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CONDITIONS DE DURABILITÉ DES PROJETS DE MANAGEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE

522 VERBATIM DEUXIEME PARTIEintervenants-

6 LA VIE OFFICIELLE DES PROJETS SOCIO-ÉCONOMIQUES

6.3 Les facteurs d’amélioration de la durabilité des projets socio économiques

6.3.1 Les aspects méthodologiques

Nous avons vu que la méthodologie (processus et outils) était considérée comme un des points forts de la durabilité des projets socio-économiques. Les améliorations exprimées portent sur toutes les phases du projet : démarrage de l’implantation, croissance, maturité et maintenance.

151 6.3.1.1 Une souplesse dans l’implantation

Bien que la méthodologie soit considérée comme un atout de pérennité, certains dirigeants et managers réclament un peu plus de souplesse dans le processus d’intervention.

« OK, mais l'ISEOR doit s'adapter. »

« Très difficiles pour le TPE (trop lourd, trop cher). »

Ce que certains intervenants approuvent :

« Il faut garder les principes fondamentaux, soigner l'emballage et raccourcir le processus en temps. »

Avec les interviews complémentaires, nous avons pu constater que certains dirigeants s’étaient déjà arrogé quelques arrangements avec la méthodologie. Des outils ne sont pas ou plus utilisés, les plans d’actions prioritaires se font sur une année budgétaire au lieu de six mois, les moyens de réaliser les objectifs des CAPN ne sont pas formalisés…

6.3.1.2 Une maintenance systématique et périodique

Par maintenance, nous entendons l’ensemble des opérations permettant de maintenir ou rétablir la méthode de management dans son état initial ou de lui restituer des caractéristiques de fonctionnement non prévues au démarrage. Comme nous avons étudié des projets socio-économiques sur 30 ans, cette idée- clé a été essentiellement exprimée par des dirigeants et managers ayant implanté le management socio-économique avant 2000.

« Il faut s'arrêter pour penser (rencontre 2 fois par an avec l'ISEOR). » « Il faudrait faire des audits des outils (CAPN). »

« Pour s'améliorer : un diagnostic obligatoire après 10 ans, formation obligatoire des nouveaux. »

Initialement, l’ISEOR estimait que l’utilisation des outils suffisait à garantir la maintenance et à pérenniser le management socio-économique dans les organisations. Il est vrai que l’utilisation de tous les outils par tous les acteurs peut être considérée comme un cercle vertueux où chaque outil est en relation avec les autres. Cependant, les hommes ne sont pas des machines, et après avoir constaté des dérives dans l’utilisation des outils et des démotivations de certains acteurs, l’ISEOR a introduit un processus de maintenance. Cette nouvelle phase permet de donner une nouvelle impulsion au projet, de remettre des acteurs dans l’action socio-économique, de toiletter les outils.

Les intervenants ont confirmé cette évolution :

« Pendant 15 ans, l'ISEOR disait 'on vous aide à implanter, après, vous avez les clés, à vous de le maintenir. »

152

« Depuis 10 ans, nous (ISEOR) préconisons une maintenance. »

« Nous sommes conscients que nous avons laissé des projets partir sans maintenance. »

6.3.1.3 Une évaluation des projets socio-économiques après quelques années de mise en place

Par évaluation, nous entendons une estimation, un jugement, une appréciation sur l’utilisation de la méthode. Les dirigeants et managers ont besoin de justifier leur choix de méthode de management vis-à-vis de leurs actionnaires, personnels et partenaires sociaux et de toutes leurs parties prenantes. Mais aussi pour eux- mêmes, pour se rassurer dans leur bon choix et le reste à faire.

« Faire une évaluation comme aux M du M (société pionnière pratiquant le

management socio-économique). »

Cette évaluation est à la fois quantitative et qualitative. Elle permet de tester le travail déjà effectué et de rassurer sur la poursuite de la mise en œuvre de la méthode.

« Évaluation de la démarche sur l'aspect qualitatif et conversion des coûts cachés (Quantitative, Qualitative, Financière) après 3 ans. »

« Des indicateurs de suivis pour rebooster la machine après 3 ans de mise en place. »

« Pour s'améliorer : un diag obligatoire après 10 ans, formation obligatoire des nouveaux. »

Cette évaluation est également préconisée par les intervenants :

« Une analyse quantitative OBLIGATOIRE après quelques années et un témoignage en colloque. »

« Faire une évaluation économique le plus tôt possible en groupe de pilotage avec un lien avec le P&L, pas seulement les coûts cachés. »

Pour « rebooster » les dirigeants en cours de projet, un des créateurs historiques de la méthode nous a confié qu’il utilisait les témoignages des chefs d’entreprise durant les colloques organisés par l’ISEOR pour incruster davantage la méthode dans l’entreprise. Pour préparer son intervention, le dirigeant est obligé de faire le point sur le projet avec l’ISEOR et de se projeter dans l’avenir. Ce dirigeant s’engage ensuite publiquement lors de sa présentation avec des objectifs quelquefois plus ambitieux que s’il avait cogité tout seul.

« Ils (les présentateurs) se sentent investis d’une mission, ils témoignent pour les autres, mais aussi s’obligent à se fixer des objectifs devant tout un auditoire quelquefois en allant au-delà de ce qu’ils avaient initialement prévu. »

153 6.3.1.4 Ce qui a déjà été mis en place dans les aspects méthodologiques : Un certain nombre d’améliorations évoquées par les dirigeants et managers ont déjà été effectuées. Soit elles ne sont pas perçues par les utilisateurs, soit la méthode a évolué ou est en cours d’évolution avec le temps.

La maintenance a été systématisée par l’ISEOR dans ses interventions depuis une dizaine d’années.

L’évaluation a été initialisée récemment (moins de cinq ans) au travers de deux chantiers socio-économiques importants, une grande mutuelle en France et l’équivalent de Pôle Emploi en Belgique. Elle met en évidence la difficulté à expliquer et à justifier la notion de « coûts cachés » dans des milieux non familiers de ce concept. L’évaluation est en cours de systématisation.

L’ISEOR reste très stricte sur l’application de la méthode, mais une certaine souplesse a été apportée aux TPE. La mise en place du management socio- économique dans des études de notaires et d’architectes a été facilitée, notamment par une mutualisation des formations.

6.3.1.5 Les pistes d’amélioration sur les aspects méthodologiques

En termes de recommandation, nous estimons qu’une auto-évaluation par les dirigeants, structurée et encadrée par l’ISEOR, pourrait contribuer à pérenniser les projets et pourrait être intégrée au processus de maintenance. Nous verrons plus loin que cette amélioration de la méthodologie du management socio-économique débouche sur la certification de la méthode, exprimée par les dirigeants et managers.

Les aspects méthodologiques demeurent un des points forts du management socio- économique.

Nous avons été plutôt surpris par l’importance prise par les 2 thèmes suivants

« communication » et « commercialisation » auprès des dirigeants et managers.

Nous n’avons pas posé la question « Que pensez-vous de la communication faite sur le management socio-économique ? ». Nous avons posé la question « Quels sont les éléments qui pourraient améliorer la pérennisation les projets socio- économiques dans les organisations ? ».

Le thème est ressorti avec l’exploitation des verbatim regroupés sur plusieurs idées-clés. Les dirigeants se sont exprimés spontanément sur ces thèmes et la fréquence des phrases-témoins sur ces idées-clés est importante dans l’exploitation des interviews sur le logiciel SEGESE. Dans le premier calibrage, elles sont regroupées sur 5 idées-clés (8 % du total des idées-clés) et elles représentent 13 % du total des phrases-témoins. Nous rappelons que nous ne présentons ici que quelques phrases-témoins représentatives, que l’ensemble des phrases-témoins se

154 retrouvent dans l’annexe 17 et que le calibrage final (fréquence de l’expression) est analysé en fin de partie 2.

Nous rejoignons Akrich, Callon et Latour (2006)224 et la théorie de la traduction, à propos de la diffusion d’une innovation managériale. Une méthode de management est une constitution d’un réseau d’actants, c’est-à-dire des acteurs humains et non humains, des objets investis de fonctions et de rôles. Les projets socio- économiques pourraient être plus pérennes si le management socio-économique était plus connu et plus répandu, s’ils représentaient une masse critique sur le marché des méthodes de management et une reconnaissance de la part du monde de l’entreprise.

Une meilleure communication et une meilleure commercialisation pourraient y contribuer.

6.3.2 La communication

Dans une entreprise, la communication est l'ensemble des techniques et moyens lui permettant de se présenter elle-même, de présenter son activité, ses produits et ses services afin d'améliorer son image, d’accroître sa notoriété ou d’augmenter les contacts avec des clients potentiels.

Le fonctionnement communicationnel des communautés scientifiques présente un

paradoxe intéressant. Autant les scientifiques se révèlent excellents

communicateurs entre eux à l’intérieur d’un même paradigme, autant leurs tentatives de communiquer leurs résultats à des non-spécialistes rencontrent des problèmes si difficiles à résoudre que, bien souvent, ils se découragent et montrent alors une tendance à se replier sur eux-mêmes, nourrissant par là le mythe de la

tour d’ivoire (Baudouin Jurdant, 2012)225

.

Les verbatim portent sur un constat de méconnaissance du management socio- économique dans le monde de l’entreprise et des pistes d’amélioration.

6.3.2.1 Le management socio-économique est mal connu

Selon les dirigeants et managers, il est mal connu des entreprises et des organisations :

« On ne trouve pas de communications grand public. »

« C'est une méthode universelle et pourtant ce n’est pas connu en France. » « La plupart des gens ne connaissent pas le management socio-économique. » « Ce n’est pas connu dans les entreprises : c'est difficile à vendre à des gens qui ne connaissent pas, ça peut faire apprenti sorcier. »

224

AKRICH M., CALLON M., LATOUR B, Sociologie de la traduction, textes fondateurs, Presse des Mines, Paris, 2006, 303 p.

225

JURDANT, B. « Communication scientifique et réflexivité ». Espaces réflexifs (carnet de recherche), http://reflexivites.hypotheses.org/695, 22 février 2012.

155

« Sur mon continent, ce n’est pas connu des dirigeants d'entreprise. »

Cet avis est confirmé par un journaliste couvrant le Colloque ISEOR d’octobre

2008 :

« En 36 ans de journalisme économique, je n’ai jamais entendu parler du management socio-économique. »

Les dirigeants et managers ont exprimé un certain nombre d’idées d’amélioration de la communication pour mieux rendre visible cette méthode dans les entreprises. 6.3.2.2 Une vulgarisation des concepts et des formations

Le management socio-économique est issu d’un centre de recherche-intervention universitaire. La communication sur cette méthode s’est d’abord développée dans les milieux académiques.

Cependant, la vulgarisation scientifique est une forme de diffusion pédagogique des connaissances permettant de mettre à la portée d’un large public, dont celui des entreprises, des savoirs et des connaissances scientifiques. Elle est nécessaire à l’avancée du savoir, car elle permet à tout un chacun d’avoir accès à une culture scientifique facilement compréhensible et assimilable. Le contenant est aussi important que le contenu, la forme permet l’accès au fond.

« Ça doit être compris. »

« Arrêter de parler comme dans les livres. »

« La communication et une information compréhensibles par les entrepreneurs. » « Ils devraient faire parler plus d'eux. »

6.3.2.3 La communication pourrait être modernisée

La stratégie et les supports de communication sont souvent considérés comme dépassés (« ringards ») par les dirigeants et managers. De ce fait, le peu de communication est mal perçue dans les entreprises.

« Être plus connu en montant un dossier de presse pour tous les supports ayant une rubrique 'management’. »

« Il faudrait un forum, un site internet vivant. »

« Des colloques, des vidéos transmissibles à une communauté de managers. » « Il faudrait refaire le site internet. »

« Il faudrait moderniser le management socio-économique, plus sexy, plus soft, du sur-mesure. »

Cette vision de la communication est corroborée par des collaborateurs ayant pratiqué entre 1989 et 1994 :

« De toute façon, ce n'est toujours pas très répandu, à ce que j'en sache. » « Je me souviens de Tremplin, mais pas du management socio-économique. »

156 Les intervenants ne semblent pas avoir conscience de cet obstacle à la diffusion de la méthode, car pour eux, le management socio-économique est déjà connu :

« Non connu !? C’est un prétexte, un aveu de non-maturité commerciale. » « L'ISEOR est devenu une marque, garantie de pérennité si on l'entretient. »

Ils considèrent que la communication est aussi à mener par les dirigeants et managers.

« Nous avons tous à développer cette approche : quand verrons-nous un dirigeant faire un article dans le Figaro pour expliquer sa démarche et ses succès ? »

« En communication, il ne faut pas tout mâcher ; ça oblige les managers à convaincre leur troupe. »