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B. Le trouble du comportement en sommeil paradoxal

4. Formes cliniques du TCSP

Les TCSP peuvent survenir seuls, on parle alors de TCSP idiopathique, ou peuvent être associés à une maladie neurologique qui est le plus souvent une synucléinopathie.

a. TCSP idiopathique

Les TCSP idiopathiques (TSCPi) sont des marqueurs précoces de maladies neurodégénératives, car 82% des patients avec TCSPi développent ultérieurement une maladie de Parkinson, une démence à corps de Lewy ou une atrophie multi-systématisée. Ainsi, 50% des sujets avec TCSPi ont développés une de ces maladies dans les 6 ans qui suivent le diagnostic de TCSPi et 12 ans après le début du TCSP rapporté (Iranzo et al., 2013; Postuma et al., 2009; Schenck et al., 2013).

Outre leur côté prédictif de maladies neurodégénératives, les TCSPi partagent avec ces maladies neurodégénératives certains signes précoces comme le trouble de l’olfaction et de la vision des couleurs (Fantini et al., 2006; Postuma et al., 2006; Stiasny-Kolster et al., 2005), des troubles cognitifs (des fonctions exécutives, mnésiques, et visuo-spatiales) (Ferini-Strambi et al., 2004),une dysautonomie (Ferini-(Ferini-Strambi et al., 1996), un ralentissement EEG cortical (Fantini et al., 2003), ainsi qu’une atteinte de la voie nigro-striée.

Braak et ses collaborateurs ont proposé un modèle qui, bien que critiqué, est cohérent avec ce que l’on observe chez les TCSPi (Figure 10). Selon ce modèle, le processus neurodégénératif en marche dans la maladie de Parkinson opère de manière séquentielle et ascendante (caudo-rostrale). Cette hypothèse pourrait expliquer l’évolution du TCSP vers une synucléinopathie. En effet, l’hypothèse de Braak postule que la neurodégénérescence cérébrale suit une séquence temporelle, commençant d’abord dans le système nerveux digestif, atteignant ensuite le bulbe (et le bulbe olfactif) et montant progressivement vers des structures plus rostrales (Braak et al., 2003). L’atteinte du locus subcoeruleus et la formation réticulée magnocellulaire (stade 2) entraîneraient le sommeil paradoxal sans atonie et le TCSP. Cette séquence temporelle du processus neurodégénératif pourrait expliquer pourquoi le TCSP précède le syndrome parkinsonien, le déclin cognitif (stade 3 et 4) et la démence (stade 4-6) chez de nombreux patients avec une maladie des corps de Lewy.

Figure 10. Marche des lésions de la maladie de Parkinson selon l’hypothèse de Braak et al. (2003).

b. TCSP et Parkinson

La maladie de Parkinson est une affection neurodégénérative progressive caractérisée par 4 signes cliniques regroupés sous l’acronyme TRAP : tremblement au repos, rigidité, akinésie ou bradikinésie et instabilité posturale. Elle affecte 1 % des personnes de plus de 65 ans. Avec la progression de la maladie, les activités quotidiennes deviennent difficiles jusqu’à atteindre un handicap majeur et un alitement complet. La mort survient en moyenne 15 ans après les premiers symptômes, principalement par pneumopathie d’inhalation ou embolie pulmonaire (Hoehn and Yahr, 1967).

La maladie de Parkinson est la pathologie la plus fréquemment associée au trouble comportemental en sommeil paradoxal. En effet, la prévalence des TCSP retrouvés à l’interrogatoire chez les patients présentant une maladie de Parkinson varie entre 15 et 59 % selon les études (Comella et al., 1998; De Cock et al., 2007c; Gagnon et al., 2002; Scaglione

et al., 2005). En vidéo-polysomnographie, plus de la moitié des patients parkinsoniens a une

perte d’atonie isolée ou des TCSP (De Cock et al., 2007c). La présence de TCSP expose les parkinsoniens à un risque 2,7 fois plus important d’hallucinations chez les parkinsoniens

(Pacchetti et al., 2005). De plus, les parkinsoniens avec TCSP présentent des chutes plus fréquentes, une plus faible réponse à la lévodopa (Postuma et al., 2008) et une apparition plus fréquente de dyskinésies induites par la lévodopa (Yoritaka et al., 2009) que les parkinsoniens sans TCSP.

Cependant une étude effectuée dans notre équipe contredit ce résultat indiquant que la présence de TCSP n’empire pas les symptômes parkinsoniens. Bien au contraire nous avons constaté que la qualité de leurs mouvements, leur expression faciale ainsi que leur langage s’étaient étonnamment améliorés au cours du TCSP par rapport à l’éveil (Figure 11) (De Cock

et al., 2007c).

Figure 11. Restauration du contrôle moteur durant le sommeil paradoxal des parkinsoniens.

Extrait de De Cock et coll., 2007

c. TCSP et atrophie multi-systématisée

L’atrophie multi-systématisée (MSA) est une maladie neurodégénérative rare appartenant à la famille des synucléinopathies. Elle est due à une dégénérescence neuronale de plusieurs systèmes neurologiques, dont l’origine est inconnue. Elle pourrait être due à une exposition à des substances toxiques environnementales et/ou à des mécanismes inflammatoires. A l’autopsie, on retrouve chez les patients avec atrophie multi-systématisée une accumulation de la protéine alpha-synucléine dans le cytoplasme des cellules gliales qui soutiennent les neurones, les oligodendrocytes (Papp et al., 1989). Elle se caractérise par une

combinaison variable de symptômes incluant un syndrome parkinsonien (lenteur, rigidité, tremblement), une ataxie cérébelleuse (déséquilibre, maladresse), et des problèmes du système autonome (hypotension orthostatique, troubles de l’érection, troubles urinaires, troubles de la déglutition).

Les patients atteints d’MSA présentent généralement des troubles respiratoires du sommeil, comme le stridor, bruit inspiratoire aigu et sifflant, qui traduit l’obstruction du larynx. La majorité d’entre eux sont agités et crient pendant leur sommeil, ce qui témoigne de l’existence d’un TCSP associé. Ceux-ci sont très fréquents dans la MSA puisqu’ils affectent plus de 90% des patients (Plazzi et al., 1997).

d. TCSP et démence à corps de Lewy

La démence à corps de Lewy (DCL) est un type de démence partageant des caractéristiques avec la maladie de Parkinson et l’Alzheimer. Elle est caractérisée par le développement d'inclusions cytoplasmiques de protéines alpha-synucléine dans tout le cerveau (les corps de Lewy). Ces inclusions sont proches des corps de Lewy classiques retrouvés en sous-cortical dans la maladie de Parkinson. Il existe une perte des neurones producteurs de dopamine dans la substance noire proche de celle vue dans la maladie de Parkinson et une perte des neurones produisant l’acétylcholine proche de celle constatée dans la maladie d'Alzheimer. Les causes de cette maladie ne sont pas bien connues.

La DCL regroupe des aspects cliniques de la maladie d'Alzheimer et de la maladie de Parkinson tout en étant plus proche de cette dernière. Les principaux symptômes sont des troubles de l’attention et un déficit cognitif progressif incluant des troubles de la capacité d’abstraction, de raisonnement ou de jugement, ainsi que des difficultés de repérage et d’orientation. Des troubles de la mémoire sont également présents, bien qu’ils ne soient généralement pas majeurs lors de la phase précoce de la maladie. La DCL s’accompagne de signes psychiatriques comme une humeur dépressive, des idées délirantes de type paranoïde, des hallucinations auditives et visuelles, et des comportements violents ou agressifs (McKeith

et al., 1996). Les symptômes cognitifs et la vigilance peuvent fluctuer, apparaître pendant

quelques jours puis disparaître.

Le sommeil est fortement altéré dans la démence à corps de Lewy. L’activité corticale en électroencéphalographie est généralement ralentie (fréquence alpha inférieur à 8 Hz). Les patients peuvent présenter des éveils confusionnels au cours desquels ils sont agités, semblent perdus et peuvent même être agressifs. Le TCSP se retrouve en effet chez 87% de ces patients (Boeve et al., 2001).