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Le modèle participatif au Gabon : de l’international au local

PARTIE I : APPROCHE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

D- Problématique : le modèle participatif comme alternative à une gestion anarchique du

1- Le modèle participatif au Gabon : de l’international au local

Lorsque l’on prête attention aux définitions de Jean-Pierre Gaudin et de Philippe Moreau Defarges précédemment dévoilées sur la gouvernance, cela donne à penser que celle- ci s’effectue toujours dans un cadre de négociation. Or, au Gabon, eu égard aux informations que nous avons recueillies tout au long de cette recherche, la gouvernance telles que prônées par les institutions internationales et adoptée au niveau national inclut certes des procédures d’interaction et de négociation, mais elle inclut également des procédures d’imposition. Ce qui nous pousse à examiner cette gouvernance à l’aide de la transaction sociale. (Blanc, 1999 ; Gibout 2009).

Si on examine de près la gouvernance environnementale au Gabon, on remarque qu’il y a trois niveaux d’exécution de la politique de gestion environnementale : le niveau international, le niveau national et le niveau local.

Schéma 1 : La politique environnementale : de l’international au local

Source : Diane Bignoumba, 2009 a- Le niveau international

Le niveau international constitue également le premier plan d’agissement de la politique environnemental. On y retrouve les bailleurs de fonds, principaux initiateurs de la gouvernance environnementale. Ces bailleurs de fonds, que nous avons énumérés plus haut, avec la logique actuelle d’une mondialisation de la gestion de l’environnement contribuent à promouvoir des slogans tels que « penser globalement, agir localement ». Il y a comme une uniformisation des pratiques environnementales véhiculées par ces instances internationales. On peut en effet constater qu’au Congo et au Cameroun, c’est la même politique de gestion environnementale, basée sur la participation qui est véhiculée.

Ces bailleurs de fonds qui ont favorisé l’érection de plusieurs sites du Gabon au rang de patrimoine mondial de l’humanité imposent une sorte de diktat aux pays du globe en général et aux pays en développement en particulier quant à la gestion des ressources naturelles. En effet, sous la menace de la suppression de l’aide internationale au développement, ces institutions exigent de l’Etat, une manière de gérer les problèmes d’environnement à travers notamment les principes de bonne gouvernance (dont l’assainissement des finances publiques est la clé de voûte), de décentralisation et de gestion participative.

International (bailleurs de fonds)

National (Etat, société civile, entreprise…)

La gestion participative quant à elle, est un des concepts phares des instances internationales. Elle implique la contribution de l’ensemble des acteurs concernés à la gestion de l’environnement. Cela inclut donc la prise en compte des acteurs autrefois mis à l’écart par l’Etat tels que la société civile par le biais des Organisations non gouvernementales (O.N.G.), les collectivités locales etc.

En ce qui concerne la décentralisation, Le Bris et Paulais affirme qu’: « elle s’est diffusée de façon extensive au cours des dernières décennies sous le triple effet de la diffusion économique et culturelle d’un modèle (celui de la bonne gouvernance), des pressions politiques de la communauté internationale et du fait qu’elle a figuré comme l’une des conditionnalités de l’aide au développement » (Le Bris et Paulais, 2007, p. 21). Les auteurs confirment leur propos en ajoutant que : « L’aide française a, pour sa part, fait de la décentralisation un de ses axes majeurs depuis plus de quinze ans » (ibid).

La bonne gouvernance a été vue par les Bailleurs de fonds comme une nécessité nationale au Gabon, notamment dans les années 1990 où, la forte centralisation du pouvoir a entrainé de nombreux biais dans la gestion des finances publiques. « Le mouvement des idées des années 1990 correspond à une évolution des pratiques et des politiques de développement, qui s’est traduite par des incursions de plus en plus explicites des organisations d’aide bilatérales, mais surtout multilatérales, dans le champ des institutions » (Meisel, 2009, p. 187).

La bonne gouvernance passe nécessairement par une réorganisation de l’Etat afin de rendre concrète, la séparation des pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. Cela suppose une répartition plus juste des fruits de la croissance, la mise en place d’une société civile efficace, l’assainissement des finances publiques, l’encouragement à l’initiative privée…

La mise en place par l’Etat des structures institutionnelles, législatives et institutionnelles, mais surtout la pluralité d’acteurs admise désormais dans la gestion du risque environnemental, constituent autant de gages envers ces institutions internationales. De ce fait, il résulte que l’Etat, sous peine de sanctions dont la plus probante est la cessation de financement, est soumis aux conditions et exigences des organismes internationaux.

Ainsi, comme la démontré Jean-Claude Nguinguiri dans son rapport, le recours aux approches participatives : « correspondrait (…) selon plusieurs responsables des eaux et forêts, à une obligation de s’adapter au discours des organisations internationales et à un moyen de se prémunir contre leur réaction dans le contexte de l’aide internationale au développement » (Nguinguiri, 1999, p. 1). Toutefois, ne serait-ce pas cette obligation de se conformer aux exigences des instances internationales, au risque de se voir retirer l’aide internationale, qui serait en grande partie responsable de l’ineffectivité de la gestion du risque environnementale ? Cette question qui semble de prime à bord incongrue mériterait un intérêt pour le chercheur que nous sommes.

En effet, le souci de plaire aux bailleurs de fonds pour pouvoir recueillir des financements peut être vu comme une situation très dangereuse pour la protection de l’environnement au Gabon, dans la mesure où les actions participatives menées contre le risque environnemental deviennent, dans ce cas précis, des faire-valoir, des gages présentés à ces institutions internationales sans souci de leur utilité réelle. D’où le danger d’aboutir à des politiques mises en place sans réflexion aucune, sans prise en compte de la réalité locale. Ce qui peut arriver au même résultat que les plans d’ajustement structurels mis en place des années auparavant.

Ainsi, de même que l’Afrique a eu à une époque de son histoire les « éléphants blancs » matérialisés par de grandes réalisations très onéreuses, mais qui finalement se sont avérées inutiles du fait de l’inachèvement de ces infrastructures, de même, il n’est pas à se demander si des concepts tels que gouvernance, décentralisation et participation ne sont pas entrain de devenir « des éléphants blancs idéologiques » qui finalement n’auront pas d’impact réelle sur les populations et l’environnement. Ce qui peut expliquer le fait que toutes ces idéologies se heurtent fréquemment à une sorte d’ « incompréhension » au niveau local.

Selon les recommandations des bailleurs de fonds, l’application de la gouvernance environnementale devrait donner des échanges entre les différents niveaux hiérarchiques que nous avons pour les plus importants essayé de matérialisés dans le schéma ci-dessous.

Schéma 2 : La gouvernance environnementale telle que voulue par les bailleurs de fonds

Source : Diane Bignoumba, 2010. a- Le niveau national

Le niveau national, pour sa part, est constitué de l’Etat et de ses co-gestionnaires dans le domaine de risque environnemental. On y retrouve, en dehors de l’Etat, les ONG, les entreprises, etc. Mais c’est d’abord l’Etat et lui seul qui décide de la politique à mener et permet aux autres acteurs de soutenir, ou non, cette politique.

Lorsque nous portons attention à la politique nationale en matière d’environnement au Gabon, nous remarquons que cette gouvernance environnementale est polarisée, puisqu’elle met en évidence certains acteurs (Etat, entreprise) par rapport à d’autres (populations, collectivités locales, O.N.G…). A ce niveau encore, l’imposition s’invite dans le processus décisionnel, puisque la mise à l’écart de certains acteurs est une manière pour les acteurs dominants (l’Etat et l’entreprise) de faire prévaloir leurs idées, leurs décisions au détriment de celles du reste des acteurs. Généralement, ceux qui pâtissent le plus de cette situation sont les populations locales. Sans vouloir les rendre victimes, la population locale manque d’informations par rapport à la position qu’elle doit avoir vis-à-vis de l’entreprises. La culture

International (Bailleurs de fonds)

Local (élus locaux) National (Etat) - Subventions - Politique générale - Décentralisation - Gouvernance (Participation) Moyens financiers, organisatio nnels, institutionn els… Mise en application locale de la Politique nationale

associative ou même le fait de porter plaintes contre l’entreprise CIMGABON, n’est pas la première solution optée par ces derniers. Ce qui laisse donc à l’entreprise, mais surtout à l’Etat, la libre entreprise dans les choix environnementaux du pays.

Dans le cas précis du Gabon, l’échelon que constitue l’Etat est en effet très important dans la prise de décisions concernant la gestion du risque environnemental. C’est en effet au niveau national que tout se décide et se joue. Comme nous le montrent Bernard Barraque (1995) et Laurent Lepage (2005). le processus décisionnel privilégié est le niveau national, plutôt que régional et local, au point de faire souvent primer «l'intérêt national» au détriment des intérêts régionaux et locaux et cela sans réelle concertation (Lepage, 2005). Actuellement, l’intérêt national se confond avec croissance économique, il est de fait, facile de deviner l’importance accordée au facteur environnemental dans ce pays! Cela ne doit cependant pas nous empêcher d’apprécier les efforts qui ont été faits dans ce domaine.

C’est en effet l’intérêt économique, mais surtout financier qui est privilégié, surtout actuellement où, CIMGABON connaît d’énormes difficultés de fonctionnement et donc de production, et à l’heure où, la concurrence est plus que présente et met de plus en plus à mal, cette entreprise. L’Etat use de paternalisme envers cette entreprise au point de ne pas regarder certaines exactions commises par elle. Une entreprise comme CIMGABON est en effet à protéger car, hormis la productivité, source de devises qu’elle apporte au pays, l’entreprise permet également la réalisation de plusieurs ouvrages par la construction de plusieurs édifices. CIMGABON est également un très gros employeur. Avec tous les effets d’entraînements qu’elle suppose. Création d’activité au niveau des autres entreprises telles que celle des chemins de fer et même les petits commerces vivant en grande partie à cause de la présence de CIMGABON.

c- Le niveau local

Le troisième niveau quant à lui, est l’échelon local. C’est « le niveau de l’action », si l’on reprend les propos de Béatrice Giblin (2001, p. 17) lorsqu’elle se réfère aux écologistes, car il permet non seulement l’expression de la démocratie en mettant en avant les acteurs directement concernés tels que les citoyens et leur capacité de mobilisation. Le niveau local est aussi l’endroit ou le rapport de force entre acteurs est visible et tangible. Au Gabon, le niveau local subit le plus souvent la politique imposée par les deux échelons supérieurs :

l’international et le national. Même si celle-ci, nous, le verrons plus bas est presque contradictoire selon l’acteur en présence.

L’échelon local, et donc N’toum pour ce qui concerne notre étude est particulièrement intéressant dans la mesure où il nous permet d’apprécier réellement in situ les efforts effectués quant à la régulation du risque environnemental, mais, il nous permet également de rencontrer les acteurs directement concernés par le risque dont il est question dans cette étude.

La double imposition mentionnée plus haut, handicapée de moyens d’accompagnement de la politique, justifie généralement de la part des acteurs locaux, une absence d’action et/ou de réaction par rapport au phénomène de risque environnemental. En conséquence, l’échelon local est généralement le palier de la fuite en avant. C’est fréquemment à ce niveau que les acteurs locaux brandissent l’ « inopérationnalité » des mesures prises aux niveaux national et international comme frein à la capacité d’action locale. Mais c’est aussi à ce niveau que la politique menée au niveau national se vérifie le mieux par son efficacité ou son inefficacité.

En somme, de l’international au local, la gouvernance environnementale au Gabon est empreinte d’une double imposition qui vient de ce fait mettre à mal les définitions de la gouvernance précédemment évoquées et, qui considèrent la gouvernance comme étant une action concertée, une négociation entre les parties concernées.