ses plaies. Il est dit que le « kajupen » est un rite pour réintégrer l’âme de l’individu qui est
sorti de son corps. Dans ce cas de figure, en touchant la jeunesse, c’est l’âme de la
communauté qui est atteinte. C’est la question même de la survie sociétale qui est ainsi
posée.
Comment se fait ce rite ? Tout repose sur un transfert d’âme, et donc de destins. Il
fallait échanger l’âme du « malade » contre celle d’un animal, généralement une chèvre.
Cela rappelle d’ailleurs les rites pour délier un individu de son « ewum » mal en point. Il
y’a comme une sorte de transfert des destinées qui se fait, dans la volonté de sauver
l’humain. Ce type de rituel n’est pas quelque chose d’exclusivement diola. Beaucoup de
sociétés ont connu dans leur histoire, des formes d’exorcisme ou de déliaison qui sont
surtout une façon pour le groupe concerné de se reconstruire face à l’adversité. Même si
dans les religions catholique et musulmane, ces rites sont appliqués à un individu, ils
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mobilisent toute la collectivité. La possession est présentée comme une gangrène qui
atteint le groupe, et dont il faut se débarrasser. Sinon, ce mal va finir par détruire tout le
groupe. C’est ce qui justifie les déliaisons de groupe comme le « kajupen » pour ancrer à
nouveau la communauté dans sa terre.
Très souvent, dans les sociétés africaines, il s’agit d’une confrontation à une
nouvelle religion, c’est le cas avec la christianisation et l’islamisation de l’Europe, ou avec
une nouvelle culture. Dans ces cas, la figure hostile de l’étranger est le mal inconscient à
éradiquer. Par contre, en contexte migratoire, ce sont les repères de l’individu qui sont
menacés. Lui, l’étranger, est fragile, et ne peut pas compter sur son groupe pour répondre
aux bouleversements sociaux qui s’opèrent en lui. En fait, c’est la question de la survie de
l’individu, mais aussi de la cohésion du groupe qui est pointée ici. Car, nous ne pouvons
ignorer que le départ et donc l’éloignement d’un membre du groupe, peut être considéré
comme une forme d’amputation qui peut être douloureusement ressentie par le reste du
groupe. A partir de là, il importe pour l’ethnie de se reconstruire, et de récupérer
rituellement l’organe manquant de son anatomie. Il n’est pas impossible de voir cela
comme une forme de résistance de l’ethnicité. Le contexte migratoire permet de voir
l’ethnicité confrontée aux réalités des transformations sociales. Nous pouvons dire que
c’est l’un des facteurs qui permet à une ethnie de se construire pour se conformer à l’ethnie
telle qu’elle est pensée par Barth. Certes, dans ce cas, il y’a toujours le risque de
survalorisation des rites. Mais c’est souvent parce que avec les nouvelles religions, il y’a
une déperdition des valeurs de l’ethnie. Il y’a un instinct de survie qui se manifeste et
favorise la crispation identitaire. Il est intéressant de noter que le terme utilisé pour décrire
l’état du malade signifie « il est sorti ». Cette expression « il est sorti » est assez souvent
utilisée dans le cas d’un émigré aussi, « na pupur ». Cette analogie met l’accent sur la
situation du migrant qui est écartelé entre deux cultures, et qui a besoin de béquilles pour
sauvegarder son identité. Au même titre que le malade qui est « sorti » de lui-même, c’est
l’intégrité du migrant qui est malmenée et ce dernier a donc besoin d’être réintégré. Nous
pouvons expliquer les projets et programmes autour des immigrés, notamment les
associations comme des moyens pour réintroduire l’immigré dans son entité naturelle.
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I.4.2 Les femmes diolas : gardiennes et protectrices
Au-delà de la personne, il s’agit surtout de la société qui a besoin d’être soignée et
de garder son entité intacte. Elle conçoit des scénarios pour renforcer sa cohésion.
Les femmes interviennent pour ainsi dire beaucoup dans les rites conçus pour
sauver l’individu. Ainsi pour conjurer le sort ou pour mettre en garde, les femmes diolas
peuvent faire le tour du village en enlevant leur pagne pour chasser les mauvais esprits.
Cette opération est très crainte. Aucun homme ou aucune femme n’ayant pas connu la
maternité ne doit y assister. En général, les populations non concernées, sont prévenues et
se barricadent lors de ces séances. Ceci montre que la nudité d’une femme est très
fortement ritualisée. Elle ne doit pas être exhibée sans raison. Dans ce cas, elle est une
arme dont se servent les femmes quand le groupe est en danger. Nous pouvons remarquer
une certaine image donnée aux femmes. Celle-ci obéit aux fonctions traditionnelles
dévolues aux femmes diolas. Elles sont une pièce centrale dans la notion de personne chez
les diolas. Et cela d’autant plus qu’elles sont reconnues femmes avec la maternité. En
dehors de ce rôle de reproduction de la société, il est difficilement concevable pour une
femme d’être considérée dans la société diola L’homme est abouti avec le bukut, la femme
avec la maternité. Il est donc logique qu’elle soit au cœur de la construction de la personne.
La division des sexes est bien exprimée ici. Il est bien normal qu’il y ait des sanctions en
cas de transgression.
I.4.3 Les ukin, protecteurs de la personne
Certes, il y’a une division des sexes, qui assigne à chaque personne une fonction
bien définie. Certes, il y’a le fameux ñiñi qui veille sur le respect de ces règles, mais
n’oublions pas qu’il s’agit de règles qui concernent les deux sexes. Il est fait mention dans
beaucoup de travaux sur les diolas, qu’il y’a tant chez les diolas traditionnalistes que chez
les diolas musulmans, un interdit frappant les femmes en état de menstrues. Les rites diolas
arborent le sang menstruel. Il faut par ailleurs noter que le sang est fortement ritualisé dans
les sociétés diolas.
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Dans le document
Enjeux de pouvoirs et rapports au pays d’origine dans les associations d’immigrés diola en France
(Page 165-168)