• Aucun résultat trouvé

Le découpage fonctionnel : une question de granularité

Partie III. Simplification de la diversité : Architecture modulaire

Chapitre 8. Analyse de la mise en place de la modularité

1. Les conditions de réussite d’une modularité de produits

1.1.1. Le découpage fonctionnel : une question de granularité

La définition d’un module par une fonction est communément admise par la communauté scientifique mais elle est néanmoins difficilement exploitable en pratique tant que l’on n’a pas défini concrètement quel est le niveau de définition pertinent pour chaque fonction. Cette question est trop souvent oubliée dans la littérature traitant de la définition des modules en

conception. De plus, doit-on définir tous les modules au même niveau fonctionnel ? Les réponses à ces questions sont loin d’être évidentes.

La définition d’une seule fonction complexe permet de définir le module à une maille agrégée plus pertinente économiquement. Par exemple, en automobile un des modules les plus complexes est le groupe motopropulseur, on peut lui assigner une seule fonction : permettre le déplacement autonome d’un véhicule. Cette fonction peut se décomposer de manière arborescente, le premier sous niveau serait alors composé de deux sous-fonctions: (1) créer de l’énergie, (2) transformer cette énergie en mouvement. Cette décomposition fonctionnelle aboutit au niveau le plus bas à la définition de fonctions élémentaires qui se traduisent alors en composants (ex : la fonction élémentaire créer l’étincelle dans le cylindre est réalisée par le composant élémentaire bougie).

À des niveaux trop hauts (i.e. trop proches du produit fini), la standardisation des interfaces peut s’avérer redoutable. À des niveaux trop fins, le nombre de modules imposerait une fixation d’un trop grand nombre de paramètres pour obtenir la standardisation de toutes les interfaces.

- À un niveau extrêmement fin, le module est à la maille d’un composant assemblé sur la ligne. La standardisation de toutes les interfaces entre modules définis à ce niveau ne permettrait pas de générer la diversité que les entreprises souhaitent offrir. En effet, par exemple un moteur est un assemblage de plus de 250 composants ; standardiser les interfaces des moteurs (dimensionnement, position, alimentation, refroidissement, échappement, électronique…) permet de figer un certain nombre de contraintes sans brider la diversité des motorisations. Mais si on voulait faire ce travail pour chacun des composants du moteur de façon systématique, on ne pourrait plus générer la diversité voulue, par exemple à encombrement global constant, le dimensionnement de certains composants peut varier pour répondre aux différents niveaux de besoins.

- À un niveau trop haut, le module est à la maille du produit fini ou dans une grossière subdivision fonctionnelle de celui-ci. Le module peut alors contenir un nombre important de variantes. Il est alors primordial de permettre la substituabilité des variantes mais à un niveau trop agrégé pour un produit complexe comme une voiture, la substituabilité des variantes est en pratique impossible à maintenir. En effet, plus on remonte dans la nomenclature, plus l’assemblé répond à un nombre important de fonctions différentes, les variantes deviennent alors complexes ce qui freine la substituabilité.

Renault a fait le choix de définir ses modules à partir des composants et non des fonctions. Ce choix n’est pas équivalant. En effet, l’arborescence fonctionnelle ne définit pas a priori l’arborescence des composants car toutes les fonctions de chaque niveau de l’arborescence ne peuvent pas être associées de manière systématique à un composant identifié par une référence et certains composants répondent à des fonctions parfois éloignées dans l’arborescence fonctionnelle. Aussi, en décrivant progressivement l’arborescence fonctionnelle, les ingénieurs font nécessairement des choix sur des critères techniques (exemple : coordonnées localisant le moteur dans le véhicule ou le type d’énergie, etc.), ce qui réduit progressivement les possibilités d’innovation (par exemple au niveau 0 ou 1, on peut introduire le moteur électrique ou l’hybridation mais pas ensuite, etc.). La définition des modules à partir des composants résultant du niveau le plus fin de cette décomposition fonctionnelle freine l’innovation.

Il est donc nécessaire de définir un compromis sur la granularité du module dans la nomenclature qui permette, à la fois, une standardisation des interfaces précises et une gestion de la diversité offerte ad hoc par une diversité restreinte de modules et de composants. En fait, le niveau de granularité de chaque module dépend aussi d’autres paramètres intimement reliés avec l’intérêt particulier de chaque entreprise mettant en place la conception modulaire.

- Si la conception modulaire est essentiellement tournée vers la réduction du temps et des coûts de développement, la finesse dépendra largement du découpage organisationnel en place au sein de la Direction de la R&D.

- Au contraire, si la modularité est essentiellement centrée sur une amélioration de la performance industrielle de l’entreprise, le périmètre des modules tiendra compte à la fois des niveaux d’achat de composants (frontière make or buy14) et des niveaux de

nomenclature propices à la différentiation retardée. Si on schématise le spectre de la diversité en fonction du niveau de nomenclature comme dans la figure ci-dessous, les modules de production doivent être placés aux niveaux de nomenclature où ils permettront de réduire au maximum la diversité à stocker et/ou à approvisionner.

14 C’est le niveau frontière entre les composants fabriqués en interne et les composants achetés. Ce

niveau est propre à une organisation, voire à des couples produits/usines et évolue dans le temps, ce qui est source de difficulté dans les démarches de modularité de production.

Figure 33 : Spectre de la diversité en fonction du niveau de nomenclature

1.1.2. La définition d’interface standard : une question au cœur des enjeux