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Architecture modulaire

Partie III. Simplification de la diversité : Architecture modulaire

1. La Modularité de produits

1.3.2. Architecture modulaire

Pour Erens et Verhulst (1997), l’architecture est à la fois la définition du découpage fonctionnel des périmètres de chaque module, la définition de leurs interfaces et le choix (impliquant des

PT PT2 CT1 PT12 PT11 PT122 PT121 FT FT2 FT1 FT12 FT11 FT122 FT121 OP OP2 OP1 OP12 OP11 OP122 OP121 FU FU2 FU1 FU12 FU11 FU122 FU121

ZIG ZIG ZIG

ZAG ZAG

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démarches de standardisation) de certains critères techniques majeurs (i.e. des interfaces) tant de performance que de positionnement. Ulrich (1995) développe et définit l’architecture comme le schéma représentant :

- l’arrangement des fonctions élémentaires,

- la traduction de ces fonctions en composants physiques, - la spécification des interfaces entre ces composants.

Cette définition semble largement acceptée aujourd’hui (Miller et Elgard 1998, Takeishi et Fujimoto 2001, Salvador 2007). Il ne fait aucun doute que la définition de l’architecture doit être la première étape de la mise en place de la conception modulaire (Ulrich 1995, Sanchez et Mahoney 1996). Cette activité doit donc intervenir dans les phases amont du développement de nouveaux produits (Dahmus et al. 2001, Chen et Liu 2005, Ulrich 1995, Baldwin et Clark 2000, Eggen 2003).

La définition de l’architecture est une activité stratégique au moins par le fait qu’elle fixe très en amont dans un projet un grand nombre de paramètres qui influenceront la capacité de l’entreprise à développer simplement (organisation, transfert d’information..), à produire à moindres coûts (flux, prévisions, gestion de la diversité), à réparer rapidement et à faire évoluer fréquemment (innovation) (Sanchez 2002, Dahmus et al. 2001, Chen et Liu 2005, Ulrich 1995, Baldwin et Clark 2000). L’architecture est établie après la définition du marché potentiel des tendances technologiques et l’identification de toutes les caractéristiques des produits dans la famille (Ulrich et Eppinger, 2000).

1.3.2.2. Définition de l’architecture modulaire

Un module se définit comme un sous-système enveloppe répondant à une fonction et dont les variantes sont substituables (ces variantes répondent à des niveaux de prestation ou des solutions techniques différentes), ce qui impose donc que ces interfaces soient standards. La modularité repose sur une stabilité à la fois du découpage fonctionnel et des interfaces externes. La définition des modules passe donc par la définition d’une architecture modulaire que Baldwin et Clark (1997) définissent comme des règles de conception (en anglais Design rules). Un composant n’est pas module en soi, un composant devient un module à partir du moment où il fait partie d’une architecture modulaire. À la lecture de l’article d’Ulrich (1995), il ne semble d’ailleurs pas évident pour lui qu’un module possède nécessairement plusieurs variantes. Un composant ne peut alors prétendre à être module qu’au regard d’une architecture, c’est-à-dire que lorsqu’ont été définies des interfaces standards et qu’il les respecte.

L’architecture modulaire s’oppose à l’architecture dite ‘‘intégrée’’ parce qu’elle n’autorise pas une relation surjective entre l’ensemble des fonctions élémentaires et l’ensemble des composants (à la différence d’un composant, un module répond à au plus une seule fonction). Mais il est faux de penser qu’un produit repose exclusivement soit sur une architecture modulaire soit sur une architecture intégrée (Ulrich, 1995). L’activité d’architecture revient donc à définir la frontière entre les composants qui seront développés dans une architecture modulaire de ceux qui seront développés dans une architecture intégrée (Ulrich, 1995, Chen et Liu, 2005, Ericsson et Erixon 1999). La définition de l’architecture est, pour employer les termes de Baldwin et Clark (1997, 2000), l’explicitation de ce qui constituera le « visible », c’est-à-dire l’ensemble des informations (standard, norme, choix de contraintes, etc.) connues de tous que sont les régles de conception et qui permettent à chaque équipe de développer indépendamment chaque module (Chen et Liu 2005, Sanchez 1996). En revanche, ils considèrent qu’à l’opposé, le développement de chaque composant ou module est la partie « invisible » de l’information. En disant cela, ils laissent penser qu’ensuite les modules sont alors eux développés avec une architecture intégrée, ce qui n’est pas forcément le cas (Eggen 2003, Chen et Liu 2005).

Ulrich a défini en 1995 trois types d’architecture modulaire :

- Bus : La plateforme inclut un élément support physique sur lequel se montent tous les modules. Les interfaces sont standards sur la gamme et communes à tous les modules. Cette approche est commune aujourd’hui en informatique personnel (carte mère et ses interfaces) voire dans l’industrie du meuble (Ikea) et reste a priori peu exploitable dans l’industrie automobile.

Figure 25: Schéma et exemple de l'architecture bus

- Slot : Identique au type bus sauf que les interfaces sont standards sur la gamme mais spécifiques à chaque type de modules. C’est en fait la vision classique en automobile de la plateforme comme support. Pour nous, cette vision tend à être dépassée par

l’approche modulaire dans laquelle des modules sont assemblés directement avec d’autres.

Figure 26: Schéma et exemple de l'architecture slot

- Sectional : Le support physique n’existe pas en tant que tel. Les modules

s’assemblent les uns aux autres pour faire le système complexe. Les interfaces sont standards sur la gamme et généralement uniques par module. C’est l’architecture qui permet le plus de variété de produits (Jose Flores, 2005). C’est aussi l’architecture qui nous semble la plus générale et qui se développe le plus dans l’automobile avec l’approche modulaire (par exemple, la boîte de vitesses est interfacée avec le moteur qui lui est interfacé avec le châssis support).

Figure 27: Schéma et exemple de l'architecture sectionnelle

Avec les types basés sur une plateforme, il semble plus facile d’atteindre l’indépendance entre modules, puisqu’ils semblent uniquement interfacés avec elle. Avec l’architecture sectionnelle, chaque module a en général des interfaces avec plusieurs autres modules et a donc en pratique plus de dépendance technique.

L’architecture modulaire idéale vise donc l’indépendance des modules entre eux. Cette indépendance permettrait de mettre en place des démarches de rationalisation au niveau de chaque ensemble de variantes de modules alternatifs. En pratique, cette indépendance peut être compliquée à atteindre et reste au mieux limitée aux cas d’applications anticipés (Ulrich, 1995).

L’indépendance entre modules n’est donc réelle que pour des plages d’utilisations ou de besoins bien définies. L’optimisation technico-économique s’opposant à l’indépendance absolue des modules, les entreprises à juste titre ne cherchent donc souvent pas à l’atteindre (Ulrich 1995, Eggen 2003). Toutes les boîtes de vitesses ne sont pas compatibles avec tous les moteurs d’une marque. La rationalisation de la diversité des modules doit donc en pratique tenir compte d’interdépendances entre modules.

1.3.2.3. La plateforme

Concept mis en place bien avant la conception modulaire, la plateforme est un objet complexe à appréhender et dont il manque dans la littérature une définition claire et acceptée de tous (Pandremenos et al. 2009). Cette difficulté vient principalement pour nous du fait que la plateforme revêt à la fois une dimension physique souvent associée au châssis et une dimension conceptuelle d’architecture (Ulrich 1995, Robertson et Ulrich 1998, Gonzalez-Zugasti 2000). Dans l’industrie automobile où la notion de plateforme est largement utilisée, historiquement une plateforme était le moyen de répartir des investissements (productifs et de développement) sur différents véhicules et donc de profiter d’économies d’échelle. D’abord, en conception de produit, l’usage de plateformes se rapporte à l’utilisation d’un composant commun entre différents produits (Krishnan et Gupta 2001, Erens et Verhulst 1997, Sanderson et Uzumeri 1995, Mtopi Fotso 2006). Par exemple, lorsque Renault développe un nouveau véhicule, malgré la grande diversité que peuvent générer les choix de personnalisation du client final (rapidement supérieure aux 10 millions de véhicules différents), un nombre important de composants est invariable. Cette prise de conscience permet une première définition de la plateforme. En effet, la plateforme peut se définir comme l’ensemble ou un sous-ensemble des composants invariants dans une famille de produits et cela inclut les interfaces (Pandremenos et al. 2009, Chen et Liu 2005, Dahmus et al. 2001). La plateforme, une fois construite, représente donc l’architecture du produit ainsi qu’un certain nombre de composants stables.

La plateforme est donc la première approche de conception de produit permettant une diversification de l’offre qui aboutira aujourd’hui à la personnalisation de masse. En effet, la définition d’un élément stable commun à différents produits induit que les entreprises peuvent facilement proposer une diversité de produits en changeant quelques composants supplémentaires. Par l’addition de quelques composants de différentiation, les entreprises peuvent donc à la fois différencier un produit par rapport à un autre et optimiser leurs économies d’échelle (Meyer et Lehnerd 1997, Gonzalez-Zugasti 2000, Gonzalez-Zugasti et al. 2000, Sanderson et Uzumeri 1995, Sanderson 1991).

Plus récemment, les entreprises ont défini des plateformes multi-familles de produits. Cette approche permet à la fois d’adresser plus précisément une cible marketing par chaque famille de produits tout en profitant encore des effets d’échelle d’une plateforme commune à un grand nombre de produits finis. Si historiquement la plateforme définissait la famille de produits, on voit bien qu’aujourd’hui ce n’est plus le cas. Les produits d’une famille partagent aujourd’hui plus de composants que la seule plateforme qu’ils partagent avec des produits d’autres familles. Au vu de notre lecture, il nous apparaît important de dire que les articles traitant de plateformes s’appuient sur des systèmes peu complexes (nombre de composants faibles/diversité faible comme les visseuses) ou sur des systèmes complexes (informatique, automobiles) mais gérés en un petit nombre (une dizaine) de sous-systèmes (modules).

Le concept de module dépasse la notion de plateforme et même celle de famille de produits. Avec l’approche modulaire, la plateforme peut alors apparaître à l’échelle d’une famille de produits donnée comme un ensemble de modules sans diversité et à l’échelle de la gamme de produits comme un seul module (la réunion de modules interfacés pouvant toujours être vue comme un module) avec des variantes. Le concept de famille se définit alors autour d’une diversité finie de variantes interchangeables pour les autres modules alternatifs (Dahmus et al., 2001). Remarquons tout de même que la plateforme, entendue comme la réunion des composants sans diversité pour une famille de produits, peut potentiellement répondre à plusieurs fonctions, ce qui s’éloigne de la définition d’un module. On peut sans doute plus facilement s’y raccrocher si le module « plateforme » ne regroupe qu’une partie de ces composants stables, c’est d’ailleurs en pratique le cas vu leur grand nombre.