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NOTRE RECHERCHE N’A PAS POUR FINALITE DE

2 MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ET CADRE THÉORIQUE

2.2 Cadres et concepts théoriques

2.2.2 Les concepts structurant les résultats obtenus

2.2.2.2 La sociologie organisationnelle

La sociologie des organisations a pour objet d’étudier les entreprises et leur fonctionnement. Elle traite notamment des stratégies d’intégration des entreprises vis-à-vis des individus et des évolutions de ces stratégies.

Elle peut aussi se définir comme une science sociale qui étudie des entités particulières nommées organisations, ainsi que leurs modes de gouvernance et interactions avec leur environnement, tout en appliquant les méthodes sociologiques à l’étude de ces entités. Cette branche de la sociologie est à l’intersection de plusieurs disciplines, dont l'économie des organisations, les sciences de gestion, la psychologie et la théorie des organisations.

La sociologie des organisations étudie comment les acteurs construisent et coordonnent des activités organisées. Elle a été une source importante d’apports théoriques sur l’incidence des méthodes de management et leur pérennité dans les organisations.

Nous nous sommes particulièrement intéressé à deux courants :

L’analyse stratégique (L’Acteur et le Système) :

Pour M. Crozier et E. Friedberg (1977)95, l’humain est la ressource structurante. Nous passons du social quantitatif à l’humain qualitatif.96 Une organisation est toujours un construit social, qui existe et se transforme uniquement si, d’une part, elle peut s’appuyer sur des jeux permettant d’intégrer les stratégies de ses participants, et si, d’autre part, elle assure à ceux-ci leur autonomie d’agents libres et coopératifs.

Étant donné qu’on ne peut résumer le jeu des acteurs comme déterminé par la cohérence du système ou par les contraintes environnementales, cette approche

94 CAPN : Contrat d’Actions Périodiquement Négociable ; PAP : Plan d’Actions Prioritaires (voir lexique). 95

CROZIER M., FRIEDBERG E., L’acteur et le système : les contraintes de l’action collective. Paris : Seuil,

1981, 500 p.

96

CROZIER M., L’entreprise à l’écoute : Apprendre le Management post-industriel. Paris : Inter Éditions, 1989,

52 nous permet de comprendre comment se construisent les actions collectives à partir de comportements et d’intérêts individuels parfois contradictoires entre eux. L’acteur n’existe pas en dehors du système qui définit son espace de liberté et la rationalité qu’il peut utiliser dans son action. Mais le système n’existe que par l’acteur qui seul peut le porter et lui donner la vie, et qui seul peut le changer. C’est de la juxtaposition de ces deux logiques que naissent ces contraintes de l’action organisée. Et le comportement des acteurs s’ajuste au comportement possible des autres en fonction des atouts dont il dispose (H. Amblard, P. Bernoux, G. Herreros, Y.F. Livian, 1986)97.

Cette approche nous permet de mieux cerner le rôle des managers dans les organisations en période de changement de méthode de management et/ou de

crise, puisque l’approche de M. Crozier et E. Friedberg intègre les principes

suivants :

 Les acteurs agissent pour améliorer leur capacité d’action et/ou s’aménager

des marges de manœuvre.

 Les projets des acteurs sont rarement clairs et cohérents, mais le comportement n’est jamais absurde. Il a toujours un sens intrinsèque.

 Tout comportement est actif, même si c’est un comportement passif.

Il se crée un ensemble de relations qui se nouent entre les membres d’une organisation et qui servent à résoudre des problèmes concrets quotidiens pouvant expliquer ce qui se passe pour les acteurs quand on veut introduire des changements de méthodes de management, que M. Crozier nomme « systèmes d’actions concrets » (SAC). Les jeux structurant les SAC s’organisent autour des habitudes, des routines, de l’affectif, du culturel et de l’identité (P. Trouvé, 2010)98

. Ce concept nous a particulièrement intéressé pour expliquer comment les acteurs lors d’un changement de méthode de management agissent pour améliorer leur capacité d’action et s’aménager des marges de manœuvre et pour vérifier si la théorie de Crozier et Friedberg, qui a été écrite il y a 35 ans et qui nous a accompagné en tant que cadre dirigeant, s’applique toujours aujourd’hui.

La théorie des conventions

La théorie des conventions constitue un courant de recherche assez récent : il s’est développé au cours des 20 dernières années. Il se situe aux frontières de la sociologie, de l’économie et de la gestion. Différents travaux s’inscrivent à l’intérieur de ce courant : on se référera ici tout particulièrement aux ouvrages de Luc Boltanski et Laurent Thévenot (1987), qui sont plutôt d’inspiration sociologique, et à

97

AMBLARD H., BERNOUX P, HERREROS G et al., Les nouvelles approches sociologiques des

organisations. Paris : Seuil, 1996, 244 p.

98

53 ceux de Pierre-Yves Gomez (1994)99 (1995)100, qui appartiennent davantage au champ de l’économie et de la gestion.

Les travaux des conventionnalistes (Boltanski ; Thévenot, 1991 ;101 Boltanski,

Chiapello, 1999102) portent sur les processus à partir desquels les acteurs arrivent à

coopérer en dépit d’intérêts divergents. L’approche conventionnaliste cherche à comprendre comment des agents, confrontés à des situations caractérisées par l’incertitude, décident du comportement qu’ils vont adopter et comment, de ces multiples décisions individuelles, émerge une convergence des comportements qui s’ajustent les uns aux autres, pour arriver à la production de compromis. À partir d’une étude en profondeur, Boltanski et Thévenot (1991) identifient six « mondes » ou « cités » constituant un cadre de valeurs qui structurent les arrangements sociaux. Les conventionnalistes sont intéressés dans le rôle joué par les systèmes normatifs dans la formation des interactions entre les individus et la mise en place d’accords dans la société. En ce sens, la perspective conventionnaliste peut être considérée comme une théorie basée sur une vision consensuelle de la réalité sociale (Trouvé P., 2011)103.

Cette théorie, axée principalement sur la dimension institutionnelle, permet de comprendre comment l’organisation, dans son ensemble, adopte, pérennise ou rejette un mode de management. Une convention est un symbole, un objet qui cristallise le compromis entre différentes logiques dans un contexte donné. Les individus dans une organisation ne s’identifient pas toujours avec des mondes semblables. Parce qu’un individu peut s’identifier à plusieurs mondes, l’invention et la négociation de conventions deviennent critiques pour assurer la coordination et la

coopération (J.-L. Denis, A. Langley, L. Rouleau, 2004)104.

Cette approche nous a semblé pertinente pour expliquer le jeu des acteurs lors de l’introduction ou l’arrêt d’une méthode de management (définir un cadre commun entre les acteurs qui définit l’action). Elle cherche à comprendre comment les individus confrontés à des situations marquées par l’incertitude, comme un changement de méthode de management, décident du comportement qu’ils vont adopter et comment, de ces multiples décisions individuelles, se dégagent une certaine convergence, un certain ajustement des comportements des uns et des autres, non pas en recourant à des calculs rationnels mais en s’appuyant sur différents repères présents dans les situations, les uns plus explicites (les énoncés), les autres plus implicites (les personnes, les objets, l’espace, le temps).

99

GOMEZ Pierre-Yves, Qualité et théorie des conventions, Economica, 1994.

100

GOMEZ Pierre-Yves., Des règles du jeu pour une modélisation conventionnaliste. In: Revue française d'économie. Volume 10, No 3, 1995. p. 137-171.

101

BOLTANSKI L., THEVENOT L., De la justification : Les économies de la grandeur. Paris : Gallimard, 1991, 483 p.

102

BOLTANSKI L., CHIAPELLO E., Le nouvel esprit du capitalisme. Paris : Gallimard, 1999, 843 p.

103

TROUVE P., L’approche conventionnaliste, cours GESE, IAE Université Lyon 3.

104

DENIS J.-L., LANGLEY A, ROULEAU L. La formation de stratégies dans les organisations pluralistes. In : AIMS. XIIIe conférence de l’AIMS (Normandie, 2,3 et 4 juin 2004).

54 Ces repères, ces conventions qui conditionnent les choix individuels, sont en même temps construits par eux. Les conventions permettent de comprendre comment les comportements individuels s’ajustent les uns aux autres dans le cadre d’une organisation, mais aussi comment des divergences de vue se mettent en place (ce qu’on a appelé les « suspicions », ou les « critiques ») et contribuent à l’évolution

des organisations (Nizet J.)105.Cette approche nous a semblé pertinente pour

expliquer le jeu des acteurs lors de l’introduction ou l’arrêt d’une méthode de management (définir un cadre commun entre les acteurs qui définit l’action), et de considérer une convention comme un symbole qui cristallise le compromis entre différentes logiques. Une convention, suivant Boltansky et Thevenot, est composée de personnes ou acteurs (dans notre recherche : dirigeants, intervenants, cadres, employés…), d’objets (méthodes de management, outils, processus, machines, formations…) et d’espace/temps (incidence sur la durabilité). En ce sens, nous considérons que les conventions sont le ciment des acteurs pour retrouver sens et coopération lors un changement de méthode de management.