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PARTIE IV : PRINCIPES, REALITES ET ENJEUX DE LA GOUVERNANCE

B- La société civile

La société civile dans cette étude sera essentiellement composée d’Organisations Non Gouvernementales nationales et internationales. Dans la gestion du risque environnemental au Gabon, les populations et les Organisation Non Gouvernementales (ONG) nationales notamment sont exclues dans les prises de décisions stratégiques, leurs avis, de manière générale, ne sont généralement pas pris en compte. Ces derniers en effet, sont souvent mis à l’écart dans le processus de décisions et leurs propositions n’influencent généralement pas celles prises au niveau national par l’Etat.

Aussi, concernant les Organisation Non Gouvernementales (ONG), est-il pour nous plus judicieux de faire une distinction entre les Organisations Non Gouvernementales nationales et celles internationales car, cette distinction est importante dans la mesure où le rapport de pouvoir n’est pas le même. Les Organisations Non Gouvernementales ONG internationales bénéficient d’une influence et d’une crédibilité plus importantes contrairement aux Organisations Non Gouvernementales nationales.

Les ONG nationales par contre éprouvent des difficultés à s’affirmer en tant qu’acteurs crédibles dans la gestion du risque environnemental au Gabon. L’insuffisance de moyens financiers, techniques et technologiques, ainsi qu’humains a une grande part de responsabilité dans cette situation. Il y a également le dénigrement dont font l’objet ces institutions de la part des responsables de l’Etat. Il n’est pas rare en effet de constater lors de la présentation au public par les autorités politiques, du choix d’un grand projet économique qui engage également l’avenir de l’environnement et des ressources naturelle du pays, de voir

par média interposés, s’installer un rapport de forces ouvert entre l’Etat et les Organisations Non Gouvernementales nationales et internationales.

Le cas le plus récent et le plus en vue date de ces dernières années et notamment de 2007 avec le projet de l’exploitation du gisement de fer de Belinga censé créer selon le Gouvernement, 26 850 emplois pour les nationaux, attribué à un groupement d’entreprises chinoises dont l’actionnaire de référence est la société CMEC. « En 2006, au Gabon, CVRD a été écarté du projet de l’exploitation de la mine de fer de Bélinga au profit de la société chinoise CMEC (China National Machinery and Equipement Import and Export Corporation) » (Lafargue, 2008, p. 145). Ce projet gigantesque avait porté sur la scène publique, comme jamais auparavant, le désaccord entre l’Etat et les Organisations Non Gouvernementales.

Il faut dire que l’exploitation du fer de Belinga obligeait la construction de plusieurs infrastructures portuaires, énergétiques, minières et ferroviaires (dont l’un des tronçons devait relier la périphérie de N’toum au futur port de Santa Clara situé au nord de Libreville). Ce qui supposait par conséquent d’énormes préjudices causés à l’environnement car, le projet n’était accompagné d’aucune étude d’impacts sur l’environnement, mais surtout que les dégâts environnementaux occasionnés par ce projet étaient entièrement pris en charge par le Gabon, si l’on en croit les protestations mises en avant par les Organisations Non Gouvernementales engagées dans ce combat.

En réponse à ces attaques, le Gouvernement, à travers certains Ministres de la République, avait tout d’abord rappelé l’illégalité de ces Organisation Non Gouvernementales du fait que leurs organisations ne reposaient sur aucun fondement juridique fiable. La législation sur les Organisation Non Gouvernementales date en effet de l’époque coloniale ce qui confère, de la part des autorités de l’Etat un statut bien particulier à ces Organisation Non Gouvernementales environnementales puisque datant d’un autre système politique n’ayant aujourd’hui rien à voir avec l’Etat gabonais. Leur « illégitimité » est d’ailleurs rappelée à chaque conflit ouvert par les autorités politiques qui, quant à elles, profitent de cette situation pour imposer leur point de vue.

Ensuite, les membres du Gouvernement impliqués dans le dossier Bélinga attribuaient l’existence de ces Organisations Non Gouvernementales environnementales à la cupidité de

leurs dirigeants, ne voulant pas passer à côté de la manne financière internationale que proposent les institutions internationales pour la protection de l’environnement. En outre, les Organisation Non Gouvernementales nationales ont été accusées de collaboration avec la France qui était quant à elle également, selon les suppositions de ces responsables, intéressée depuis longtemps par l’exploitation de ce gisement de fer qui lui est finalement « passé sous le nez ». Argument classique de l’ingérence de l’ancienne puissance coloniale. De 2007 à 2008, ce conflit s’est soldé par la suspension des activités de ces Organisations Non Gouvernementales et plus tard, par l’emprisonnement de certains de leurs membres constitutifs parmi lesquels se trouvait Monsieur Marc Ona Essangui, Président de l’ONG Brain-Forest.

Cet exemple vient parfaitement montrer où se situe le débat réel sur la gouvernance environnementale au Gabon. En effet, des actions en force visant à écarter les Organisations Non Gouvernementales des projets concernant l’environnement sont de plus en plus de coutume. Cela à été également le cas en 2008 lors de la révision du code de l’environnement. Cette révision qui a été attribué à un cabinet français Huglo Lepage & Associés Conseil n’a fait l’objet d’aucune concertation entre l’Etat, à travers le Ministère de l’Environnement, et la société civile, représentée par les Organisations Non Gouvernementales.

Nous illustrons nos propos par cette intervention sur la refonte de code de l’environnement, du Président de l’ONG Croissance Saine Environnement sur le sujet : « Je viens réagir à l'article que vous avez publiez sur la révision du code de l'environnement. En tant que ONG environnementale gabonaise qui sait à peu près quelques lacunes de cette loi, je viens dire que c'est bien de réviser une loi, mais il est inutile d'avoir une nouvelle orientation de la loi, alors que la première n'a pas joué son rôle. Aujourd’hui croissance saine est en train d'organiser un atelier de lancement de l'initiative d'accès de la société civile à l'information, à la justice et à la participation du public dans la prise de décisions. Nous voyons que le Ministère de l'Environnement a signé une convention sans pourtant travailler en amont avec tous les acteurs impliqués pour avoir leurs points de vue. Le problème n'est pas la loi, mais ceux qui la détiennent et qui ne la comprennent même pas pour faire d'elle un instrument utile pour la conservation et le développement durable. Nous sommes des parties

prenantes et nous disons que cette manière de faire sans consultation nous ramène à la non bonne gouvernance des lois au Gabon »35.

Dans le cas de la gestion du risque environnementale dans la zone de N’toum, nous ne retiendrons que quelques organisations non gouvernementale comme acteur de cette gestion, à savoir l’ONG Croissance Saine Environnement ou encore Brain-Forest susceptibles par leurs activités au niveau national de faire partie des acteurs impliqués. En effet, comme nous pouvons le voir dans le tableau ci-dessus, il existe plusieurs Organisations Non Gouvernementales, mais la plupart de ces ONG, interviennent uniquement dans le domaine de la biodiversité (faune et flore), ce qui ne laisse pas beaucoup de choix dans le domaine de la pollution par les industries.

Les autres Organisations Non Gouvernementales ONG intervenant dans les problèmes de pollution ne seront mentionnées que très rarement dans notre étude puisque leur influence au niveau national est moindre. Cela s’explique par le manque de moyens financiers, techniques et humains rencontré par ces institutions, source de difficultés organisationnelles. D’où le fait, parfois, que le siège de ces Organisations Non Gouvernementales soit confondu généralement avec le domicile du responsable.

Tableau 24 : Statut des ONG intervenant dans le domaine de l’environnement biodiversité

désignation Statut Domaines d’intervention Niveau

d’organisation WWF International Forêts, formation, aires protégées,

recherche, sensibilisation, renforcement des capacités des O.N.G. locales, etc.

très bon

WCS international Forêt, parcs nationaux, recherche, sensibilisation, formation.

très bon SmithSonian international Aires protégées, formation, recherche,

sensibilisation, renforcement institutionnel.

très bon

Brain Forest local Aires protégées forêts, sensibilisation, formation, etc.

bon Croissance Saine

Environnement

local Information, sensibilisation etc. bon CIAJE local Pollutions et nuisances, biodiversité et

implication des populations locales et autochtones.

faible

Aventures Sans Frontières

local Etude sur les tortues marines, aires protégées formation, sensibilisation, etc.

bon

EDEN local Pollution et nuisances, sensibilisation,

foresterie, PFNL

faible Forêt

Développement

local Agro foresterie, formation, foresterie, aires protégées, sensibilisation

faible

Source : Agence Internationale pour le Développement de l’Information Environnementale (ADIE)

* Très bon : l’institution dispose d’un siège, de moyens financiers et matériels appropriés ainsi que d’un personnel permanent ;

** Bon : l’ONG dispose au moins d’un siège ; ***Faible : l’ONG ne dispose pas de siège.

Concernant l’implantation des Organisations Non Gouvernementales dans la zone de N’toum, nous dirons qu’actuellement il n’existe aucune institution à proprement déclarée dans la lutte contre le risque environnemental. Les Organisations Non Gouvernementales ont en effet du mal à s’implanter en dehors de la capitale politique du pays.

L’absence de moyens financiers notamment, l’inexistence de structure d’accueil et l’isolement que représente l’intérieur du pays contrairement à Libreville peuvent être quelques causes à ce renoncement. Il existe cependant de temps en temps quelques actions ponctuelles des Organisation Non Gouvernementales implantées à Libreville en cas de constat d’infraction au code de l’environnement généralement formulés sous la forme de dénonciation dans les journaux spécialisés.

Enfin, il est à noter que les ONG reçoivent de la part de l’État une allocation annuelle qui ne dépasse pas deux millions de FCFA, ce qui est d’ailleurs décrié par les responsables de ces organisations comme étant très insuffisant pour subvenir aux besoins de ces structures. Nicaise Moulombi, Directeur de Croissance Saine Environnement parle de manque de considération de la part l’État des associations de défense de l’environnement. L’allocation de l’État ne peut en effet à elle seule couvrir les dépenses de fonctionnement de ces organisations notamment en ce qui concerne les charges de loyer et les charges salariales pour ne citer que celles-là. Cette situation fragilise ces acteurs de la gestion environnementale car elle renforce la dépendance de ces derniers vis-à-vis de l’État.