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I LE SOMMEIL DES PERSONNES AGEES :

1) La plainte des patients âgés concernant leur sommeil :

La prévalence de la plainte d’insomnie augmente avec l’âge. Selon les études, 15 à 40% des sujets âgés de plus de 65 ans(2) disent être insatisfaits de leur sommeil lorsqu’on les interroge à ce sujet. En France, 40,3% se plaignent de la qualité ou de la quantité de leur sommeil ou prennent une molécule le favorisant, là encore lorsqu’on les interroge(71). Dans la population générale en France, on ne compte que 20% environ des personnes interrogées qui déclarent avoir un mauvais sommeil(72).

L’incidence annuelle de cette plainte est mesurée à 5% parmi les plus de 65 ans, et le taux de rémission serait de 15% par an(32).

La plainte d’insomnie porte sur les difficultés d’endormissement chez 19%, les réveils nocturnes chez 29%, un réveil précoce chez 18%, la sensation de ne pas être reposé au réveil chez 12% des plus de 65 ans(31). On retrouve ainsi 42% des plus de 65 ans rapportant des difficultés d’endormissement ou de maintien du sommeil. Ce chiffre comprend toutes les personnes qui se réveillent pour uriner par exemple, mais sans difficultés pour se rendormir. Il n’y en aurait donc que 28% qui correspondraient à une réelle plainte d’insomnie, c’est-à-dire qui rapporteraient soit des difficultés d’endormissement soit des éveils nocturnes avec difficultés pour se rendormir.

Cette plainte apparaît plus fréquente chez les femmes que chez les hommes (37% contre 22%

chez les plus de 65 ans), alors qu’il semblerait que les hommes aient plus précocement et plus fréquemment un sommeil objectivement perturbé (32, 37).

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2) Le sommeil des personnes âgées

(37, 54, 71) :

Les caractéristiques du sommeil des personnes âgées sont statistiquement différentes de celles des sujets plus jeunes. Il existe une avance de phase, se traduisant par un coucher plus précoce (le coucher avant 21 h est 2 fois plus fréquent chez les 65-74 ans que chez les 45-64 ans), et un réveil lui aussi plus précoce. En revanche, le lever ne se fait pas significativement plus tôt, ce qui entraîne une diminution de l’efficacité du sommeil, avec en moyenne une à deux heures de plus passées au lit par rapport aux populations plus jeunes, et un temps de sommeil nocturne inférieur de 1 heure en moyenne pour les plus de 75 ans (différence non significative pour les 65-74 ans). Cette diminution de l’efficacité du sommeil serait un facteur d’insomnie, en favorisant la perte du conditionnement « être dans son lit = dormir ». Le délai d’endormissement ne varie pas de façon significative avec l’âge.

Le sommeil des personnes âgées semble également plus fractionné, en raison de plus fréquents éveils nocturnes qui toucheraient 59% des plus de 75 ans et 48 % des 65-74 ans. De plus, ils mettent significativement plus de temps à se rendormir que les populations plus jeunes, avec un temps de latence moyen de près de 40 minutes. Ainsi, la durée totale de veille intra-sommeil est de 1 à 2 heures chez le sujet âgé contre 5 à 19 minutes chez le sujet jeune(37,85).

La sieste est plus fréquente avec l’âge, et s’accompagne d’une diminution du temps de sommeil nocturne avec un temps de sommeil total sur 24 heures qui reste stable(71). Si la moyenne de la durée totale de sommeil reste la même quel que soit l’âge, la variabilité inter-individus augmente. Il existerait donc plus de courts dormeurs chez les sujets âgés (37% des plus de 50 ans estiment que 5 à 6 heures de sommeil leur suffisent) mais aussi plus de longs dormeurs.

De plus, une étude comparant la réaction à des éveils provoqués toutes les heures montre que les personnes âgées ont plus de difficultés que les sujets jeunes à enclencher un nouveau cycle

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de sommeil après un éveil brutal, d’où une plus grande vulnérabilité aux stimuli extérieurs pouvant causer des éveils nocturnes(16).

3) Comparaison entre la plainte et les critères objectifs :

Il existe une discordance entre la plainte exprimée par les patients et les critères objectifs retrouvés lors des enregistrements polysomnographiques : une étude réalisée en institution auprès de treize personnes âgées de plus de 70 ans retrouve une surestimation du temps de latence s’accompagnant d’une sous-estimation du temps total de sommeil(59). Il semblerait que les femmes évaluent mieux leur sommeil que les hommes(37,85). En effet, si les femmes se plaignent plus fréquemment que les hommes alors que leur sommeil apparaît statistiquement moins perturbé que celui des hommes au même âge(89), leurs plaintes seraient plus proches de la réalité de leur sommeil que celles des hommes.

4) Retentissement diurne de l’insomnie chez les personnes âgées :

Le retentissement diurne semble moindre que dans la population générale(72,90). En effet, les plaintes concernant les difficultés d’attention, de concentration, des troubles mnésiques, une diminution d’efficacité imputables à la dette de sommeil sont rapportés dans des proportions statistiquement similaires aux groupes d’insomniaques d’âge moindre, mais les plaintes de tonalité affective telles que l’anxiété, l’irritabilité, l’humeur déprimée, sont significativement moins fréquentes, cela pouvant s’expliquer soit par une mauvaise évaluation de leur besoin de sommeil (il n’existe en fait pas de dette de sommeil malgré les modifications décrites ci-dessus), soit par une diminution de l’activité quotidienne (retraite, isolement social et familial plus fréquent avec le vieillissement), s’accompagnant de la possibilité de faire la sieste, qui fait que la dette de sommeil et ses conséquences n’ont pas de répercussion sur l’activité de la personne âgée.

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5) Comorbidités :

Il existe une association statistiquement significative entre l’incidence de l’insomnie et l’existence d’une pathologie organique associée, tels que les pathologies cardiaques, le diabète, les accidents vasculaires cérébraux, les fractures du col du fémur, les symptômes respiratoires ainsi qu’avec le handicap physique, le sentiment d’être en mauvaise santé ou le fait d’avoir une humeur dépressive. Ces facteurs semblent aussi favoriser la persistance de l’insomnie en entraînant une diminution du taux de rémission(30,32,67).

De même, la survenue des troubles du sommeil serait plus fréquente en cas de veuvage, de niveau de revenus ou d’éducation bas(23,26,70).

Concernant les troubles psychiatriques, parmi les patients présentant une plainte de trouble du sommeil, le diagnostic de trouble anxieux a pu être retenu chez près de 30% des plus de 65 ans, celui de d’épisode dépressif majeur chez 5%, celui d’insomnie primaire chez près de 14%

des patients, alors que 42% sont restés sans diagnostic du fait de l’absence de répercussion diurne, empêchant le diagnostic d’insomnie primaire selon les critères du DSM IV(71).

L’insomnie chez les personnes âgées apparaît aussi comme un facteur d’institutionnalisation : un tiers des pensionnaires d’institutions aux Etats-Unis y auraient été admis suite à des troubles du sommeil perturbant l’entourage(52).

Concernant la mortalité liée à l’insomnie, il semble exister une surmortalité chez les personnes de tous âges dormant moins de 4,5 heures par nuit mais aussi plus de 8,5 heures par nuit(48). Cette étude ne trouve pas de corrélation entre la plainte d’insomnie et une surmortalité, par contre il existe une surmortalité associée à la consommation de somnifères, et ce en supprimant le biais de la durée de sommeil. De plus, il existe une plus grande fréquence des pathologies coronariennes chez les personnes dormant plus de 10 heures ou moins de 6 heures par nuit(26).

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6) Personnes âgées et hypnotiques:

La consommation de psychotropes est plus importante chez le sujet âgé : en France, en 1996, 24 à 32% des plus de 65 ans consommaient des psychotropes et à 70% depuis plus d’un an(71). Aux Etats-Unis, 35 à 40% des hypnotiques prescrits sont consommés par les 12% de la population que représentent les personnes âgées(26).

L’incidence et la persistance de l’insomnie sont deux fois plus fréquentes chez les patients consommateurs de médicaments sédatifs, la consommation d’hypnotiques apparaissant comme un facteur de chronicisation des troubles(30).

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