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L’œuvre et son ’’milieu’’

Chapitre 1 Présentation générale du Liban

4. Le Liban, une nation ?

4.2. Une nation libanaise bien mal en point

Gibran Khalil Gibran révèle la difficulté de parler de nation à propos du Liban dès les années trente :

Ayez pitié d’une nation divisée en fragments et dont chaque fragment se considère comme une nation !393

Pour certains, le Liban existerait comme nation depuis l’entité de l’Émir Fakhreddine II394, le territoire ’’national’’ du Mont-Liban ayant obtenu de la Sublime Porte une certaine autonomie grâce au principe des ’’millets395’’ ». Pour d’autres, la nation libanaise serait née le premier septembre 1920396.

En effet, en dépit de l’indépendance, l’attachement à la France reste une des spécificités du Liban, notamment pour les Maronites. Pour d’autres encore, elle serait une nation à part entière dès la fin du mandat français, avec la proclamation de l’indépendance et la reconnaissance d’un État par les instances internationales. Notre poétesse pose la question de sa propre existence ainsi que de celle de son pays (une interrogation qui fonctionne d’après nous comme une interrogation rhétorique, la réponse allant de soi dans le contexte de l’époque) en constatant que les divisions sont conséquentes et font disparaître l’union entre les composantes de la société libanaise :

Suis-je né397 (…) dans un pays qui n’existait pas ? (AS, 331).

Nous avons précisé précédemment que le Liban est formé de plusieurs communautés qui le conçoivent historiquement, philosophiquement, culturellement et

393 Gibran Khalil Gibran, Le Jardin du prophète, suivi de Le Sable et l’Écume, Paris, Chêne, [The Garden of

the Phophet, London : Heineman, 1934] 1995, p. 16. Un sunnite libanais va facilement considérer qu'il fait partie de la même communauté avec un palestinien, ce que ne peuvent envisager un chiite ou un maronite. Ainsi chaque libanais a une solidarité culturelle, déterminée par l’histoire avec ’’ses’’ non-libanais, ce qui les divise encore plus au niveau religieux.

394 1590-1635. Samir Kassir évoque une « lecture mythifiée de l’histoire propos[ant] deux sources de légitimité : la continuité supposée d’une entité libanaise quasi souveraine depuis l’émirat maanide et, plus loin encore, la tradition d’une Église « nationale » depuis le VIIe siècle », in La Guerre du Liban. De la

dissension nationale au conflit régional, op. cit., p. 53.

395 Le terme de millet provient de milla qui signifie ’’communauté’’ en arabe et comporte une connotation religieuse (la communauté confessionnelle). Pour les Ottomans, il s’agit d’une communauté protégée. Rappelons que pour le mouvement de la Nahda, la nation et donc l’identité ne doivent pas être formulées sur un fondement uniquement religieux.

396 La fragilité de cet État pluricommunautaire s’explique peut-être par le fait qu’il a d’abord été construit par les Maronites et pour eux puisqu’en constituant le Grand Liban la France y avait réuni « les chrétiens en chœur ardent, les musulmans à leur corps défendant », in Edmond Rabbath, La Formation historique du

Liban politique et constitutionnel, op. cit., p. 603.

397 Elle s’interroge personnellement mais emploie le masculin pour un questionnement à visée collective et même universelle.

95 religieusement chacune à leur manière398. Deux sociétés, celle de la montagne régie par les familles féodales druzes, maronites et chiites et celle de la ville, constituée d’une population sunnite et grecque-orthodoxe gouvernée par l’administration ottomane, coexistent sur un tout petit territoire. Mais au départ, l’entité libanaise ne concerne que la montagne qui cherche justement son autonomie par rapport à l’autorité ottomane. La

moutassarifiyya de 1861 va d’ailleurs isoler encore plus cette région après les heurts entre

1840 et 1860 (et institutionnaliser le confessionnalisme en place de la démocratie, en donnant aux grandes familles libanaises une raison confessionnelle de rivaliser pour le pouvoir puisqu’une part importante est attribuée aux Maronites). L’émigration vers les villes à la suite de cet isolement (également économique) va faire se rencontrer des identités tout à fait différentes. Georges Corm parle de profondes mutations sociologiques auquel doit faire face le Liban, les sociétés rurales et urbaines s’entrechoquant en 1920 puisque ce n’est plus de la société du Mont-Liban dont on parle mais de celle du Grand Liban. Ses élites sont issues à la fois des grandes familles du Mont-Liban que des villes, autour de deux pôles, l’un profrançais et l’autre pro arabe. C’est d’ailleurs avec l’histoire de ces grandes familles en sus de celles des communautés qu’est liée l’histoire du Liban.

De plus les communautés priment depuis toujours sur l’État en étant officiellement reconnues par le Pacte national de 1943, lequel implique que la société libanaise suive la logique du partage confessionnel399. Selon Élizabeth Picard400, il faudrait d’ailleurs plutôt parler de pacte « communautaire » que de pacte « national ». Cette culture confessionnelle aurait donc empêché la formation d’une identité libanaise et d’un intérêt national commun. Fabrice Balanche, qui a étudié cette faiblesse, cette « absence d’unité nationale401 », précise qu’au Liban on appartient tout d’abord à une famille, au clan, puis au village ou à la ville et finalement à l’État. Par ailleurs le pouvoir se distribue par « allégeances régionales, tribales et sectaires402 » et les partis politiques libanais ne sont qu’une extension des communautés. Les chefs politiques des communautés religieuses, les zaïm,

398 Kamal Salibi, Histoire du Liban du XVIIe siècle à nos jours, op. cit., p. 352. Évelyne Lloze a elle aussi

particulièrement souligné l’importance du lien à l’Histoire dans la détermination du « je » poétique, in Béatrice Bonhomme ; Idoli Castro, et Évelyne Lloze (dirs.), « La poésie à l’épreuve du dire. L’expérience ordinaire : Antoine Emaz et Valérie Rousseau », Dire le réel aujourd’hui en poésie, op. cit., p. 462.

399 Dans le cadre de notre thèse, nous ne considérerons pas la religion comme un engagement personnel mais comme un phénomène sociologique, une appartenance communautaire confessionnelle.

400

Élizabeth Picard, Liban, État de discorde : des fondations aux guerres fratricides, Paris, Flammarion, 1988, p. 119.

401 Fabrice Balanche, Atlas du Proche-Orient arabe, op. cit., p. 124.

96 reconnaissent que les intérêts de la communauté ont toujours passé et passeront toujours avant ceux du pays. L’État semble donc être pour encore longtemps en ’’compétition’’ avec la communauté, une réalité constatée d’ailleurs par Edward Azar et Robert Haddad depuis plus de trente ans :

the state did not succeed in winning the loyalty of its multiple communities, a delicate equilibrium developed between the two (…) about thirty years. (…) when the equilibrium was shattered and the state weakened the dormant intercommunal grievances, competition and hostility forged towards violently403.

En fait, la classe politique mise sur les communautés pour obtenir le pouvoir donc aucun chercheur, étranger ou libanais, ne caractérise le Liban, malgré les limites bien établies de son territoire, sa monnaie, sa constitution, sa nationalité) de nation404.

Maxime Rodinson explique de son côté que les communautés ouvertes au départ se sont fermées en évoluant vers des « formations de type ’’ethnico-national’’, aspirant à devenir État ou, au minimum, caste idéologique dominant l’État. C’est ce qui apparaît au Liban405 ». L’analyse du sociologue Ahmad Beydoun aboutit au constat que « c’est bien la tribu - et non la foi religieuse commune - qui offre à la communauté confessionnelle le modèle de sa solidarité406 », une appartenance que Nadia Tuéni rappelle ici en la mettant exceptionnellement en valeur :

Je baisse la voix pour aiguiser les couteaux du tonnerre, demander force à la tribu,

dormir entre ses omoplates de rochers (AS, 327).

La protection, dont la puissance est exprimée par une métaphore osseuse (l’omoplate est un os large mais pas particulièrement résistant car il est mince). Nadia Tuéni l’a donc doté d’un matériau plus résistant (des rochers). En outre, la poétesse doit avoir « le front à la

403 Edward Azar et Robert Haddad, « Lebanon: an anomalous conflict? », Third World Quaterly, op. cit., p. 1338, http://www.jstor.org/stable/3991718, consulté le 31 janvier 2014. « L’État n’a pas réussi à gagner la loyauté de ses communautés, un équilibre précaire s’est développé entre elles et lui (…) durant trente ans. Quand l’équilibre a été rompu et que l’État s’est trouvé affaibli, les conflits intercommunautaires se sont violemment réveillés ». Notre traduction.

404 Michel Chiha demandait en 1945 si l’on peut demander à « des hommes du peuple, à des bourgeois même, (…) des hommes qu’on a élevés dans l’idée que voler l’État c’est être habile et se défendre, qu’ils aient le souci de l’intérêt général et qu’ils construisent la cité », in Samir Frangié, « Culture et barbarie : entre transgression et politesse », L’Orient littéraire, [En ligne], n°. 100, octobre 2014, p. 89, http://www. lorientlitteraire.com/pdf/ 25NOV2014 _OL100_WEB.pdf, consulté le 24 février 2017.

405

Maxime Rodinson, « Qu’est-ce qu’une communauté religieuse libanaise ? », L’Islam, politique et

croyance, op. cit., p. 159. La communauté maronite est appelée « nation » par Ibrahim Aouad dans Le droit privé des maronites au temps des Émirs Chihab (1697-1841), Paris, Librairie Paul Geuthner, 1933, pp. 6-7.

406 Ahmad Beydoun, Identité confessionnelle et temps social chez les historiens libanais contemporains, op.

97 hauteur des cimes de sa tribu » (Ibid.), un lexique qui nous évoque plutôt le milieu montagneux. Ce n’est donc pas tout à fait à la tribu des hommes que notre poète se réfère mais à la nature. C’est là que la poétesse va se ressourcer. On note une opposition entre les verbes « baisser » (la voix s’amenuisant) et « aiguiser » (la force produite par cette action s’amplifiant grâce aux sonorités aigües des voyelles [e] et [i] puis aux explosives [t] et [n], avec un changement vocalique en voyelles fermées [u] et [o]). Une dernière complémentarité entre cette tribu et les manifestations naturelles se présente dans « les couteaux du tonnerre » car ce ne sont pas des armes blanches que l’on aiguise pour tuer, mais de nouveaux mots à adresser aux tribus des hommes, peut-être une voix divine pour les réconcilier ?

Passons en revue quelques critères susceptibles d’être le trait d’union entre les groupes communautaires libanais.

La ’’race’’ pourrait - elle constituer un critère de rassemblement ? Georges Corm affirme qu’il n’y a pas de « race arabe, au sens de race jaune, de race noire ou de race blanche. Il y a encore moins une race ou une ’’nation’’ islamique, à laquelle appartiendraient les Arabes407 ».

Définir l’identité nationale par un critère ethnique408

est aussi inefficace puisqu’au départ les Arabes se sont mélangés avec les populations conquises ; il n’y a donc pas d’origine culturelle commune. Bien qu’au sens strict une ethnie est constituée de personnes ayant en commun une même langue et une même religion comme marqueurs de son identification, ce qui pourrait faire des libanais un groupe ethnique parlant l’arabe409, ce n’est pas le cas puisqu’ils ont chacun une appartenance religieuse différente (et donc une culture propre).

407 Georges Corm, Le Proche-Orient éclaté, 1956-2007, op. cit., p. 207. En langue arabe, l’étymologie du mot

‘arab sert à désigner l’identité bédouine. Rappelons que la population d’origine de la Péninsule est de souche

sémitique. Les chrétiens se disent Arabes parce qu’ils parlent arabe mais ne sont pas issus des tribus d’Arabie. Ils sont en revanche tous de souche araméenne. Ce qui est commun à tous les libanais : « un fond méditerranéen et sémitique, continuellement remué, au cours des siècles, par des apports immigrés, qui sont constamment absorbés et marqués par l’empreinte libanaise, conformément aux lois de la géographie humaine », in Jawad Boulos, « Le Patrimoine libanais : Le milieu ethnique libanais, la Nation libanaise, Réalité sociales », Les Conférences du Cénacle, n°3-4, Beyrouth, Éd. Le Cénacle libanais (Série : Patrimoine Libanais), 1953, p. 111.

408

Le concept se distingue de celui de race qui concerne les caractères biologiques et morphologiques liés à des ancêtres communs et non à la culture.

409 Chacune des populations conquises possédaient une langue propre. (Nous avons noté à ce sujet que la langue syriaque a été la plus résistante face à l’arabe).

98 Parlons justement de la langue, premier lien unitaire entre les communautés. Ce critère semble stérile tout d’abord parce que la langue arabe (la langue maternelle qui est « l’un des paradoxes fondamentaux qui ont forgé mon identité410 » écrit Amin Maalouf) est avant tout la langue sacrée du Coran, laquelle est bien éloignée de celle parlée par l’ensemble de la population. La langue orale est en effet l’arabe dialectal, le libanais411

. Le lien intime de l’arabe avec l’islam est en outre à l’origine de la controverse sur l’identité, car alors comment être en même temps chrétien et arabe et que penser d’une nation qui se baserait sur les arabophones quand la langue est si fortement associée à l’islam ?

la langue arabe est génitrice de l’islam et à son tour, l’islam a modelé l’arabisme - ou l’arabité412

.

Quelle place accorder alors à l’islam dans son identité, son histoire et sa culture ? Dans un entretien avec Carole Dagher, Michel Hayek justifie le refus d’une arabité ’’musulmane’’ par les chrétiens par le fait que cette arabité ne reconnaît aucun pluralisme, qu’il soit ethnique, intellectuel ou linguistique. Mais il reconnaît par ailleurs que pour un musulman, la langue arabe est « la clé qui donne accès à l’histoire, à leur compréhension de la destinée humaine, au paradis, au dialogue avec Dieu. L’homme arabe et musulman habite sa langue natale, elle est son château - fort413 ».

De plus, la réforme de l’islam qui aurait pu rassembler les libanais sous une même bannière n’a pas eu lieu. En effet, bien que ce soit des chrétiens qui ont commencé à propager ’’l’arabité’’ depuis l’Égypte414

, les intellectuels de la Nahda, en réalité majoritairement des musulmans415, n’ont pas pu moderniser l’islam ou séparer clairement

410 Amin Maalouf, Les Identités meurtrières, op. cit., pp. 23-24. Cet écrivain est chrétien et le fait d’utiliser la langue représentant l’islam est effectivement inattendu.

411 Il est très rare que deux personnes vivant dans le monde arabe puissent se comprendre, à moins d’utiliser oralement la langue écrite et préférant alors s’exprimer en anglais ou en français.

412 Michel Hayek, lors d’un entretien en 1999 avec la journaliste Carole Dagher, « Hommage à un ’’rêveur qui ne se faisait pas d’illusions, mais qui refusait de lâcher prise’’. Le père Michel Hayek percevait la maronité comme ’’un projet de liberté dont le Liban est le symbole’’ », L’Orient-Le Jour, 09 septembre 2005, http://www.lorientlejour.com/article/511874/Hommage_a_un_%3C%3C_reveur_qui_ne_se_faisait_pa s_d%27illusions%2C_mais_qui_refusait_de_lacher_prise_%3E%3ELe_pere_Michel_Hayek_percevait_la_m aronite_c.html, consulté le 18 septembre 2015.

413 Carole Dagher, Le Défi du Liban d’après-guerre. Faites tomber les murs, op. cit., p. 34.

414

Rappelons qu’à la fin du XIXe, le nationalisme était né en se fondant sur la langue contre la politique de ’’turquification’’.

415 Jean Lacouture, Ghassan Tuéni et Gérard Khoury, Un siècle pour rien. Le Moyen-Orient arabe de

l’Empire ottoman à l’Empire américain, op. cit., p. 11. Notons que des intellectuels juifs ont été favorables à

99 l’islam de l’arabité, qui est un fait culturel, une civilisation, une histoire, une façon de se percevoir, une langue, avant d’être politique.

La langue est donc un critère insuffisant et controversé pour être à l’origine de l’unité libanaise.De toute façon, nombreux sont ceux, comme Mounir Chamoun ou Jawad Boulos, qui pensent que la constitution d’une nation ne passe pas sans « volonté de vie commune, (…) [sans une] histoire commune reconnue et acceptée par tous416

», celle qui était chère à Ernest Renan et à Nadia Tuéni. Nicos Poulantzas, quant à lui, observe que la construction d’un État‐nation et d’une identité nationale exige « l’historicité d’un territoire et la territorialisation d’une histoire417

».

Là encore, ces mots font écho à ceux de notre poétesse qui inscrit dans le paysage l’histoire du Liban [en évoquant entre autres les Phéniciens, qu’elle compare à des « oiseaux [qui] savaient déplier la nuit et tracer des ponts de lumière » (AE, 74)418], ou plus largement le Moyen-Orient et les « vastes plateaux où la terre/ raconte » (Ibid.), en racontant par exemple la ville des palmiers, « Jéricho, en deuil de ses murs419 » (JM, 123) ou « Juin [qui] traîne dans les ports » (JM, 138). Mais l’histoire au Liban se caractérise par

416 Mounir Chamoun, « La diversité ethnique et culturelle et la construction nationale : le cas du Liban », op.

cit., p. 95.

417

Guy Di Méo, « Identités et territoires : des rapports accentués en milieu urbain ? », Métropoles, vol. 1, 2007, p. 87, http://metropoles.revues.org/80, consulté le 15 juillet 2015. En dehors de la langue, d’une histoire riche et de la religion, l’identité arabe est aussi lisible à travers des lieux‐symboles, des lieux saints, sacrés, cf. Jean‐François Troin « L’identité arabe », Annales de Géographie, [En ligne], t. 113, n° 638‐639, 2004, pp. 531‐550, http://www.persee.fr/issue/geo_0003-4010_2004_num_113_638, consulté le 3 mars 2016.

418 Le château de « Beaufort » (LVP, 294) a une riche histoire : pour certains historiens, il représentait déjà une position stratégique pendant les périodes biblique et romaine. Pris par Saladin en 1190 puis par les croisés en 1139, il fut occupé par les Templiers jusqu’en 1268. Au XVIIe

siècle, Fakhredine II l’inclut dans son réseau de fortifications. Pendant la guerre civile, le château était tenu par l’OLP pour atteindre le nord d’Israël. « Baalbeck » (LVP, 291) [appelée Héliopolis à l’époque hellénistique] nous ramène à l’époque gréco-romaine, mais on y a relevé des traces plus anciennes de l’époque sémitique. Son histoire remonte au moins à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. « Anjar » fondée au début du VIIIe siècle évoque la dynastie des Omeyyades (LVP, 292), les plafonds de « Beit Eddine » (LVP, 286), dont le palais a été construit par les artistes et artisans les plus habiles de toute la région au début du XIXe siècle à la demande de Bechir II Chéhab, une construction qui suit celle de la ville de « Deir El Kamar » (Ibid.). Le nom de la capitale du Mont-Liban au début du XVIIe siècle (sous le règne de Fakhreddine II) signifie « La demeure de la Lune », car il s'y trouvait un temple romain consacré à la lune. À « Saida » (LVP, 281), dont la citadelle maritime a été édifiée au XIIIe siècle par les croisés sur les restes d’un temple phénicien d’une petite île au nord de la plage, se manifeste l’ombre des Templiers. Dans l’Antiquité (2700 av. J.-C.), « Tyr » (LVP, 282 ; PR, 412) était composée de deux parties, l’une insulaire et l’autre continentale. La couleur pourpre du murex la rend célèbre sans oublier la fondation de Carthage (la « Nouvelle Ville ») en 814 av. J.-C.

419 Selon le récit biblique, Jéricho est la première ville du pays de Canaan conquise par les Hébreux vers 1200 avant J.-C. Le livre de Josué relate la prise de Jéricho et comment, le septième jour après l'arrivée des Hébreux, les murailles de Jéricho s'effondrèrent par la volonté de Dieu.

100 l’absence de consensus sur la guerre de 1975-1990 et l’amnésie qui règne dans les ouvrages d’histoire.

Ce qui fait avorter le sentiment d’appartenance à une nation, c’est surtout le fait que la République libanaise soit formée de communautés dont chacune a dès le départ « une éthique particulière et une culture propre (…) se rappel[le] sa propre histoire, et qui, chacune (…) con[çoit] à sa manière le Liban420

». Ni la langue, ni l’histoire (officielle ou la mémoire de chacun) ne peuvent donc servir de socle à une unité nationale au Liban421. La défense des intérêts de chaque communauté laisse persister la division communautaire et ne va pas dans le sens d’une unification nationale, alors que l’unité d’une nation se construit sur l’égalité422 de l’ensemble de ses citoyens et sans identité intermédiaire (communautaire) entre l’individu et l’identité nationale.

Enfin, une nation d’identité uniquement basée sur l’islam, donc issue d’une « vision monothéiste du monde423 », ne peut être partagée424 puisqu’elle rejette le pluriculturalisme. En effet, la communauté musulmane, devenue largement majoritaire, a toujours fait le vœu d’« une seule nation en raison de leur langue commune et de leur appartenance dominante à l’islam425

», ce qui explique que :

le consensus qui devrait rassembler la population sur des questions qui transcendent les communautés qui la constitue (…) [et] même la loyauté nationale exprimée par les leaders de ces ’’fragments communautaires’’ n’est pas une preuve

420 Kamal Salibi, Histoire du Liban du XVIIe siècle à nos jours, op. cit., p. 352.

421 L’Angleterre et l’Irlande parlent la même langue mais n’arrivent pas à constituer une seule nation. La