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Il faut noter aussi, en nous intéressant sur les créations des villages, chaque « fank»

ou concession a son histoire et ses origines. Il n’est pas rare que dans un village, on

rattache les origines d’une famille, à un « apura pur » qui est venu se réfugier auprès d’une

famille, et qui se rattrape et accède au statut d’ancêtre. Ce qui fait que bien qu’il soit exclu

en étant banni de sa société d’origine, il s’est racheté et va se réincarner ailleurs. Il restera

cependant des séquelles, que ses descendants vont garder. En fait, pour ces bannis de leurs

villages d’origine, la survie passe souvent par un pacte matrimonial avec la famille

d’accueil. Mais, on leur donne très souvent comme épouse, une fille souffrant d’un

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handicap. Cela permet de résoudre pour les Diolas deux problèmes, celui du réfugié et

celui du handicap. Ainsi il arrive, qu’on dise d’un tel individu, qu’il n’est pas dégourdi,

parce qu’il est un descendant d’une déficiente mentale et d’un « apura pur ». Ce sont

cependant des propos qui ne se tiennent pas ouvertement. La protection d’une famille une

fois ritualisée, est validée et ne saurait être remise en question.

Cela nous ramène à ce propos aux raisons de migrer. Les premiers migrants diolas

sont partis très souvent à la suite de différents familiaux. Nous ne pouvons manquer de

souligner la similitude dans les motifs d’immigrations des années modernes. La demande

d’asile, telle qu’elle est manifestée actuellement, rappelle cette errance des fameux bannis

diolas, qui viennent se réfugier dans des endroits loin de leurs terres d’origine et y fonder

de nouvelles attaches. A partir de ce moment, l’individu renait dans son nouveau village et

se recrée de nouveaux ancêtres, et partant une nouvelle identité.

I.2.1.3 Réincarnation

Ceci nous amène à introduire la notion de renaissance dans les cultures diolas.

Quand on dit d’un enfant, que c’est un tel ancêtre qui est revenu, il s’agit d’une conviction

pour les parents. L’expression « ka wu

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», peut être traduite par le fait de se réincarner.

C’est ce qui démontre l’importance de pouvoir se réincarner en prenant la bonne

destination après la mort, pour le défunt. Les raisons de revenir dans une famille ou une

autre ne nous sont pas totalement expliquées, mais sont-elles explicables ? On peut penser

que chez les Diolas, la vie est une suite de cycles qui se passent entre les deux mondes. On

passe d’un monde à l’autre et le retour au monde réel est une volonté naturelle pour le

parent de revenir au près des siens. Nous retenons néanmoins des propos adressés aux

enfants par les plus âgés très souvent, qui cherchent à travers les traits physiques ou des

tics, les signes et preuves de tel ancêtre. Dans certains cas, on entend :

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« Aw waa nu jaalo ekaan baabe ? Jakum u yoken aniolom. Sofol jak »

« Qu’es-tu venu faire ici ? Ne fatigue pas mon enfant, reste en bons termes avec

elle.

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»

Il s’agit souvent d’un ascendant de la mère de l’enfant qui s’adresse ainsi à ce

dernier. Nous voyons une fois de plus, le regard et la protection des siens sur la fille/femme

mariée ailleurs, et qui va mettre au monde des enfants appartenant à un autre patrilignage.

Interpeler l’enfant est une façon d’interpeler la belle famille, de lui rappeler que l’épouse

venue d’ailleurs appartient à un lignage qui veille sur le bien être d’un élément de son

groupe.

D’un autre côté, on peut s’interroger sur ces ressemblances troublantes. Mais nous

ne pouvons pas ignorer que les enfants peuvent hériter de caractères physiques ou

d’aptitudes de leurs aïeux. Beaucoup d’anomalies liées à la génétique passent ainsi pour

des malédictions ou des sanctions à la suite d’offenses aux « ukin ». La génétique a ses

secrets, que chaque population essaie de comprendre et de percer. On essaie de trouver des

explications. Chez les diolas, comme nous l’avons avancé précédemment, l’enfant est

dépositaire d’un patrimoine génétique, d’un héritage de ses ancêtres, et aussi responsable

des dettes de ses aïeux. Les malédictions des tiers peuvent tomber sur lui, même s’il n’en

est pas le responsable direct. Ce que la science analyse et essaie de corriger sur l’être

humain est différemment apprécié au regard traditionnel. Il n’est pas dit que les approches

traditionnelles soient erronées, mais le caractère sacré et fortement ritualisé de ce groupe,

fait que certaines choses restent occultées. Les connaissances sont distillées au

compte-goutte, la transmission du savoir est gérée par le groupe, et n’est donc pas systématique. Il

faut être jugé apte de recevoir la connaissance avant de commencer la formation. C’est le

cas pour toutes les fonctions dans cette société. On ne confie pas au hasard une

responsabilité à une personne. Et plus les responsabilités sont grandes, plus les critères de

sélection sont exigeants.

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D’un autre côté, il y’a des connaissances qui sont considérées comme un bien

familial. Elles sont, en conséquence, jalousement gardées comme tout patrimoine familial.

C’est le cas des « ukin » familiaux, qui concernent le lignage. En dehors des « ukin » que

nous retrouvons dans chaque village, et dans chaque famille, il y’a des instances qui sont

particulières à une famille, et qui concernent l’histoire de la famille en question. Nous

pouvons aussi, considérer que c’est un pouvoir que détient une famille, et qu’elle a le

devoir d’exercer pour le bien du groupe. D’une certaine façon, même si un individu ou

pour être plus précise, une famille est détentrice d’un pouvoir, cette force revient et

appartient de fait à la communauté. C’est le cas de la royauté chez les diolas. En effet, le

roi diola est au service de son groupe. C’est sa fonction principale. Il ne jouit pas

d’avantages comme on pourrait s’y attendre, mais plutôt a des devoirs envers sa

communauté. Il est lui-même un objet, et doit être celui qui détourne les forces négatives

de son groupe.

Il nous est apparu que l’individu appartient à la terre, et si on parle de droits, il y’a

plutôt une dette éternelle envers la terre des ancêtres. Cela nous renvoie à l’ouvrage

d’Odile Journet, Les créances de la terre

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, qui a bien cerné cette problématique de la terre

dans les cultures diolas. Cela peut expliquer aussi pourquoi il y’a une forte identité locale

dans les groupes diolas. Les rites et les traditions sont encore très présents. Nous sommes

en face de sociétés fortement ritualisées, et dont le quotidien est régi par les rites. Ceux-ci

accompagnent l’individu depuis sa naissance, jusqu’à sa mort et même au-delà. Tout est

quasi ritualisé. Nous pouvons comparer ces rites à un code pénal qui veille sur le bon

fonctionnement de la société en codifiant les rapports entre les individus eux-mêmes et

entre les individus et les événements qui peuvent survenir dans la vie de chaque individu.

Et ce, quel que soit le lieu de résidence. En fait, il sera intéressant d’analyser les évolutions

des rites au fil des années et des migrations. Penchons-nous d’abord sur les sous-groupes

de diolas. Si nous nous référons aux travaux de Louis Vincent Thomas

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, nous pouvons

délimiter les diolas en différents sous-groupes. Ces sociétés ont, en commun, surtout une

riziculture, et des rites. La langue peut être très différente d’une région, à une autre, et il est

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Odile Journet, les créances de la terre : chroniques du pays jamaat

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Louis Vincent Thomas : anthropologue français, spécialiste de l’Afrique, un des premiers à s’être intéressé au groupe des diolas

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courant que pour ces populations, le voisin immédiat soit considéré comme un étranger. En

fait, l’étranger a déjà le visage du ressortissant du village voisin. Ainsi, l’idée d’une

identité commune est très aléatoire.

I.2.1.4 Croyances diolas

Les religions traditionnelles diolas sont monothéistes

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, contrairement, à l’idée

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