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Pékin : la ville et ses temples

Carte 1-1 Pékin intra muros

Le Pékin du XVe siècle était constituée de plusieurs « villes » (cheng ), littéralement,

(Zijincheng , ou l’Enclos pourpre interdit), la résidence de la famille impériale. Autour d’elle s’est construite la Ville impériale (Huangcheng ), dont les murs épais, d’une hauteur de douze à dix-huit mètres, isolaient les lacs et les jardins privés, les entrepôts et les lieux de travail de la famille régnante. La Huangcheng était à son tour située au centre d’une grande ville carrée, avec une longue muraille qui entourait tout Pékin entre le début du XVe siècle et le

milieu du XVIe siècle. En 1550, en réponse aux raids des armées mongoles qui menaçaient la

capitale, le gouvernement des Ming commença à ajouter une nouvelle fortification extérieure et à enclore les banlieues sud, qui constituèrent par la suite une partie de la ville commercialement prospère et rituellement importante. À la fin des Ming, Pékin inclut donc à la fois la ville nord carrée, plus ancienne, et la ville sud rectangulaire, plus récente, qui lui était rattachée. Lorsque les Mandchous venus d’au-delà de la Grande Muraille envahirent l’empire Ming et prirent la capitale au milieu du XVIIe siècle, ils ne transformèrent guère la physionomie

de la ville qu’elle avait progressivement acquise sous les Ming. Bien que l’architecture de la capitale ne fut pas fondamentalement bouleversée, l’installation des conquérants entraîna une redistribution de la population : entre 1644 et 1648, les gouverneurs mandchous forcèrent les résidents chinois de la ville nord à évacuer leurs maisons pour faire venir de leurs pays d’origine dans le Nord-Est une population immigrée organisée en unités nommées « bannières » (qi ). Dès lors, les habitants de Pékin se scindèrent en deux catégories, les gens des bannières (qiren ) et la population ordinaire (minren ). C’est à partir de ce moment que le carré du nord désormais essentiellement occupé par les qiren fut conventionnellement appelée la ville intérieure (neicheng ) ; et le rectangulaire du sud, abritant les minren, la ville extérieure (waicheng ).

Les murs imposants préservés sous les Ming et les Qing ont non seulement servi comme protection physique de Pékin mais ont également renforcé son identité en tant que capitale. Accompagnés des douves qui les entouraient, les murs des parties nord et sud de la ville définissaient l’espace urbain en traçant une ligne nette entre elle et la banlieue et les campagnes. Cela créait une impression générale de clôture et de sécurité. Les murs de la Cité interdite et ceux de la Cité impériale, soigneusement orientés selon un axe central bien défini, étaient à la fois un marqueur matériel du domaine où la puissance impériale s’exerçait, et une expression symbolique de l’idéologie selon laquelle l’empereur était le « pivot cosmique » et la capitale un miroir du cosmos sur lequel il régnait2. En conséquence, le Pékin à l’intérieur de ses murs

est souvent considéré comme un ensemble cohérent, comme le centre de l’empire et comme une ville qui présentait plusieurs particularités par rapport aux autres villes chinoise des Ming et des Qing.

Mais, si le Pékin muré était conventionnellement représenté comme un espace urbain splendidement isolé, il était pourtant physiquement et socialement intégré dans son environnement. Chacune des murailles était dotée d’un certain nombre de portes d’accès à la ville (men ). Il y en avait neuf qui perçaient le mur extérieur de la capitale de la première moitié des Ming, et treize au total dans les remparts entourant les deux parties de la ville après les années 1550 (voir carte 1-1). Bien que la hauteur des murs rende l’accès à Pékin difficile, les portes, gardées par des soldats, s’ouvraient au lever et se fermaient au coucher du soleil, permettant d’entrer et de sortir de la ville. Mais, évidemment, la plupart des habitants et des visiteurs de la ville n’avaient que très peu de chance de pénétrer dans le domaine impérial au cœur de la ville nord.

La circulation des personnes et des biens était essentielle au fonctionnement d’une grande métropole. Le statut particulier de Pékin en a fait une ville de consommation qui dépendait fortement des taxes et de l’importation des matières premières et des produits en provenance de tout l’empire, mais qui ne produisait en revanche que très peu pour l’exportation. Sous les Qing, Pékin devait importer presque toutes les nécessités de la vie. Ainsi, les routes qui liaient la ville au reste de l’empire étaient cruciales pour la vie à Pékin : le long de ces routes venaient les céréales, la viande, les fruits, les légumes, le charbon, les briques, les produits de luxe et les personnes à la recherche d’un emploi. Les liaisons avec le Sud par le canal étaient aussi importantes. Le Grand Canal transportait vers Pékin les impôts des régions aisées du Sud, mais aussi les lettrés qui cherchaient à faire carrière à la capitale : après être arrivés au port de Tianjin, puis à Tongzhou à l’est de Pékin, ils pouvaient rejoindre la ville par terre ou par eau.

Bien que la campagne voisine ne produise pas de biens destinés à l’exportation vers le reste de l’empire, elle fournissait les besoins quotidiens de Pékin, ainsi que les spécialistes de diverses professions au service de la population urbaine. Leur accès à la ville était assuré notamment par les petites routes qui rayonnaient de toutes les portes de la capitale.

En plus de recevoir les ressources humaines et matérielles des campagnes et des banlieues, la population de Pékin pouvait également profiter des ressources paysagères que la

région environnante leur fournissait. Ces dernières provenaient avant tout des basses collines situées entre la plaine de Chine du Nord, où se trouvait Pékin, et les importantes montagnes Taihang à l’ouest. Ces collines sont connues sous le nom de « collines de l’ouest » (xishan 使 ) (carte 1-2). Plus fraîches que la plaine, elles offraient des spectacles exceptionnels pour les habitants de la capitale des Ming et des Qing, entre autres, des grottes sombres, des sources cristallines et des arbres luxuriants, et des paysages hivernaux particuliers. Les souverains y allaient chasser, les moines bouddhistes et taoïstes y cherchaient des sites appropriés pour construire des temples et des monastères isolés, les habitants urbains y rendaient visite, et, au fil des siècles, les empereurs, les eunuques et les hommes célèbres y ont construit leurs tombes.