceux qui, apparemment, n’avaient pas de lien direct avec la cour impériale, les nobles ou les hauts fonctionnaires. Tous les donateurs n’ont pas fait de souscription à titre personnel : certains d’entre eux n’ont pas pu laisser leur nom mais furent regroupés sous une expression très générale, zhongshan rendeng 亞, qui signifie, littéralement, « tous les hommes de bien » ; d’autres donnèrent une contribution collective en qualité de membres de diverses organisations sociales, comme des maisons de commerce, des magasins (dian ou pu ) et de guildes ou huiguan. Les huiguan de Pékin ont suscité l’intérêt des spécialistes au courant des dernières décennies : différents types de publications montrent comment les marchands, les artisans, ainsi que les élites politiques venus d’une même province ou région d’origine organisaient leur vie sociale, culturelle et religieuse dans une autre ville ; et comment ces lieux de rencontre, de célébration des fêtes et de débats sur les affaires personnelles et régionales, en retour, contribuaient à la formation de l’identité régionale mais aussi locale (identification à la capitale mais aussi au régime impérial) des immigrants28. Presque tous les travaux à ce sujet ont

ignoré l’existence des cloches fabriquées sous la commande des guildes, pour des raisons tout à fait prévisibles : d’une part, les exemples existants sont en nombre restreint ; d’autre part, ils ne fournissent que des informations imprécises qui n’approfondissent guère notre compréhension de ces organisations. De toute façon, je me permets de réserver une mention à ces sources, dans l’espoir que de futures recherches pourront exploiter leurs potentialités.

A contrario, les cloches commanditées par les donateurs des districts entourant la capitale sont des sources plus précieuses pour comprendre comment des souscriptions ont été effectuées. Elles étaient souvent dédiées à un temple qui se trouvait au cœur de la vie communautaire d’un village. À certains moments, le clergé de ce temple procédait à une quête auprès des foyers du village ; dans d’autres cas, un notable du village, ou un pieux fidèle pouvait également jouer le rôle de collecteur des fonds et démarrer une souscription. En général, les fonds provenaient de tous les villageois, désignés comme « hommes de bien du village entier » (hecun shanren ). Les habitants des villages voisins pouvaient également contribuer

28 Voir notamment Richard Belsky, Localities at the Center: Native Place, Space, and Power in Late Imperial Beijing,

Cambridge, Harvard University Press, 2005. Pour un aperçu de l’histoire des guildes en Chine, voir Chirstine Moll-Murata,