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Le parcours migratoire et l’aboutissement ou non du projet migratoire interpellent plus d’un, puisqu’ils interviennent dans tout rassemblement

La difficile cohabitation entre ces personnes dans un contexte migratoire peut

s’expliquer aisément, ayant hérité d’une culture qui ne les prédispose pas à la mixité. Les

grands événements qui sont aussi des moments de retrouvailles entre les migrants diolas

permettent d’observer les interactions entre ces populations.

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I.3.7 Rites d’intégration, prérogatives des femmes

Nous disions donc qu’être diola c’est depuis la naissance. Il y’a une reconnaissance

et acceptation dans la communauté, qui fait de chaque individu un membre de sa société.

Ne négligeons pas cependant l’acceptation de l’individu. Nous verrons que c’est un facteur

important surtout pour les diolas qui sont nés en contexte migratoire, fut ce en Europe ou

même dans les autres régions du Sénégal. Il ne suffit plus de naître diola, il faut aussi

accepter d’être de ce groupe. C’est dire qu’on ne nait pas diola, on le devient, et on

apprend à l’être de la même façon qu’on ne nait pas femme, on le devient, pour reprendre

les propos de Simone de Beauvoir

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. Cela est d’autant plus vrai quand on est loin du

territoire diola, et donc des outils locaux de construction identitaire diola.

Chaque communauté a ses rites d’intégration. C’est aussi le cas chez les diolas.

Nous avons suivi certaines de ces procédures dans les organisations lors des

grandes cérémonies qui rythment la vie familiale en France.

I.3.8 La naissance

La première étape est, nous le pensons, la naissance. C’est sûrement le cas, pour

beaucoup de cultures. Il nous aurait été peut-être possible de remonter cette reconnaissance

lors de la conception ou encore à partir du moment où la future mère se rend compte de son

état. Mais la pertinence des rites liés à la naissance a perduré dans le temps et nous

semblent plus parlant à l’heure actuelle. Les rites se sont édulcorés à la faveur du temps et

la distance d’avec le pays d’origine qu’impose la migration. Toutefois, il importe de

souligner que, quel que soit le moment choisi, la naissance ou la grossesse, reste dévolue

aux femmes du patrilignage. La maternité est un domaine réservé aux femmes.

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A la naissance d’un individu, ses tantes l’introduisent rituellement dans le

patrilignage, et ce quel que soit les convictions religieuses des parents. Il serait plus

adéquat de dire que l’individu est accepté comme un membre du patrilignage. Cette partie

qui consacre la « diolaité » du nouveau venu est très importante. En contexte migratoire, il

arrive que pour des raisons liées à la distance, l’on prenne une femme se rapprochant du

lignage pour officier lors de la cérémonie d’acceptation du nouveau-né. Nous verrons ici

l’importance des nouvelles associations liées au patronyme. Ces nouvelles formes de

regroupement appelées « jamoral » vont palier à l’absence de famille dans certains cas. Le

terme utilisé « filaf » pour les désigner insiste sur l’appartenance à une filiation commune,

et en appelle à l’origine des membres qui seraient issues d’une même famille au départ. En

effet, avec la distance d’avec le lieu d’origine et donc du groupe de départ, la famille est

réinventée, et de nouveaux liens se créent à la faveur de l’immigration.

Plus qu’un terme, « filaf » est un concept qui fait directement appel à la filiation.

Nous retrouverons d’ailleurs cette philosophie de la filiation dans des associations reposant

sur le nom de famille et donc la généalogie en France.

Cette fonction des femmes va au-delà des religions. Ce qui nous permet d’avancer

que c’est une tradition typiquement diola. Le statut des femmes en milieu diola est assez

complexe.

Prenons le cas d’une famille diola musulmane. Lors du baptême, c’est une ariman,

cousine du patrilignage du père de l’enfant qui porte le nouveau-né dans ses bras, lors de

l’imposition du nom. Il ne s’agit donc nullement de la mère, ni d’un quelconque membre

de sa famille. L’enfant appartient au père. Il est donc normal que ce soit ses « asom »

tantes paternelles qui l’accueillent dans la famille. Mais il est difficile de comprendre si

l’on ne se réfère pas au système de parenté tel qu’il est pensé chez les diolas.

La filiation chez les diolas est la base de la parenté. C’est peut-être le cas pour la

plupart des sociétés. Nous allons néanmoins analyser celle de la communauté diola. Il faut

déjà définir la notion de « ariman » ou belle-sœur. Le terme générique « kuriman » désigne

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l’ensemble des femmes du patrilignage. Le terme le plus globalisant, « furimanaf » va plus

loin et intègre au-delà des femmes, les fonctions et les droits et devoirs de ces femmes. Au

sein de cette catégorie de personnes dans la famille, il y’a une catégorisation selon la

parenté, qui sépare les nièces, les petites filles et les tantes. C’est donc la tante paternelle

du nouveau-né qui le porte dans ses bras, lors de son baptême. Ce n’est presque jamais la

sœur du père, mais une cousine de la même concession, « fankaf

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», qui joue le rôle de

marraine de l’enfant. Dans les usages diolas, les parents les plus proches, comme les frères

ou les sœurs ne sont pas les plus visibles lors des grands événements comme les mariages

ou baptêmes. C’est une façon, de mettre en avant la grande entité qui compte le plus, la

concession, mais aussi de souligner l’importance du patrilignage, et donc de consolider les

liens qui unissent les membres du patrilignage. C’est peut-être une façon ausside prévenir

la subjectivité liée au fait qu’en tant que parents directs, on n’est souvent pas assez

objectif.

Il importe de distinguer « fankaf » la concession de « filaf

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» qui est la filiation. A

ce propos, il est intéressant de préciser que le mot « filaf » est construit à partir de « fil »

qui désigne le sein maternel. De là, à supposer que nous sommes en face d’une société qui,

bien que reconnue comme patriarcale et virilocale, repose sur la lignée maternelle. Nous

comprenons mieux la place qu’occupent les « kuriman

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» dans ce système de parenté.

D’autre part, nous ne pouvons pas ne pas penser à la parenté biologique que traduit « filaf »

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