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La somniloquie comme modèle d’apprentissage verbal : étude chez des

comportement en sommeil paradoxal

Article publié dans PLoS One 2013 Dec 13;8(12):e83352

Introduction

La consolidation des traces mnésiques survient de préférence au cours du sommeil. En effet, durant le sommeil, les traces mnésiques récemment acquises et stockées dans l’hippocampe et les réseaux néocorticaux, sont réactivées. Ces réactivations permettraient un renforcement des connexions intercellulaires impliquées dans l’apprentissage à l’origine des traces mnésiques, et l’incorporation de celles-ci dans la mémoire à long terme (Born and Wilhelm, 2012).

Il semblerait que la mémoire procédurale bénéficie majoritairement du sommeil paradoxal (Orban et al., 2006), tandis que la mémoire déclarative bénéficierait du sommeil lent (Gais et al., 2006). Mais qu’en est-il des processus de consolidation mnésique chez des sujets qui présentent des troubles du sommeil ?

Nous savons que les sujets atteints de certains troubles du sommeil (syndrome d’apnées du sommeil, insomnie et narcolepsie) présentent une diminution de leurs capacités mnésiques et de consolidation (Cipolli et al., 2009; Djonlagic et al., 2012; Nissen et al., 2011). Ceci n’a jamais été démontré chez les patients avec parasomnies (somnambulisme et trouble du comportement en sommeil paradoxal ou TCSP), cependant, ces patients représentent un excellent modèle pour l’étude de la réactivation des traces mnésiques durant le sommeil car ce sont des sujets qui présentent des comportements moteurs et/ou verbaux nocturnes en sommeil lent profond (somnambules) et en sommeil paradoxal (TCSP). Nous avons donc effectué une étude pour tester l’hypothèse de la réactivation sur l’apprentissage procédural, en utilisant comme modèle des sujets avec somnambulisme et TCSP : tous les sujets ont amélioré leurs performances post sommeil et une somnambule a reproduit partiellement la séquence motrice apprise avant de dormir (Oudiette et al., 2011).

A travers cette étude nous avons voulu utiliser la même méthode pour tester cette fois-ci la réactivation sur un apprentissage verbal, en recherchant une réactivation vocale durant le

sommeil des apprentissages de la veille chez des sujets atteints de TCSP qui parlent en dormant. De plus, nous avons voulu voir si ces patients atteints de TCSP avec troubles cognitifs associés, maintiennent leurs capacités de consolidation mnésique durant le sommeil.

Matériel et méthodes

Vingt sujets avec TCSP (dont 2 exclus car déments, MoCA inférieure à 23/30) et 10 contrôles (sans troubles du sommeil) ont participé à l’étude. Tous ces sujets ont bénéficié d’un entretien clinique suivi de la passation de deux auto-questionnaires d’évaluation de l’agressivité et de l’anxiété/dépression (AQ et HAD) et de deux tests cognitifs d’évaluation de la mémoire verbale à court et long terme et de détection de déficits cognitifs (Grober et Buchke et MoCA). Ensuite, avant d’aller se coucher, tous les sujets ont appris par cœur un texte à valence émotionnelle négative (voire partie méthodologie générale) pendant 30 minutes qu’ils ont récité mot par mot par la suite. Ils ont enfin passé une nuit sous vidéo-polysomnographie. Au réveil, ces sujets ont récité le texte ainsi que les 16 mots du Grober et Buchke appris la veille (consolidation nocturne). Un sous groupe composé de 9 sujets avec TCSP ont appris un deuxième texte (toujours à valence émotionnelle négative) selon la même méthode, qu’ils ont récité le soir même après une journée sans sommeil au laboratoire (consolidation diurne). Les vidéo-polysomnographies de tous les sujets ont été examinées et nous avons extrait tous les verbatim nocturnes émis en sommeil paradoxal. Ces bandes audio ont été écoutées attentivement et les verbatim ont été transcrits mot par mot pour rechercher une éventuelle réactivation des mots du texte ou du Grober et Buchke appris avant d’aller dormir.

Résultats

Les deux groupes ne différaient pas en ce qui concerne les données cliniques (âge, sexe, niveau scolaire) ni en ce qui concerne le niveau d’agressivité diurne et les scores de dépression et anxiété. Par rapport aux données de vidéo-polysomnographie, les sujets avec TCSP avaient plus de stade 1 et moins de stade 3 de sommeil par rapport aux contrôles. Ils avaient entre autres, bien évidemment, un pourcentage de sommeil paradoxal sans atonie plus élevé. Les autres données concernant le sommeil ne différaient pas entre les groupes. Les résultats aux tests cognitifs différaient entre les groupes en ce qui concerne la MoCA (scores plus bas chez les TCSP) mais pas le Grober et Buchke. Cependant, les sujets avec TCSP

tendaient à avoir des résultats inférieurs à ce test pour ce qui est du processus d’encodage et de rappel libre immédiat par rapport au groupe contrôle. Les deux groupes présentaient une amélioration de leurs performances au rappel du texte et des mots du Grober et Buchke suite à la consolidation nocturne, et ceci aussi chez les deux patients avec TCSP associé à démence exclus de l’étude. Cette amélioration était égale dans les deux groupes. En revanche les sujets avec TCSP testés en consolidation diurne présentaient tous une dégradation de leurs performances le soir par rapport au matin. Enfin, 11 sujets avec TCSP avaient parlé la nuit, et un seul d’entre eux avait émis une phrase en lien sémantique et non littéral avec le texte appris la veille.

Discussion

Cette étude est la première qui à avoir analysé la consolidation mnésique verbale durant le sommeil chez des sujets avec parasomnie, précisément avec TCSP. Nous avons montré que les sujets avec TCSP, de la même manière que ceux avec TCSP et démence associée, maintiennent leurs capacités mnésiques de consolidation nocturne. Les lésions du tronc cérébral impliquées dans la perte d’atonie musculaire chez ces sujets avec TCSP, n’auraient donc pas d’impact sur les systèmes de consolidation mnésique.

De plus, lors de cette étude, un sujet a redit une phrase en lien sémantique avec le texte appris la veille. Ces résultats, bien qu’isolés, suggèrent que le cerveau endormi intègre certains éléments d’une histoire récemment apprise avec son contenu mental. Il ne s’agirait donc pas d’une réactivation exacte mais plutôt d’une activité créatrice du cerveau endormi.

Données supplémentaires

Table 1, étude 2. Verbatim nocturnes des 11 sujets avec TCSP qui ont parlé la nuit

Patient 1 : « C’est pas grave » « On entend pas ».

Patient 2 : « Tu te fous pas de ma gueule comme ça … Tu es restée m'attendre où ? Faut m'expliquer ça hein ? Je veux maintenant des explications t'es une petite salope parce que tu vas trainer dans les rues ... et tu viens ... tu sais je te connais hein ?... je te connais » ; « A ce niveau-là … je vous emmerde … avec tes problèmes c'est mon problème, c'est ton problème, tu te démerdes … si tu n'es pas content tu t'en vas … tu m'as presque menacé ... faut pas refaire ça parce que je suis le maître chez moi » ; « Oui? » ; « Hein » ; « Restez-là ».

Patient 3 : « Attention » ; « il a pas tort, moi je veux chacun en aura » ; « cinq ans ... et sans ce putain de général ils sont tous des esclaves puisque vous continuez à faire il adore ça toute seule dans le pays merde voilà l'avantage … alors ne vous pressez pas les gamins vous avez tort ».

Patient 4 : « Vous m’avez ».

Patient 5 : « Hein? » ; « Eh toi tu t'en vas pas hein? Tu rigoles hein? T'as bien compris là hein? » ; « Anna? Anna ».

Patient 6 : « Tomber … poisson » ; « Psst, psst » ; « J'aime pas ».

Patient 7 : « C'est … ou … sont toutes les et nous les avons présentées … nous les avons présentées les opérations maintenant euh je je le raisonnement le long de mon expérience parce que il faut crédibiliser ce que je vous dis … et qu'est-ce qui arrive la lumière ».

Patient 8 : « Coco »

Patient 9 : « Aucune des deux » ; « Je ne vois pas rien n'empêche … je ne vois pas où est le problème le jour où j'ai à faire le matériel » ; « T'as fini oui ou non? ».

Patient 10 : « Ah, s'il vous plait ah non on peut rien quand on est en vacances c'est pas pour ça que c'est un drame, poulette … ah ».

Etude 3 : La consolidation mnésique verbale pendant le