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Organisation du processus de conception Renault

Partie III. Simplification de la diversité : Architecture modulaire

Chapitre 7. La modularité de Renault

3. Organisation du processus de conception Renault

Un processus de conception des modules transversal

Comme nous l’avons vu au paragraphe précédent, les équipes métiers de la Direction de la R&D sont responsables du découpage en modules, de leur nombre et du nombre de variantes pour chacun d’eux.

La relation client-fournisseur entre ces équipes métiers et les représentants des projets véhicules a été amoindrie. Ces équipes métiers, responsables de groupes fonctionnels (pour rappel, il y en a une cinquantaine), doivent toujours répondre au cahier des charges fonctionnel spécifié par le marketing mais ils sont aussi propriétaires du budget d’investissements historiquement rattaché au projet client (cf. Figure 32). La décision finale de l’application d’une variante de module sur un projet véhicule doit être validée par les ingénieurs de conception propriétaires et garants du budget et par les responsables du projet. Cette nouvelle distribution des rôles est un changement profond dans l’organisation de l’entreprise. Elle vise d’abord par le transfert du budget à donner plus de moyens aux métiers pour standardiser les Pièces entre projet. Ce transfert de budget permet aussi de faciliter l’innovation. Avant, le premier projet développant une nouvelle solution devait en supporter l’investissement dans sa totalité, aujourd’hui c’est le métier qui a alors à sa charge ensuite de la « vendre » aux projets de famille véhicules.

Figure 32 : Organisation projet de la Direction de la R&D Renault et responsabilité budgétaire après la mise en place de la Conception Modulaire

Pour sortir d’une logique en silos par projet, les modules doivent s’appuyer sur une vision transversale que l’organisation doit permettre. Il faut donc de nouveaux processus et instances de décision. La mise en place de cette nouvelle démarche est pilotée par une entité spécifique rattachée à la Direction de la R&D du Groupe. Afin d’accompagner les ingénieurs de conception dans cette vision, un certain nombre de règles et d’outils ont été mis en place. L’usage de règles d’entreprises permet à tous les métiers de s’impliquer dans la démarche. Ainsi, par exemple un module doit couvrir avec ses variantes à minima 80% de la gamme et 100% des futurs projets. Aussi, pour chaque groupe fonctionnel a été défini un ratio de Pièces devant appartenir à des modules (ce ratio faisant l’objet d’un indicateur pour les responsables de chacun de ces groupes fonctionnels). Ces deux règles permettent d’abord de forcer la création de modules et ensuite, d’y imposer une vision transversale à la gamme.

Une quote-part des investissements des composants du module k utilisé par les produits de la famille f est imputée à l’équipe métier m

environ 50 env iron 35

Famille 1

Famille 2

Famille 3

Famille 4

Famille f

Famille F

environ 200

De façon concrète, les équipes métiers en charge de la conception des Pièces sont chargées de proposer des périmètres de modules. Ces propositions font alors l’objet d’une pré-étude de faisabilité avec entre autres, des architectes d’intégration locale et des représentants des différents projets de véhicules. Si le module est retenu, démarre alors un processus de définition des solutions techniques à venir sur l’horizon des cinq ans avec la définition des évolutions, des choix de fournisseurs sachant les usines qui produisent et produiront les modèles. Ce processus démarre par la proposition de deux ou trois scénarii qui vont être comparés économiquement. Chaque scénario fait alors l’objet d’un chiffrage par toutes les Directions : R&D, Production, Achat, Logistique, Douane pour obtenir une estimation du TDC (Total Delivered Cost). Ce

TDC permet le calcul de la valeur actualisée nette (VAN) sur l’horizon des cinq ans de chaque

scénario. Tout ce processus est animé par des responsables dans les équipes de conception qui doivent régulièrement présenter leur avancement à l’équipe qui pilote la mise en place de la conception modulaire accompagnée de représentants des équipes projets en charge du développement des véhicules. La participation de ces derniers est essentielle car le métier qui propose un module doit s’assurer de l’utilisation dans tous les projets des solutions techniques qu’ils proposent. Ceci fait l’objet de nombreuses discussions puisque la mise en commun de variantes peut nuire localement à la performance économique et ou technique de certaines familles de produits. Le choix final d’un scénario est validé par la Direction de la R&D qui engage alors tous les métiers concepteurs sur leurs chiffrages TDC et les Directions des projets de familles de véhicules sur leur utilisation des variantes.

Une définition des modules contingente à l’organisation du

Département R&D

La définition du périmètre d’un module dépend en fait intimement de la répartition des fonctions au sein des métiers dans l’organisation puisque chaque proposition émane des équipes métiers de la Direction de la R&D. En effet, comme les modules sont proposés par les équipes métiers, ils se limitent à leur domaine de compétence. Ce choix s’avère très conservateur en termes de solution. De plus, cela aboutit à la définition de petits modules en grand nombre. L’absence de réflexion amont sur la standardisation des interfaces associée à des optimisations locales au sein des équipes métiers implique une dégradation de la performance globale de la définition des solutions techniques. En effet, parfois, l’utilisation de certaines variantes d’un module dans un projet peut demander un changement d’interfaces. Les composants reliés ne sont en général pas inclus dans le périmètre des équipes métiers en charge du module ou du

moins sous leur responsabilité en termes de budget. Ces équipes métiers ne sont donc pas responsabilisées lorsqu’elles proposent des interfaces non standardisées. Lorsqu’il s’agit d’interfaces entre deux modules, des instances de décisions peuvent arbitrer en choisissant la meilleure solution pour le Groupe. Lorsqu’il s’agit d’interfaces avec un composant ne faisant pas partie d’un module, la modification de l’interface est à négocier avec chaque équipe en charge d’un projet de famille de véhicules. Cela est donc source de coûts additionnels et d’une perte de temps dans la conception d’une famille de produits (re-conception, discussions itératives soit entre équipes métiers soit entre une équipe métier et les équipes projets, etc.). Parfois la modification d’interfaces conduit à développer des composants dits de jonction permettant de relier deux composants aux interfaces non compatibles. Ces composants de jonction sont générateurs d’une diversité supplémentaire qui peut d’ailleurs être source de difficulté en production notamment lors de la planification des besoins.

Dans les faits, pilotée par la Direction de la R&D, la démarche modulaire de Renault se focalise prioritairement sur la baisse des coûts de développement et n’exploite pas en production le formidable levier de la modularité. Ceci est accentué par un calcul de coût avec le TDC qui peut fait perdre de vue l’impact positif de la démarche sur le besoin en fonds de roulement en production et en logistique.

Aussi, c’est en s’intéressant concrètement de manière inductive à expliquer comment sont définis les modules que l’on comprend que la vision actuellement développée dépend aussi des véhicules ou des composants existants. En effet, les familles déjà développées avant la mise en place de la Conception Modulaire ne permettent généralement pas un changement radical d’organisation et d’architecture en proposant des composants déjà développés et déjà amortis. Ainsi, certains modules risquent d’avoir une diversité de composants sensiblement stable à court et moyen terme.

Chez Renault, la démarche modulaire ne se traduit donc pas par un changement de périmètre de travail mais par un changement de responsabilité doublé d’une mise à plat de la variété existante et à venir. Là où avant le concepteur devait répondre au besoin de chaque projet véhicule de manière isolée, il doit désormais définir simultanément les solutions qu’il déploiera dans l’ensemble des projets. La démarche modulaire offre donc chez Renault une formidable vision transversale permettant de rompre avec l’organisation en silos selon les familles de véhicules mais qui reste bridée par le découpage par groupe fonctionnel des métiers concepteur.