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La situation avant la mise en place d’une démarche modulaire

Partie III. Simplification de la diversité : Architecture modulaire

Chapitre 7. La modularité de Renault

1. La situation avant la mise en place d’une démarche modulaire

Organisation des processus de conception par famille

Historiquement, la diversification des produits est un des piliers de la stratégie de Renault. Au fil du temps, les directions du Groupe se sont donc organisées pour pouvoir développer une diversité très importante de produits. Les nombreuses synergies avec Nissan dans le cadre de l’Alliance soulignent la réelle capacité de Renault à gérer de façon structurée des diversités de produits et de composants très fortes.

La Direction de la R&D de Renault fonctionne donc avec une structure matricielle permettant un découpage très important entre chaque projet de famille de véhicules animé par une équipe dédiée et un découpage entre les équipes en charge de la conception des solutions techniques (cf. Figure 30). Au fil du temps, cette structuration a largement influencé les processus et les outils informatiques du Groupe à l’instar des systèmes de nomenclature décrits et théorisés dans la Partie II Chapitre 4 (p85) de cette thèse.

Figure 30 : Organisation projet de la Direction de la R&D Renault et responsabilité budgétaire avant la mise en place de la Conception Modulaire

Une quote-part des investissements des composants développés par l’équipe métier m est imputée à la famille f

environ 50 env iron 35 Famille 1 Famille 2 Famille 3 Famille 4 Famille f Famille F

Pour rendre gérable la diversité interne, les organisations comme les outils se sont largement appuyés sur la structure naturelle qu’offre le découpage en famille de produits. Ce découpage a eu pour conséquence de permettre une croissance forte de la diversité technique au fil du temps. L’autonomie donnée à chaque projet de famille associée à des logiques de conception à coût objectif (design to cost en anglais) dues à une pression toujours plus forte sur la rentabilité des projets, a eu tendance à favoriser des logiques d’optimisation locale par projet. Ces logiques d’optimisation ont permis lors de chaque conception d’une nouvelle famille de justifier des solutions fonctionnelles et/ou technologiques et/ou techniques particulières.

Le processus de conception se définit comme la traduction d’une définition commerciale de la diversité d’une famille de véhicules en une définition technique en composants à assembler. Ce processus est découpé en étapes, qui de manière progressive, permettent de passer d’une définition commerciale d’une diversité souhaitée à une définition fonctionnelle puis technologique puis technique de la diversité interne. À chaque étape, le nombre d’items à gérer est plus grand qu’à l’étape précédente parce que la maille de définition des items s’affine à mesure que le processus se déroule. Chaque étape de ce processus nécessite la réalisation de l’étape précédente mais elle peut aussi l’influencer à l’image des boucles de contrôle en automatique (cf. Figure 31). Le contrôle porte alors sur la faisabilité ou l’impact sur les coûts et/ou la qualité. Classiquement, ce processus de conception doublé d’un processus de validation ou de contrôle est représenté par un « V » dont la branche descendante représente le processus de définition alors que la branche ascendante représente le processus de validation. Aussi, ce processus peut se représenter comme une suite de boucles comme l’illustre le schéma suivant. Chaque boucle est un « mini V » comportant à la fois une phase de définition et une phase de validation. Cette organisation donne beaucoup de poids à l’équipe en charge d’un projet de famille de véhicules qui est animée par une vision commerciale de l’offre produits souhaitable. En effet, ce sont elles qui sont responsables du budget nécessaire à la mise sur le marché d’une nouvelle famille de produits. Ce type d’organisation a largement été mis en place dans l’industrie de masse à la fin du XXème siècle et visait à passer d’une conception poussées par les ingénieurs de conception à des projets tirés par le marché c’est à dire par le besoin client exprimé par les équipes de projet de famille de produits (orienté marketing et commerce donc).

Figure 31 : Représentation du Processus de conception

L’organisation en projet de la Direction de la R&D présentée ici pour les familles de véhicules existe aussi pour les familles de moteurs et de boîtes de vitesse. Ces systèmes font donc l’objet d’une organisation particulière car leur développement n’est pas lié qu’à une seule famille. Il existe donc aussi des équipes métiers et des familles dites « mécaniques » en plus de celles que nous avons évoquées dans ce paragraphe.

De la préexistence d’une forme de « modularité »

La diversité de produits finis propre à l’automobile a conduit depuis longtemps les entreprises à concevoir la diversité technique de composants par variante interchangeable. Cette façon de concevoir et de produire la diversité n’est pas propre à l’automobile. Elle permet d’offrir aux clients une grande diversité à partir d’un nombre restreint de composants. Les familles de produits sont d’ailleurs bien par définition des ensembles de produits très proches se différenciant seulement par quelques variantes de composants. Cette approche historique d’une forme de « modularité » a deux limites majeures. D’abord, l’interchangeabilité est ici permise à un niveau de nomenclature très fin : celui des composants alternatifs. Ensuite, la transversalité de ces CAs ne dépasse historiquement pas le périmètre d’une famille de produits. La

• Exprimer les attentes clients • Exprimer les attentes de l'entrerprise Définir la

stratégie produits

• Définir l'ensemble des attentes clés • Définir verbalement le niveau attendu Définir les

fonctionnalités

• Traduire les niveaux attendus en valeurs mesurables • Définir les contraintes majeures entre fonctionnalités Quantifier les

fonctionnalités

• Traduire les fonctionnalités en cahier des charges de fonctions techniques • Définir l'architecture macroscopique

Définir les fonctions techniques

• Concevoir les systèmes • Définir l'architecture locale Définir les

solutions techniques

standardisation était donc alors essentiellement à entendre au sein d’une famille donnée. La commonalisation n’est donc pas un concept complétement nouveau en automobile, mais « la première approche » était biaisée par le découpage en silos des processus, outils et budget offert par la structuration de l’organisation par projet de famille indépendant.

Face à l’augmentation du nombre de familles et de la complexité et donc du coût que génère la diversité interne, Renault a alors cherché des solutions pour sortir des logiques locales, particulières à chaque projet de famille. Depuis plusieurs années, un indicateur de standardisation tente de forcer les équipes responsables de la conception de famille de produits à améliorer la commonalité des composants avec les autres familles. En effet, à chaque projet est demandé un certain pourcentage de pièces « COCA » pour Carry-Over/Carry-Across c’est à dire de pièces trans-génération (standardisation dans le temps) et trans-gamme (standardisation entre les familles d’une même génération). Sans changement d’organisation, cet indicateur avait tendance à plafonner (20% de la valeur d’un véhicule avant la mise en place de la Conception Modulaire en 2009), freiné par l’indépendance budgétaire des projets de famille et par la difficulté à partager de l’information (ou à la récupérer dans les systèmes) de manière transversale.

En parallèle et toujours dans le même but, des démarches a posteriori d’analyse de la diversité de composants en usine ont été mises en place. Toujours d’actualité, les chantiers « Monosukuri » ont pour but de traquer la diversité inutile et déjà créée qui n’est pas ou que très peu demandée. Ainsi, ces projets cherchent à réduire la diversité technique interne des usines en proposant de réduire certaines combinaisons de PAs trop peu demandées, c’est-à-dire la diversité commerciale offerte aux clients mais quasiment jamais choisie. Ces études longues et complexes permettent de diminuer la diversité interne des usines mais cette diminution reste marginale.