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PARTIE I : APPROCHE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

G- La transaction sociale comme cadre d’analyse

Une recherche en sociologie sur le risque environnemental suppose que nous construisions notre argumentation autour d’un ou de plusieurs modèles théoriques. A cet effet, nous avons choisi la transaction sociale comme cadre théorique préférentiel pour cette étude.

La transaction sociale viendra ainsi en appui à notre à notre argumentaire. L’approche transactionnelle par ses outils d’analyse nous permet d’appréhender l’action non seulement collective, mais aussi individuelle à travers les pratiques des acteurs. Elle est, selon Jean Rémy, Liliane Voyé et Emile Servais (1978, p. 87) : « l’image de base à partir de laquelle s’imagine une interprétation de la réalité ».

Ainsi, loin d’être obsolète, le paradigme de la transaction sociale est plus que jamais pertinent comme matrice de questions qui oriente le regard du chercheur vers les paradoxes, les oppositions structurantes, la coopération conflictuelle, les compromis pratiques provisoires, les arrangements informels, etc. (Blanc, 2009). Ce concept analytique permet en effet d’avoir une grille de lecture du social à partir des notions d’échange, de négociations et de conflits et, contribue à mettre en lumière les relations entretenues par les différents acteurs sous la forme d’arrangement, d’accommodement ou de tactiques. Il admet l’analyse des compromis pratiques précaires et qui s’élaborent entre les diverses parties en présence de manière officielle ou officieuse selon le genre d’accord qui est mis ou pas sur la table de négociation.

D’un côté, la transaction sociale se veut d’interpréter le fait social par la compréhension et l’explication de la logique qui sous-tend les rapports entre l’acteur et le système. Et plus précisément elle nous permet de mettre en évidence les articulations possibles existant entre la liberté de l’acteur et les contraintes du système. Cela est rendu possible par le fait que la transaction sociale met en exergue l’individu, à la fois acteur et agi, ce que ne manque pas de rappeler Maurice Blanc lorsqu’il affirme que : « si l’on admet que les hommes et les femmes produise la société et sont en même temps produit par elle, on les considère à la fois comme acteurs et sujets passifs de leur vie commune » (Blanc, 1994, p. 261).

Le principal intérêt dans cette étude, c’est que la transaction nous explique Maurice Blanc, s’accommode parfaitement avec le concept de gouvernance. Pour ce dernier :

« En s’inspirant de Niklas Luhmann, Voyé (1992) a montré que, le consensus réel étant bien difficile à atteindre, de nombreuses transactions se contentent d’un « consensus supposé », ce que l’on constate dans la concertation, ou encore dans la gouvernance. Cette dernière est une notion à la mode et elle est présentée comme une avancée démocratique : à la différence du gouvernement, il n’y aurait pas un seul acteur qui décide (le chef d’entreprise, l’État), mais une pluralité. La transaction sociale permet de construire un concept de gouvernance en se distanciant de la rhétorique. Il faut d’abord analyser les modalités de sélection des participants au cercle de la décision, ce qui permet de distinguer gouvernance élitiste (ou technocratique) et gouvernance participative ; il faut aussi analyser les rapports de force et les stratégies en présence. Le succès de la gouvernance renvoie bien à la difficulté de décider dans une situation d’incertitude. La gouvernance est un processus transactionnel entre de multiples acteurs, aboutissant à des compromis toujours provisoires, combinant les rapports de force et l’affectif ». (Blanc, 2009, Op. Cit.)

C’est dans ce sens que nous avons opté pour ce concept, car, la transaction sociale nous permettra de mieux appréhender la gouvernance environnementale à N’toum en particulier et au Gabon en général

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La transaction sociale est un outil d’analyse qui cadre avec notre étude sur les enjeux de la gestion du risque environnementale au Gabon dans la mesure où, selon Marc Mormont : « La perspective de la transaction peut contribuer à définir une approche des incertitudes, spécialement si on met en avant le rôle des engagements dans leur réduction ; mais ces engagement suppose des dispositifs institutionnels capable d’impliquer des agents dans un jeu social dont les limites restent toujours ouvertes. » (Mormont, 1994, p. 209).

Déjà mobilisé par diverses études sociologiques portant sur les pays du Sud par exemple (Blanc et al, 1994 ; Gibout, 2008 ; Stoessel-Ritz et al, 2012), la transaction sociale est le cadre théorique que nous avons trouvé approprié pour cette étude car :

« phénomène diffus et continu, non nécessairement explicite dans ses objectifs, et ses procédures, et non pleinement conscient chez ses acteurs, la transaction est une modalité du rapport social par laquelle des acteurs concernés par un enjeu médiatisé par un objet commun développent des intérêts qui sont partiellement complémentaires, mais aussi partiellement opposés, chacun s’efforçant de faire valoir son point de vue et d’atteindre ses objectifs : pour ce faire, ils opèrent, la plupart du temps, implicitement, une sorte de calcul coûts/bénéfices qui intègre l’appréciation de celles de leurs propres ressources qu’ils considèrent comme des atouts dans la relation concernée, la prise en compte des ressources/atouts supputées des partenaires et l’évaluation des effets attendus des diverses issues possibles de la relation qu’ils sont aptes à imaginer » (Voyé, 1992, p. 195).

Cette définition faite par Liliane Voyé nous emmène à voir que la transaction sociale comme concept analytique accorde une importance aux acteurs pris dans une logique de jeu social. Pour Gérard Vautrin: « une théorie de la transaction implique donc la théorisation d’une dynamique sociale qui puisse analyser les effets multiples des pratiques mises en œuvre sur le territoire et voir comment les acteurs finissent par transiger, afin d’établir par la recherche d’une solution négociée et calculée un système de rapport durable » (1992, p. 261).

Elle permet notamment de mettre en lumière les interactions des différents acteurs impliqués, les rapports entretenus par ces derniers et que l’on retrouve généralement sous deux ordres : la négociation et l’imposition : « les deux modalités essentielles de la transaction sociale» selon Jean Rémy (Blanc, 1992, p. 9). La pluralité d’acteurs que suppose la gouvernance environnementale au Gabon, mais surtout le regroupement de ces acteurs autour d’un objectif comment, à savoir : la gouvernance environnementale, avec les jeux et

les stratégies d’acteurs que nous avons énoncés brièvement plus haut s’accommodent, somme toute, avec la théorie de la transaction sociale.

En effet, selon Christophe Gibout, faisant référence à la transaction sociale : « Elle invite à ne pas nécessairement spéculer en termes d’équilibre ou d’harmonie. Au contraire, elle engage à réfléchir en termes de combinatoire de négociation et d’imposition, d’autonomie et d’interdépendances, en termes de dynamique relationnelle, de compositions et de recompositions permanentes des formes du lien social institué, en termes de va-et-vient permanent entre la proximité et la distance dans l’entre-deux des acteurs sociétaux » (Gibout, 2009, p. 159). C’est à travers le concept de négociation conflictuelle que la transaction sociale nous intéresse particulièrement car il permet d’analyser le jeu d’acteurs de prime abord opposés dans leurs objectifs individuels mais qui doivent cependant conjuguer les uns avec les autres autour d’un projet collectif.

A travers les concepts de négociation et d’imposition que nous avons mis en valeur, nous allons voir comment s’organisent la gouvernance environnementale dans la zone de Ntoum et comment cette forme de gouvernance est appréhendée et supportée par les acteurs. Nous allons particulièrement nous intéresser au concept d’imposition car : « la transaction opère aussi là où il y a désaccord des règles du jeu, éventuellement sous la forme de l’imposition » (Blanc, Op. Cit. p. 9)

Conclusion

Finalement, l’approche théorique et conceptuelle de la gestion du risque environnemental au Gabon, nous a permis de faire une revue de la littérature sur tout ce que suppose le risque environnemental (gestion, économie, dégradation, perception…). Ce qui nous a particulièrement permis de donner notre définition du risque environnemental et de montrer le basculement qui s’est effectué entre la gestion du risque environnemental et la gouvernance environnementale au Gabon, depuis les années 60 à nos jours.

A travers cette approche théorique et conceptuelle, nous avons également montré les ressemblances et les dissemblances entre les concepts de gouvernance et de décentralisation pour finalement donner notre définition de la gouvernance en générale, mais surtout de la gouvernance environnementale dans le cas particulier du Gabon. Notre problématique s’est

axée sur le rôle des acteurs dans la gestion du risque environnemental au Gabon, un accent spécifique à été mis sur le concept de participation que nous décortiqueront tout au long de ce travail de recherche. Cette problématique nous a conduits à opter pour trois hypothèses directrices et à emprunter la transaction sociale comme cadre privilégié d’analyse.

CHAPITRE 2 :CADRE METHODOLOGIQUE

Le risque lié aux pollutions est un objet difficilement appréhendable par les acteurs concernés par sa gestion au Gabon, notamment avec les faibles moyens techniques dont dispose le pays, il nous est apparu néanmoins utile de nous avancer dans ce domaine encore peu exploité dans la recherche universitaire au Gabon.

Par conséquent, si de nos jours il serait quasiment impossible de nous aventurer dans une recherche scientifique ex nihilo, notre recherche sera essentiellement basée sur les données d’enquête que nous aurons préalablement recueillies sur le terrain, mais aussi sur les travaux de recherche effectués in situ, et plus généralement au Gabon, sur les écrits des auteurs contemporains afin de nous enquérir de la situation de l’environnement dans le monde (pays pauvres, pays riches). La triangulation, l’association de différentes méthodes, dans le cas de notre enquête, nous semble nécessaire et nous permettra d’appréhender au mieux notre recherche par la mise en évidence de plusieurs aspects de notre objet d’étude.

La recherche documentaire, les entretiens semi-directifs et l’observation participante sont donc les trois méthodes qualitatives que nous avons trouvé appropriées pour la collecte d’informations elles constituent par cette occasion, le socle méthodologique de ce travail.

La commune de Ntoum n’est pas le seul lieu ou nous avons mené nos enquêtes. Afin de cerner la logique de gestion du risque environnemental dans cette zone du Gabon particulièrement, il nous a fallu nous rendre à Libreville, capitale du Gabon où se trouvent certaines administrations telles que le Ministère de l’Environnement, le Ministère des Mines et du Pétrole, le Ministère de la Planification, le Centre National Anti-Pollution… nous nous sommes également rapproché des institutions telles que les O.N.G, et les organismes de presse mais aussi de certaines bibliothèques.