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La consolidation mnésique verbale pendant le sommeil est-elle maintenue chez

Article publié dans J Sleep Res. 2014 Sep 12; doi:10.1111/jsr.12219

Introduction

Le sommeil des sujets avec somnambulisme est caractérisé par une instabilité du sommeil lent profond, c’est-à dire par de nombreux réveils durant ce stade de sommeil. Ces réveils peuvent être associés à des comportements moteurs et/ou verbaux (Zadra et al., 2008). Ces fréquentes interruptions du sommeil lent profond associées à des interruptions de l’activité à ondes lentes, pourraient avoir un impact négatif sur les capacités de consolidation mnésique pendant le sommeil chez ces sujets avec somnambulisme. En effet, nous savons que le sommeil lent profond favorise la consolidation mnésique verbale et ceci à travers une réactivation du matériel appris avant de dormir. Cette consolidation est activement favorisée par les ondes lentes et les spindles, en effet ceux-ci augmentent lors du sommeil post apprentissage d’une tâche déclarative (Fogel et al., 2012).

L’hypothèse que nous avons voulu vérifier à travers cette étude est que les interruptions fréquentes et répétées du sommeil lent profond chez les sujets avec somnambulisme altèrent leurs capacités de consolidation mnésique verbale post sommeil par rapport aux contrôles qui ont, quant à eux, un sommeil lent profond normal et non interrompu.

Matériel et méthodes

Pour cette étude nous avons sélectionné 19 sujets avec somnambulisme ou terreurs nocturnes et 19 contrôles ne présentant aucun trouble du sommeil. Tous les sujets participants ont bénéficié d’un entretien clinique et ont rempli deux auto-questionnaires d’évaluation de l’agressivité et de l’anxiété/dépression (AQ et HAD). Suite à cela, en fin de journée nous leur avons administré deux tests cognitifs, l’un d’évaluation des déficits cognitifs (MoCA) et l’autre d’évaluation de la mémoire épisodique à court et long terme (Grober et Buchke). Enfin, ils ont appris par cœur un texte à valence émotionnelle négative (voire partie méthodologie générale) pendant 30 minutes et l’ont récité mot à mot par la suite. Tous les sujets ont ensuite bénéficié d’une nuit sous vidéo-polysomnographie au réveil de laquelle ils

ont récité le texte appris la veille ainsi que les mots du Grober et Buchke (consolidation nocturne).

Au réveil, tous les sujets avec somnambulisme et un sous groupe de 10 sujets contrôle, ont par la suite appris un deuxième texte toujours à valence émotionnelle négative, selon la même méthode que la veille, et nous l’ont récité le soir après une journée calme au laboratoire sans sommeil (consolidation diurne). Enfin tous les sujets avec somnambulisme et 4 sujets contrôle ont passé une deuxième nuit au laboratoire sous vidéo-polysomnographie.

Les vidéo-polysomnographies de tous les sujets ont été examinées et nous avons extrait tous les verbatim nocturnes émis en sommeil lent profond. Ces bandes audio ont été écoutées attentivement par deux chercheurs indépendants qui se sont accordés par la suite sur les éventuels écarts. Les verbatim ainsi retenus ont été transcrits mot par mot et comparés avec le matériel verbal contenu tant bien dans le texte appris la veille que dans le test du Grober et Buchke.

Résultats

Les deux groupes ne différaient pas en ce qui concerne les données cliniques telles que l’âge, le sexe et le niveau de scolarité. Les sujets avec somnambulisme présentaient en revanche un niveau d’anxiété majeur au test HAD par rapport aux contrôles, mais les deux groupes ne différaient ni pour le niveau de dépression ni pour le score d’agressivité diurne. Comme prévu, les sujets avec somnambulisme avaient plus de réveils en sommeil lent profond et plus de veille intra-sommeil. Les autres indices mesurés par la polysomnographie ne différaient pas entre les groupes. Onze sujets avec somnambulisme ont émis des vocalisations au cours de leur sommeil lent profond, et 7 d’entre eux ont émis des paroles compréhensibles. Cependant ces verbatim n’étaient pas en lien avec les apprentissages verbaux de la veille.

En ce qui concerne les tests cognitifs il n’y avait pas de différences dans les deux groupes ni pour le MoCA ni pour le Grober et Buchke. Les groupes présentaient tous deux une égale amélioration de leurs performances au rappel du texte et des mots du Grober et Buchke le matin au réveil par rapport au soir suite à la consolidation nocturne. Les sujets avec somnambulisme tendaient même à avoir de meilleurs résultats par rapport aux contrôles. En revanche, les deux groupes de sujets présentaient une égale dégradation de leurs performances à ces mêmes tests le soir par rapport au matin suite à la consolidation diurne.

Discussion

La consolidation mnésique verbale post sommeil semble être maintenue chez les somnambules, en dépit de la mauvaise qualité de leur sommeil lent profond. Ces résultats suggèrent que le processus de consolidation mnésique durant le sommeil lent profond ne nécessite pas d’un sommeil lent profond durable et persistant. La présence de stade 2 pourrait donc suffire à ces sujets pour maintenir leurs capacités de consolidation mnésique post sommeil.

La fragmentation du sommeil lent profond présent chez ces sujets avec somnambulisme aurait donc un effet négatif sur leurs capacités de vigilance diurne mais non sur leurs capacités mnésiques. Le sommeil lent profond jouerait donc probablement un rôle différent sur les capacités cognitives que celui de favoriser la consolidation verbale nocturne, rôle qu’il serait intéressant d’analyser à travers l’utilisation de paradigmes d’apprentissages plus complexes.

Données supplémentaires

Table 1, étude 3. Verbatim nocturnes des 7 sujets avec somnambulisme qui ont parlé la nuit.

Patient 1: « Ah oh merde hein? Oho? Pff »; « Comment? ».

Patient 2 : « Ah ah » ; « Ah ah » ; « Pff » ; « Merde » ; « Putain » ; « Ah putain mais qu’est-ce que je » ; « Attends tends tends tends c’est pas possible t’as vu comme ? ».

Patient 3 : « Merde merde »; « T’es non! eh non! non! pas pas arrête! non! non

non non non parceque j’ai pas j’ai pas non non non non non moi j’ai pas ca m’fait non non moi je je »; « Non non non! non parceque c’est c’est pas c’est eh non eh fait pas ca! Non eh eh eh non fait pas ca! non non non non! non fait pas ca non non eh arrête

arrête arrête arrête eh non je eh eh s’te plait s’il te plait »; « Eh tu m’tues tu m’tues tu tu m’tues hein ? Non arrête non arrête tissu sérieux tu fais quoi là ? ».

Patient 4 : « Putain merde oh putain »; « Reviens vite ». Patient 5 : « C’est quoi c’est quoi c’est quoi ? ».

Patient 6 : « Eeh ».

Patient 7 : « Ah les toilettes c’est du même ton »; « Mais c’est pas a partir de la que tu vas m’emmener ».

Etude 4 : Parler en dormant : étude du langage chez 232