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L’œuvre et son ’’milieu’’

Chapitre 1 Présentation générale du Liban

3. Situation historico-politique

La vision traditionnelle du Proche-Orient, côté oriental, est en général celle d’un monde arabo-musulman245 qui ne fait pas mention de chrétiens arabes. Au sujet de la population libanaise dans l’Antiquité, Dominique Chevallier nous apprend qu’il n’y a pas vraiment d’informations sinon que pour ces peuples de culture arabe, « faire remonter l’origine de sa famille à une tribu bédouine est le moyen d’en affirmer l’ancienneté et la noblesse246 », ce que ne vont pas manquer de faire chacun des groupes présents sur le territoire.

Pour compléter nos informations il nous faut remonter de 395 - à la suite du partage de l’Empire romain - à 634, alors que le futur Liban est sous domination byzantine. En

243 Et encore aujourd’hui, même si la Guerre froide a officiellement cessé avec la chute du mur de Berlin.

244 Georges Corm, Histoire du Moyen-Orient, De l’Antiquité à nos jours, op. cit., p. 38. La crainte de la décadence est permanente au Proche-Orient. Elle est liée pour certains à un affaiblissement de la religion, la perte de l’identité musulmane à cause des idées européennes et pour d’autres à l’impérialisme européen et à la domination turque qui auraient affaibli le monde arabe. Cet auteur décrit la division « entre un bloc euro-atlantique se définissant comme ’’judéo-chrétien’’ et un bloc de pays musulmans hostiles à l’Occident »,

Ibid., p. 11.

245 L’Islam apparaît souvent comme l’unique marqueur identitaire des peuples de cette région moyen-orientale. Pourtant, les chrétiens ont toujours eu un rôle à jouer dans cette région du monde en tant que partenaires intermédiaires entre les civilisations arabe et occidentale. Mais le maintien de cette communauté semble dorénavant fragile. Carole Dagher parle d’« une forte émigration chrétienne sonnant le glas de la présence chrétienne (…) d’ici à cinquante ans », in Le défi du Liban d’après-guerre. Faites tomber les murs, Paris, L’Harmattan, coll. « Comprendre le Moyen-Orient », 2002, p. 11.

246 Dominique Chevallier, La société du Mont-Liban à l’époque de la révolution industrielle en Europe, op.

64 effet, à la suite de la conquête arabe et de la prise de Damas en 635, le territoire libanais est gouverné par la dynastie omeyyade qui se fixe à Damas247 et s’y maintient de 656 à 750. Les Omeyyades sont sunnites248 c’est-à-dire qu’ils suivent la ’’sunna’’ (les paroles du Prophète) et se rattachent à la tradition, au Coran et aux quatre califes légitimes. À cette époque les musulmans sont minoritaires car malgré les conquêtes musulmanes, l’islamisation n’est pas complète249. Ils ont besoin des autres ’’communautés’’, qui leur sont utiles pour le commerce avec l’Occident. Ces intermédiaires sont des tribus bédouines, des juifs et des chrétiens que les musulmans nomment les ’’Gens du Livre’’ (ahl al-kitâb). En contrepartie de leur soumission envers les musulmans et moyennant le paiement d’impôts (la djizya), ils vont bénéficier d’un contrat, la dhimma, qui leur offre un statut protecteur particulier, celui de dhimmi250. Ils supportent cependant de nombreuses humiliations : le calife Sulayman Ibn Abd al-Malik aurait ainsi dit au sujet des impôts versés dans une posture humiliante251 pour les dhimmi : « Trais le lait jusqu’à ce qu’il tarisse, fais couler le sang jusqu’à ce qu’il s’épuise252

». Les Gens du Livre sont obligés de se convertir aux VIIIe et IXe siècles, sous les Abbassides253 qui radicalisent alors l’islam.

Au cours du XVIe siècle les émirs druzes de la famille Maan s’imposent après avoir joué un rôle essentiel dans l’émancipation de la Montagne vis-à-vis des Ottomans. Ils

247 Parmi les villes importantes en dehors de la Mecque il y a Damas, Le Caire, Basra et Jérusalem.

248

Dans l’islam il y a séparation (suite au désaccord entre eux après la mort du prophète) entre les Sunnites, la branche traditionnelle, et les Chiites qui sont partisans de Ali. Cette séparation continue de déchirer la vie politique arabe actuelle.

249 Youssef Courbage et Philippe Fargues, Chrétiens et Juifs dans l’Islam arabe et turc, Paris, Payot et Rivages, coll. « Petite bibliothèque Payot », 2005, p. 5.

250 L’on remarque ici une ébauche de système communautaire, chacun ayant son propre mode de fonctionnement lié à sa religion. Le concept de dhimma qui s’applique aux juifs et aux chrétiens stipule un comportement de soumission envers les musulmans. Ils conservent leurs droits internes et peuvent toujours avoir recours à leurs tribunaux mais des interdictions doivent être respectées comme « ne pas porter d’arme, ne pas chevaucher un cheval, ne pas construire de nouveaux lieux de culte, ne pas élever la voix lors de cérémonies ou ne pas ressembler aux musulmans dans leur habillement », in http://www.akadem.org/medias/ documents/6_dhimmi.pdf, consulté le 20 avril 2014. Ce statut n’a jamais placé sur le même pied d’égalité musulmans et non musulmans. Cf. Fabiola Azar, Construction identitaire et appartenance confessionnelle au

Liban, op.cit., p. 57.

251 Cf. Sourate IX, verset 29.

252 Antoine Fattal, Le Statut légal des non-musulmans en pays d’Islam, t. 10, Série 3 : Orient Chrétien, Beyrouth, Dar El-Machreq, coll. « Recherches », [1ère Éd. 1958, Imp. catholique] 1995, p. 312. Il est à noter que de nombreux chrétiens et musulmans ont toujours ces différences en tête.

253

Youssef Courbage et Philippe Fargues, Chrétiens et Juifs de l’Islam arabe et turc, op. cit., p. 32. Jusqu’en 750 les Omeyyades étaient au pouvoir. De 750 à 977 ce sont les califes abbassides et en 969 les Fatimides. Les Croisades se déroulent de 1098 à 1291. C’est ensuite le règne ottoman des Mamelouks de 1291 à 1516. On entre alors dans l’époque moderne avec la dynastie des Maan jusqu’en 1697 puis celle des Chéhab jusqu’en 1840.

65 contrôlent d’abord le nord habité par les Maronites puis les villes du littoral et la plaine de la Békaa. Ils établissent leur capitale à Deir al Qamar, une ville qui tient dans « [sa] main droite une Princesse brune, et dans l’autre, une lune » (LVP, 286), dans la montagne du Choûf. La coexistence entre les Druzes et les Maronites va être affectée par plusieurs évènements, notamment dès le XIe siècle, par la création de royaumes francs dans le nord du Liban. L’invasion des Croisés254

s’accompagne de massacres de juifs et de musulmans, ce qui augmente l’hostilité des musulmans envers les chrétiens d’Orient bien que ces derniers soient pris pour des musulmans par les chrétiens d’Occident. Les Maronites vont toutefois renforcer à ce moment-là leur implantation dans la montagne du nord Liban ainsi qu’au centre du pays et instaurer une solide amitié entre eux et les Français, peut-être pour défendre les particularités de la communauté chrétienne255 au cours de l’occupation mamelouke entre 1250 et 1517 car « entre 1302 et 1307 sont menées d’incessantes campagnes meurtrières au cours desquelles les maronites [mais aussi les chiites] sont décimés256 ». On se trouve là avec un mythe d’une France protectrice qui date de Charlemagne, auquel le sultan Haroun al Rachid aurait remis les clés des Lieux saints de Jérusalem257. En réalité, la France mène une politique d’alliance avec les Ottomans, alliance dont le but premier est non pas de protéger les chrétiens mais de réaliser des échanges commerciaux. En effet, en 1535, François Ier signe un traité de développement commercial, les Capitulations, avec Suleyman le Magnifique. Cet accord favorise le rapprochement entre les chrétiens d’Orient et la France, laquelle s’institue alors protectrice « de ceux qui profess [ent] de la même religion (…), maronites et catholiques de rites orientaux258 ». Mais le traité ne protège que les pèlerins français en Terre Sainte, non les chrétiens locaux, ce qui n’empêche pas les Maronites de se sentir privilégiés par les Français. Des relations culturelles et commerciales sont en outre entretenues au XVIIIe

254 « Si l’on faisait l’histoire comparée du monde chrétien et du monde musulman, on découvrirait d’un côté une religion longtemps intolérante, (…) mais qui s’est peu à peu muée en une religion d’ouverture ; et de l’autre côté une religion porteuse d’une vocation d’ouverture, mais qui a peu à peu dérivé vers des comportements intolérants et totalitaires », in Amin Maalouf, Les Identités meurtrières, Paris, Grasset, coll. « Le Livre de poche », 1998, pp. 69-70.

255 Il n’y a pas d’histoire au Liban puisque chaque communauté a la sienne (écrite en outre par des hommes de religion donc défendant leur idéologie religieuse) et que celle de la communauté maronite a toujours été favorisée par la culture européenne qui a assimilé l’identité libanaise avec l’identité maronite.

256

Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des chrétiens d'Orient : des origines à nos jours, Paris : Fayard, 1994, pp. 66-71.

257 Nadine Picaudou, La déchirure libanaise, Bruxelles, Éd. Complexe, coll. « Questions au XXe siècle », 1989, p. 30.

66 siècle avec les soyeux lyonnais, puisque le ’’Liban d’avant’’ [notamment Anjar, « amie des caravanes » (LVP, 292)] appartient à la route de la soie259.

Au XVIIe siècle, à l’époque de l’Émir Fakhreddine, les Maronites sont encouragés à migrer260 pour se mettre au service des propriétaires terriens druzes qui accueillent volontiers cette main d’œuvre venue du nord du Mont-Liban et de Syrie (actuelle) pour cultiver leurs terres. Mais avec le temps, le nombre de ces paysans s’accroît et leur niveau d’éducation aussi, car les missionnaires français261

et américains leur dispensent un enseignement qui creuse l’écart entre eux et les autres communautés, un déséquilibre qui commence à se faire sentir.

À cette période, les grandes familles druze et maronite dominent à tour de rôle. Il est intéressant de noter que ce n’est pas leur religion qui définit la politique de ces grandes familles. En effet, les querelles de l’époque concernent les extensions des propriétés terriennes, la possession des sources d’eau sans qu’entre en jeu la religion dans le règlement de ces différends. Ussama Makdisi évoque ainsi cette oligarchie des familles et le peu d’importance accordé alors à la religion :

In the century’s first half, the operative social and political distinction had been between knowledgeable elites and ignorant commoners. Belonging to a religious community had little direct influence on politics; in fact, religious authorities, both Christian and Druze, had legitimized a traditionnally nonsectarian political and social order of Mount Lebanon262.

259 Effectivement cette route de la soie était un chemin initiatique sur lequel l’Orient et l’Occident ont échangé des biens et des idées pendant des siècles, celle de la découverte de « l’autre », les Arabes « interprét[ant alors] leur foi dans un esprit de tolérance et d’ouverture », in Amin Maalouf, Les identités

meurtrières, op. cit., p. 73.

260 Il a gouverné la Montagne, c’est-à-dire le Mont-Liban, de 1595 à 1634. À cette époque, l’émirat libanais est une Nahda (renouveau) avant-gardiste puisqu’il y a déjà une ouverture intellectuelle sur l’Europe, les arts, le commerce, donc, et les langues étrangères. Les racines historiques de la « coexistence » druzo-chrétienne remontent au XVIIe siècle, Fakhreddine ayant permis aux ouvriers agricoles, artisans et lettrés chrétiens de s’installer dans le sud du Mont-Liban. À cette époque, il avait des problèmes avec ses coreligionnaires druzes et avait donc établi des relations avec les Maronites. Dima De Clerck, « La Montagne : un espace de partage et de ruptures », in Franck Mermier (dir.), Liban, espaces partagés et pratiques de rencontre, op. cit., p. 49.

261 L’enseignement du français est apporté par des missions religieuses catholiques (Jésuites, Lazaristes, Franciscains et Capucins), protestantes et laïques dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

262 Ussama Makdisi, « After 1860: Debating Religion, Reform, and Nationalism in the Ottoman Empire »,

International Journal of Middle East Studies, [En ligne], vol. 34, n°. 4, 2002, p. 604, DOI:

10.1017.S0020743802004014, consulté le 22 janvier 2014. « Dans la première moitié du siècle, une distinction politique et sociale s’est effectuée entre une élite cultivée et le reste de la population, ignorante. Appartenir à une communauté religieuse n’a que peu d’influence sur la vie politique. En fait, les autorités religieuses, chrétienne et druze, ont légitimé au Mont-Liban un ordre social et politique traditionnellement sans clivage confessionnel ». Notre traduction.

67 Des changements se manifestent lorsque les Ottomans tentent d’instaurer en 1840 des réformes (les Tanzimat263) amenant l’égalité entre musulmans et non musulmans, un « vœu ancestral des chrétiens arabes264 », avec une représentation politique de chaque communauté religieuse. Il y a alors un alignement de l’affiliation confessionnel à l’affiliation politique.

Les rapports entre druzes et chrétiens, ces derniers étant en plein essor démographique, socioéconomique et culturel, se redéfinissent dans la violence : en 1841 ont lieu les premiers troubles civils entre les communautés druze et maronite265, des heurts dont les interprétations diffèrent selon les communautés : pour les uns il y a là une conspiration ottomane pour favoriser les chrétiens d’Orient tandis que pour les autres, les Druzes se comportent comme une communauté féodale et rejettent l’égalité. On se bat donc dans la montagne non pour des problèmes religieux mais pour affirmer la supériorité du pouvoir d’une famille sur une autre, des litiges liés à la répartition du pouvoir évoqués par Geneviève Vinsonneau266. Les Maronites souhaitent restaurer le pouvoir de la famille Chéhab qui les favorise267, ce que refuse le Royaume-Uni et par voie de conséquence les Druzes.

Le premier épisode de la lutte dite lutte entre chrétiens et musulmans n’est donc pas un conflit confessionnel mais une simple lutte de pouvoir doublée de troubles sociaux suite à la crise économique de la fin du XIXe siècle due à la monoculture de la soie (dépendance de la production de la région de la Montagne vis-à-vis du marché mondial de la soie). Les influences française268 et anglaise (en compétition pour la domination de la route des

263 Réformes introduites dans l’Empire ottoman en vue d’édifier un État moderne en concordance avec les normes européennes, et établissant en principe l’égalité de tous les sujets ottomans devant la loi ainsi qu’un accès à l’éducation et aux postes gouvernementaux.

264 « Les échos lointains de la Révolution française se répercutent dans les profondeurs de l’Empire ottoman » au début du XXe siècle. Les chrétiens « astreints à l’impôt de la djizyâ, commencent à réclamer l’égalité de traitement avec les sujets musulmans de l’Empire », in Edmond Rabbath, La formation historique

du Liban politique et constitutionnel, op. cit., p. 37.

265 Ils s’opposent alors qu’au XVIIIe siècle les Maronites s’étaient alliés aux Druzes pour triompher des descendants chiites demeurés au Mont-Liban [au lieu d’aller à l’Est (dans la Békaa) et au Sud (Jebel Amel)].

266 Geneviève Vinsonneau, L’identité culturelle, Paris, Armand Colin, 2002, coll. « U », p. 187. Elle s’intéresse également au clivage entre la société montagnarde, rurale, et celle du littoral, urbaine, qui pourrait être à l’origine des divisions sociales comme nous l’avons déjà souligné.

267 Deux familles s’imposent : les Maan de 1516 à 1697, de la communauté druze, et les Chéhab, de 1697 à 1841, des Sunnites (convertis au maronisme à la fin du XVIIIe, ils donneront toujours plus d’importance aux Maronites).

268

Notre poétesse va évoquer d’autres sources de troubles, comme la famine qu’elle mentionne clairement : « ainsi la mémoire des famines sur les terres blanches » (PPH, 175). (Il y a une invasion de sauterelles en 1915 qui a ravagé les récoltes puis le blocus imposé par Jamal Pacha, gouverneur ottoman pour éviter que les libanais, étant pro-français, donnent de la nourriture aux Français).

68 Indes)269 vont approfondir le fossé entre les Maronites et les Druzes, les chefs de chaque groupe entrant en compétition les uns contre les autres pour étendre leur pouvoir en comptant sur le clientélisme. La querelle pour le contrôle du pouvoir et le refus d’impôts trop lourds à payer pour les Maronites va ainsi devenir un conflit confessionnel.

Les déséquilibres politiques et économiques vont progressivement devenir des gouffres de frustration et aussi de haine qu’il sera aisé d’instrumentaliser politiquement270

. Les relations entre Maronites et Druzes seront toujours entachées par la mémoire des massacres commis par les Druzes de 1840271, engendrant d’autres « équation[s] de haine » (PPH, 176) qui font s’interroger notre poétesse :

Prince l’orient est-il responsable ? Fidèle à son odeur de ruine Prince l’orient ? (Ibid.)

Dans ces vers qui peuvent autant se référer aux Croisades, aux violences de 1840 que de 1860, l’absence de majuscule « orient » et le parallélisme partiel des syntagmes laissent présager la vanité du combat de Nadia Tuéni contre ces éternels retours vindicatifs.

Au vu des violences de 1840, les Ottomans décident d’imposer entre 1842 et 1860272 le système de caïmacamat, qui établit un district druze au sud (basé à Beit Eddine) et un second plus au nord, maronite, à Bikfaya. Mais la séparation est un échec : bien que les heurts et contre-attaques des uns et des autres se poursuivent, ils n’éliminent pas la

269 Au cours de cette même période la rivalité entre les Français et les Anglais va jouer sur celle qui existe déjà entre les Maronites et les Druzes : les premiers sont poussés par les Français à s’émanciper de l’autorité ottomane, les seconds sont soutenus par les Anglais dans une alliance avec les Turcs. En outre les Britanniques et les Français se querellent pour la route des Indes. Cf. Gérard Khoury, « Réflexions sur les causes de la guerre au Liban », Les Cahiers du GRIF, [En ligne], 1990, vol. 43-44, n°. 1, pp. 39-43,

www.persee.fr/doc/grif_0770-6081_1990_num_43_1_1823,consulté le 31 janvier 2014. Hormis la France et le Royaume Uni, la Russie se rapprochera des Orthodoxes et la Turquie des Sunnites.

270 L’instrumentalisation des identités religieuses locales aurait commencé fin XVIIIe, dès l’expédition napoléonienne, Napoléon promettant « d’œuvrer pour le rétablissement de la grandeur d’un État islamique » et « de rétablir [les Juifs] en Palestine » explique Georges Corm dans « Les déterminants des conflits libanais et les modes d’apaisement », in Jean-Pierre Vettovaglia (dir.), Déterminants des conflits et nouvelles formes

de prévention, Éd. Bruylant, Bruxelles, coll. « Prévention des crises et promotion de la paix », 2013, p. 3. La Nahda a secoué les mœurs de l’Islam tout en les défendant par rapport au jugement négatif des européens sur

la religion. Elle réunissait aussi les Arabes de toutes les sociétés du Proche-Orient autour d’un patrimoine culturel commun.

271 Ces tueries ont par exemple influencé la guerre en 1982-1983, les Maronites soutenus par les soldats israéliens expulsant tout d’abord les Druzes de la montagne du Choûf avant que ces derniers ne les repoussent violemment à leur tour au moment du retrait des Israéliens, entraînant de nouveaux massacres jusqu’en 1990, fin de la guerre.

272 Les massacres de chrétiens durant les trois harakât (agitations) de 1841, 1845 et 1860 sont favorisés par la passivité des autorités ottomanes.

69 mixité entre les deux communautés qui persiste. La période 1840-60 marque la fin de l’ancien régime du Mont-Liban. Sous la pression européenne une moutassarifiyya273

qui précise l’organisation d’un état autonome au Mont-Liban est alors décidée à la Conférence de Constantinople274, la France soutenant sa clientèle chrétienne. Ce régime de

moutassarifiyya se met en place en 1861275 : le Mont-Liban est gouverné par un

moutessarif (gouverneur) ottoman chrétien - concession faite aux Européens - mais non

libanais donc non maronite, afin d’éviter une nouvelle suprématie de cette communauté. Dans l’accord signé il y a un point important : l’abolition de la féodalité, à l’origine des massacres de 1860276. L’on observe cependant le maintien toujours actuellement de cette mentalité féodale, puisque ce sont les mêmes grandes familles ou les mêmes clans qui sont sur la scène politique.

La séparation entérine à la fois l’affrontement entre communautés séparées et la répartition du pouvoir selon ces communautés. En effet, le gouverneur est assisté d’un ’’Conseil Administratif’’, composé de douze représentants des diverses confessions, maronite, druze et chiite, d’où l’origine du système politique confessionnel libanais avec deux pôles, l’un musulman, l’autre chrétien277

». Ce régime, garanti par les puissances européennes, perdure jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale avec l’effondrement de l’Empire ottoman en 1916. C’est donc bien dès la période ottomane que la répartition confessionnelle du Liban se dessine.

273 La moutassarifiyya est un gouvernorat autonome dans le cadre de l’Empire ottoman.