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PARTIE I : APPROCHE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

D- Problématique : le modèle participatif comme alternative à une gestion anarchique du

2- La double imposition du modèle participatif au Gabon

La première imposition, celle relevant du niveau international vient des Bailleurs de fonds. Cette imposition consiste à contraindre l’Etat gabonais à adopter une politique environnementale basée sur les principes de gestion véhiculés par ces organismes internationaux. Il s’agit pour ces instances internationales d’asseoir le principe de gestion participative, par l’élaboration des grandes lignes de la politique environnementale et l’adoption par le Gabon de cette politique ainsi élaborée.

Ainsi, à travers les notions de bonne gouvernance, de participation, de développement local et de décentralisation notamment véhiculées dans le domaine environnemental ces dernières années au travers de différentes lois et règlements, conférence… la gouvernance

environnementale des instances internationales a su trouver sa place dans la politique nationale. A ce stade de la politique environnementale, la gouvernance est imposée, car, c’est une idée extérieure, pensée par les instances internationales et véhiculée par elles.

Au niveau de l’Etat, elle se présente comme une contrainte, car, le non suivi de la politique par l’Etat est accompagné de menaces de sanctions. La sanction la plus probante, nous l’avons dit est l’arrêt des subventions accordées au pays ; cette épée de Damoclès constamment présente contraint ainsi l’Etat à se plier aux exigences internationales.

La seconde imposition vient remettre en cause de manière officieuse, mais dans les faits, cette politique de gestion participative dictée par les organismes internationaux. Cette imposition émane de l’Etat dans sa politique environnementale nationale qui, de par sa volonté de croissance économique, et d’assurance aux populations de bien être social entre autre, rend la politique environnementale flexible selon les besoins et les acteurs en présence. Ce qui entraîne un écart entre la théorie nationale de la gouvernance environnementale et sa pratique.

Cette double casquette est portée essentiellement par l’Etat, garant de la politique environnementale qui dans la poursuite de ses intérêts personnels (financier et économique d’un côté comme de l’autre), joue finalement un double rôle dans la gouvernance environnementale au Gabon. D’aucun dirait dans ce cas que l’Etat présente les deux faces de Janus car ce pays est en effet partagé entre deux objectifs économiques contradictoires.

D’un côté, l’Etat gabonais s’est lancé avec entrain dans la protection de l’environnement parce que tout d’abord l’environnement est un domaine sensible du développement durable qui mérite une attention particulière. La participation de ce pays aux nombreux sommets et conférences de par le monde le prouve à suffisance.

Ensuite, cet intérêt grandissant pour la préservation de l’environnement est boosté par des initiatives comme l’écotourisme, qui présentent un bel avenir à côté duquel, il ne faut pas passer. En effet, il ne faut pas le nier, les subventions qui y sont accordées par les bailleurs de fonds notamment, sont un apport de financement non négligeable pour le pays.

D’autre part, dans un besoin de rebondir à l’après pétrole qui, il faut l’avouer est une énorme hantise au Gabon, l’Etat est aux meilleurs soins des entreprises telles que CIMGABON, qui peuvent à la longue, soutenir cette probable perte de croissance économique future. Perte causée à la longue par l’épuisement de la ressource pétrolière notamment, et susceptible d’entrainer une forte baisse de la production économique nationale. La réponse de l’Etat à cette situation est : une valorisation de la production économique au détriment de la gestion environnementale par un soutien inconditionnel à des entreprises telles que CIMGABON.

Le premier soutien consiste à laisser libre cours à la production industrielle de CIMGABON (absence de contrôle, absence de suivi des activités de l’entreprise). Le second soutien concerne la non attribution de moyens organisationnels, institutionnels, financiers, humains aux les autorités locales et le sentiment de chasse gardée entretenue par l’Etat au niveau national sur l’entreprise CIMGABON. Il semble donc exister entre l’Etat et CIMGABON, une sorte de « paternalisme »12 économique non favorable à la protection de l’environnement dans la zone de N’toum.

Le soutien sans cesse croissant de l’Etat aux entreprises en général et à CIMGABON en particulier peut trouver une part d’explication dans le fait que de plus en plus de pays en développement voient en cette manière d’imposer la gestion des ressources naturelles - sous prétexte d’arguments tels que le réchauffement climatique, la désertification ou encore le trou dans la couche d’ozone etc.- une façon pour les pays développés d’empêcher leur développement et donc, de garder une suprématie économique, financière… qui, quant à elle s’étiole au fil du temps. Ainsi, arguments certes justifiés et indispensables si l’on se réfère à l’avis des scientifiques et des experts de plusieurs domaines scientifiques, la gestion de la dégradation de l’environnement par les industries devient contraignante pour ces pays en voie de développement.

Cette idée s’est particulièrement confirmée lors de la conférence de Copenhague qui s’est tenue du 7 au 18 décembre 2009 avec des présidents de la République tel que Hugo

12 Selon le Dictionnaire Larousse en ligne, le paternalisme au sens premier est un comportement, une attitude

consistant à maintenir un rapport de dépendance ou de subordination tout en lui donnant une valeur affective à l'image des relations familiales. Dans le cadre de notre étude, l’Etat devient comme un père pour l’entreprise, un père qui protège son enfant. Cette image se lit également dans le sceau de la République qui représente une « maternité allaitante », et donc une mère qui allaite son enfant.

Chavez lorsque celui-ci a affirmé lors de son discours qui allait dans le sens de celui de la Chine, du Brésil, de l’Inde et de la Bolivie etc. que : « ce que nous vivons sur cette planète, c’est une dictature impériale (…), et ce que nous voyons ici, est le reflet de cela : l’exclusion ! Il y a un groupe de pays qui se croit supérieur à nous, ceux du Sud, à nous ceux du Tiers- monde, à nous, les sous-développés ou comme le dit le grand ami Eduardo Galeano : nous les pays à la remorque comme tirés par un train tout au long de l’histoire »13. Hugo Chavez a poursuivit son exposé en affirmant que : « sans aucun doute la raison14 est l’attitude irresponsable et le manque de volonté politique des nations les plus puissantes de la planète ».

Se trouve donc là, un rapport de forces qui ne dit pas son nom entre d’une part les pays sous-développés et d’autre part les pays développés. Ce rapport de forces peut-être transposé au Gabon sur la scène nationale, avec, d’une part, l’Etat et, d’autre part, les institutions financières internationales.

Par ailleurs, le problème de gouvernance environnementale au Gabon cache une autre réalité peu visible de prime abord, mais non moins présente : l’existence du rapport de forces entre le centre et la périphérie. La décentralisation à toujours été boudée au Gabon en tant que transfert de pouvoir et, dans ce pays très peu démocratique, la résistance de l’Etat à la décentralisation correspond donc à un désir de conservation de ce pouvoir.

D’ailleurs dans le cadre de la loi sur la décentralisation comme celle sur le code de l’environnement, il est important de faire remarquer que ces deux textes qui ont été promulgués dans les années 1990 éprouvent certaines difficultés dans leur mise en application effective.

Le code de l’environnement a été rendu public en 1992 tandis que la loi sur la décentralisation a été décrétée en 1996. La particularité commune à ces deux lois vient du fait que dans les années 2000, on assiste à une remise en question de ces textes législatifs conduisant à une révision de leur contenu. Si bien qu’actuellement, la première a été adoptée

13 Discours du Président Hugo Chavez le 16 décembre 2009 à Copenhague, président de la République

bolivarienne du Venezuela. .

récemment le 13 septembre 2010 et la seconde par contre, est toujours en attente d’une refonte.

L’abrogation des textes législatifs pour une amélioration de ceux-ci, cache un profond malaise dans la gouvernance environnementale au Gabon. Elle dévoile en effet l’inadaptation des textes législatifs au contexte environnemental et local actuel, mais elle peut aussi être révélatrice de la détermination de l’Etat à montrer à la communauté internationale son engagement à effectuer des changements significatifs dans sa manière d’aborder le développement. Elle pourrait encore être le signe de l’échec d’appropriation par ce pays des politiques venues d’ailleurs et qui ont tant fait débattre les auteurs et décideurs qui se sont penchées sur la question.

On s’aperçoit dans cette étude que si, au niveau national, il y a une volonté d’application de la politique internationale, cette volonté occulte plusieurs réalités qui font en sorte que le niveau local soit laissé pour compte par le niveau national, malgré le fait qu’il constitue, tout compte fait, le principal fer de lance de cette politique. Vu sous cet angle, il apparaît que l’Etat adopte une politique à double face, selon que ce dernier a affaire à un interlocuteur international ou national.

Cette observation amène à nous interroger sur la gouvernance au Gabon, et plus précisément la gouvernance environnementale. Comment s’organise et s’opère-t-elle au Gabon ? Qui sont les différents acteurs de cette gouvernance environnementale ? Quels sont les moyens détenus par ces derniers pour mener à bien leurs actions ? Quels sont les principaux enjeux qui en découlent, dans la zone de Ntoum notamment ? Les méthodes participatives de gestion environnementale au Gabon, sous la direction des instances internationales ont-elles favorisé, depuis leur adoption, une meilleure prise en compte du risque environnemental par les acteurs qui y sont directement concernés ? Avec le principe de gouvernance, les actions dans le domaine environnemental au Gabon sont-elles désormais prises en considération contrairement aux politiques précédentes ? Quelles sont les réalisations accomplies dans ce domaine depuis que la stratégie à été lancée ? Mais aussi quels sont les insuccès enregistrés ?