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Fuir ou combattre ? Rêves pendant le somnambulisme et le trouble

somnambulisme et le trouble comportemental en sommeil

paradoxal

Article publié dans Sleep Medecine 2013 May;14(5):391-8

Introduction

Les sujets avec somnambulisme et avec trouble du comportement en sommeil paradoxal (TCSP) présentent des comportements moteurs et/ou verbaux associés à leur contenu mental, c’est-à-dire à leurs rêves. Le contenu mental associé aux comportements nocturnes des sujets avec somnambulisme n’a été que peu étudié car souvent considéré comme rare ou inexistant (American Academy of Sleep Medicine, 2005). Cependant, 71% des sujets avec somnambulisme rapportent un souvenir de rêve concomitant à un épisode de somnambulisme. Les études concernant ces sujets rapportent, entre autres, que les rêves des somnambules sont souvent désagréables et présentent fréquemment des épisodes de malchances où le rêveur est la victime (Oudiette et al., 2009b). Les rêves des sujets avec TCSP ont été en revanche considérablement plus explorés. Ceux-ci apparaissent être plus souvent à contenu agressif, déplaisant et violent (Fantini et al., 2005) d’où l’hypothèse que le TCSP, due à une absence d’inhibition frontale, porte à la libération de comportements de défense archaïques par des générateurs de pattern centraux. Selon l’ICSD, les comportements complexes et violents observés en sommeil paradoxal chez les sujets avec TCSP, sont une tentative de réagir aux rêves vécus par les sujets (American Sleep Disorders Association, 1990).

A travers cette étude nous avons voulu apporter une description quantitative et qualitative des rêves associés au somnambulisme et au TCSP et détecter d’éventuelles différences dans les contenus mentaux de ces deux groupes de sujets. Ceci pourrait fournir des indices sur les processus cognitifs et les typologies de menace vécues durant le sommeil.

Matériel et méthodes

Trente deux sujets avec somnambulisme/terreurs nocturnes et 24 sujets avec TCSP ont participé à cette étude. Tous les sujets ont bénéficié d’un entretien clinique et d’une à deux nuits sous vidéo polysomnographie. De plus, les sujets ont rempli deux auto-questionnaires d’évaluation de l’agressivité et de l’anxiété/dépression (AQ et HAD) et nous avons recueilli leurs récits de rêves associés à un comportement sur la dernière année ainsi qu’au réveil en laboratoire. Ces récits de rêves ont été enregistrés, transcris (en éliminant les répétitions, hésitations et tous les éléments faisant référence au vécu du sujet par rapport au rêve plutôt qu’au récit en soi) et par la suite analysés à travers l’utilisation de différentes échelles (Longueur des récits de rêves (TWC), Catégories nominales de Hall et Van de Castle, Echelle de complexité d’Orlinski, Echelles de bizarreries et de menace de Revonsuo).

Résultats

Comme prévu, les sujets avec TCSP étaient plus âgés et étaient plus fréquemment des hommes par rapport aux sujets somnambules. Les deux groupes ne différaient pas en ce qui concerne le niveau d’agressivité diurne et leurs scores de dépression et anxiété.

Concernant les récits de rêves associés à un comportement sur la dernière année, nous en avons obtenu 121 (74 de sujets avec somnambulisme et 47 de sujets avec TCSP). Les rêves des TCSP étaient plus complexes mais moins bizarres que ceux des somnambules qui contenaient eux plus d’éléments discontinus (un élément qui apparaît/disparaît ou est transformé soudainement). Soixante-dix pour cent des rêves des somnambules et 60% des rêves des TCSP contenaient une menace. Chez les sujets avec somnambulisme, ces menaces étaient pour la plupart des malchances (surtout des catastrophes naturelles, mais aussi des accidents) (28% chez les somnambules contre 8% chez les TCSP) tandis que chez les TCSP les menaces consistaient surtout en des agressions (33% contre 17%). Dans les deux cas, tant bien pour les catastrophes que pour les menaces, les sujets avec somnambulisme et TCSP étaient presque toujours les victimes.

Les réactions à ces menaces différaient selon le groupe. En effet, dans tous leurs rêves, les somnambules réagissaient aux malchances expérimentées en s’échappant, tandis que les sujets avec TSCP réagissaient en interrompant leur rêve. En revanche, dans 25% de leurs rêves, les somnambules réagissaient aux agressions en contre attaquant, tandis que les sujets avec TCSP contre attaquaient à ces agressions dans 75% de leurs rêves.

Une autre différence observée dans ces récits de rêves concernait le setting. En effet, dans 42% des cas les rêves des sujets somnambules avaient lieu dans la pièce dans laquelle ils étaient réellement en train de dormir, tandis que ceci n’était le cas que dans 6% des rêves des TCSP.

En ce qui concerne les récits de rêves recueillis au réveil après avoir passé une nuit au laboratoire, nous avons pu en obtenir 41 (32 de sujets avec somnambulisme et 9 de sujets avec TCSP). Les rêves de ces deux groupes de sujets ne contenaient pas de différences significatives pour aucune des échelles mesurées.

Discussion

Les différences frappantes que nous avons pu relever dans les récits de rêves associés à des comportements de ces deux groupes de sujets, suggèrent que les processus cognitifs durant les parasomnies de sommeil paradoxal (TCSP) et de sommeil lent (somnambulisme/terreurs nocturnes) simulent différents types de menaces (agressions contre catastrophes naturelles). Qu’il y ait plus d’agressions dans les récits de rêves des sujets avec TCSP pourrait s’expliquer par le fait que durant le sommeil paradoxal le lobe frontal est hypo-activé tandis qu’il y a une hyper-activation du système limbique et de l’amygdale.

Les différences de réactions par rapport à ces menaces dans les deux groupes (fuite chez les somnambules contre contre attaque chez les TCSP) rappellent la théorie de la réponse aux menaces de Cannon (« fight-or flight »).

Les menaces vécues par ces sujets au cours de leurs rêves peuvent être l’exacerbation de systèmes qui forment l’homme à réagir de manière appropriée pendant la journée à un large éventail de dangers. Cette théorie s’accorde avec celle de Revonsuo sur la simulation de menaces au cours des rêves. Cette nouvelle hypothèse évolutionniste suggère donc que la fonction biologique des rêves est la simulation d’évènements menaçants et de réponses d’évitement de ces évènements.

Données supplémentaires

Table 1, étude 1. Exemples de rêves et de comportements associés de sujets appartenant aux deux groupes

Sujets Rêve Réaction du sujet Comportement

associé

Somnambule, F, 31ans

« C’était une pluie de petits pots qui lui tombaient dessus »

« Donc je l’ai prise et j’ai essayé de m’échapper »

S’est réveillée en mimant l’action de retenir la chute des

petits pots Somnambule, H, 22ans « Je faisais de la moto au bois de Boulogne et je risquais de tomber » « Pour éviter de tomber, je m’accroche au volant » Se réveille en train d’agripper les seins

de sa femme

TCSP idiopathique, H, 65ans

« C’était un chat qui m’embêtait »

« Je lui donnais un coup de pied »

A donné un coup de pied et s’est blessé

contre le lit TCSP idiopathique, H, 63ans « Je tombais dans un gouffre, un trou noir »

Aucune S’est réveillé en hurlant

Etude 2 : La somniloquie comme modèle d’apprentissage