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L’œuvre et son ’’milieu’’

Chapitre 1 Présentation générale du Liban

2. Des communautés influentes 148

2.1. Les chrétiens du Liban 178

Ces derniers ont, du moins aux yeux des autres communautés, bénéficié de l’appui et d’avantages de la part des Français depuis le XIXe

siècle179 - et même depuis les Capitulations signées par François Ier en 1536 - qui ont plus que mécontenté les musulmans lors de l’établissement du Pacte national. Nous n’évoquerons pas en détail les douze communautés qui composent ce groupe mais privilégions celles dont les membres sont les plus nombreux.

2.1.1. Les Maronites

Parmi les groupes dissidents qui apparaissent après les différents schismes dans l’Église se trouve au nord de la Syrie un groupe de moines maronites, du nom de l’ermite Maroun. Venus du nord de la Syrie pour fuir les conquérants musulmans et échapper aux persécutions byzantines, ils s’installent sur les bords de l’Oronte et les vallées de l’Anti-Liban vers le VIe siècle puis au nord du Mont-Liban au VIIe siècle où ils fondent leur Église. Ils se réfèrent aux Phéniciens en ce qui concerne leur identité.

En tant que nouveaux arrivants (…) [ils] auraient eu des raisons de s’établir comme communauté chrétienne distincte - ne serait-ce que pour se distinguer des communautés arabes (…) existant à cet endroit180

.

Ils y sont rejoints par les marada181 (une tribu chrétienne du VIIe siècle, des rebelles opposés à Byzance et que certains voudront considérer comme les ’’vrais’’ ancêtres des

177 Quant aux solutions trouvées dans les religions (comme l’islam primitif), elles ne susciteront que de nouvelles tensions et d’autres violences.

178

Cf. #carte Annexe n°. 4 (p. 448) pour la répartition confessionnelle sur le territoire libanais.

179

La route de la soie (des soyeux français étant installés au Liban) contribua à la création de l’Université Saint-Joseph et donc à l’implantation du français au Liban.

180 Fabiola Azar, Construction identitaire et appartenance confessionnelle au Liban, op. cit., p. 50.

48 Maronites) au nord du Liban182 entre le VIIe et le XIe siècle, constituant une importante ’’identité’’ chrétienne au Mont-Liban. Ils migreront ensuite vers le sud, encouragés par les émirs Maan et Chéhab183. Leurs descendants se revendiquent comme les plus anciens chrétiens de la région et donc comme étant les fondateurs du Liban (rappelons que le cœur du Liban est la montagne libanaise184). Ils ne quitteront jamais leur territoire (leur nombre augmentera même) malgré les persécutions qu’ils devront subir au cours de la domination ottomane.

Ils engagent des relations fructueuses avec la France dès le XVIe siècle, à l’époque de François Ier et de l’Émir Fakhreddine185. Grâce aux Capitulations ottomanes, la France, que ces chrétiens ont toujours considérée comme la mère-patrie, a pu protéger leurs navires marchands. Ces liens ont été renforcés par Louis XIV avec l’envoi de missionnaires catholiques français, puis par l’intervention militaire de Napoléon III lors du conflit de 1860. Considérés comme le groupe le plus puissant parmi les confessions chrétiennes libanaises, les Maronites sont les acteurs du commerce franco-libanais et « Profitant de ses amitiés avec la France, [ils se sont] présenté[s] pour réclamer la création du Grand-Liban et son indépendance de ce qu’on appelait la Syrie historique186

». Ils participent en effet activement à la formation du Grand Liban en 1920, grâce à leur Patriarche, Elias Hoyek et supposent que le territoire libanais leur appartient et doit être un refuge pour toutes les autres minorités qui résistent à la présence arabo-musulmane. Partisans d’une libanité, d’un

182 Jusqu’à la Première Guerre mondiale, le Liban se limitait au Mont-Liban. Un élargissement du noyau montagnard a lieu en intégrant la plaine de la Békaa et le littoral en 1920.

183

Kamal Salibi, Histoire du Liban contemporain, Beyrouth, Dar an-Nahar, [The Modern History of

Lebanon, trad. Sylvie Besse, New-York: Praeger, 1ère Éd. 1965] 7e Éd., 1996, p. 20.

184 Le président de la République doit être maronite en référence à cette origine.

185 Druze élevé par des Maronites il « prend un Maronite pour ministre, laisse planer le doute sur sa foi personnelle afin d’être considéré comme le chef de tous, assure positivement à toutes les communautés la liberté du culte et l’égalité des droits, et mesure exclusivement ses faveurs à la compétence des sujets et à leur utilité pour le pays », dit à son sujet Sélim Abou, in Le Bilinguisme arabe-français au Liban, Essai

d’anthropologie culturelle, Paris, P.U.F., 1962, p. 62.

186 Le Bilad el-Cham comprenait alors la Syrie, le Liban, Israël, la Jordanie, la Palestine, le Sinaï, certaines parties de l’Irak, in Fabiola Azar, Construction identitaire et appartenance confessionnelle au Liban, op. cit., p. 51.

49 Liban d’origine phénicienne187

en lieu et place d’un Liban ancré dans son environnement arabe, ils ont par exemple longtemps conservé le syriaque avant d’adopter l’arabe188.

Hormis les Maronites, fidèles à Rome, la communauté chrétienne comporte des Grecs orthodoxes et Grecs catholiques issus de la division des Églises orthodoxes de Byzance.

2.1.2. Les Grecs orthodoxes

Ils arrivent sur la côte libanaise immédiatement après les Maronites mais se considèrent, en tant que chrétiens d’Orient, comme les premiers chrétiens de cette région. Ils n’aiment pas les Maronites et ont tout fait dès leur installation pour s’en démarquer. Contrairement aux Maronites qui sont dans les villages de la Montagne libanaise, les Orthodoxes sont des citadins. D’autre part, leurs racines sont clairement orientales189 mais leur communauté a été particulièrement déchirée entre son appartenance politique et son appartenance religieuse, les uns adhérant au nationalisme arabe et à la cause palestinienne, les autres, prenant fait et cause pour les pro-phéniciens et pro-occidentaux et accusant toujours cette communauté d’avoir été ’’pro arabisée’’. Michaël Davie note qu’ils ont pourtant toujours négocié :

Ils coexistent avec toutes les autres communautés, sans exception, et ont intimement partagé leur histoire190.

2.1.3. Les Grecs catholiques ou Melkites

Ils se sentent, comme leurs homologues orthodoxes, proches d’un Liban arabe mais aussi des valeurs occidentales. Ils sont essentiellement regroupés dans la Békaa à Zahlé et à l’est de Saïda.

La ’’géographie’’ libanaise suit donc la séparation confessionnelle : les Maronites sont établis dans la montagne, les Grecs orthodoxes sur le littoral et les Grecs catholiques entre la côte et la montagne. Dans l’ensemble de son œuvre, notre auteure préfère évoquer

187 Au IVe millénaire av. J.-C., arrivée de la première population attestée au Liban : les Cananéens, ancêtres des Phéniciens. Au IIIe millénaire, premières cités marchandes telles que Byblos, Beyrouth, Sidon et Tyr,

https://www.clio.fr/CHRONOLOGIE/pdf/pdf_chronologie_le_liban.pdf, consulté le 28 septembre 2015.

188 Avant la conquête arabe, on était trilingue sur l’actuel territoire libanais : la population parlait syriaque ou araméen, latin et grec.

189

Une tendance influencée par l’Église russe. Cf. Régina Sneifer-Perri, Guerres maronites, 1975-1990, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 25.

190 Michaël Davie, « Lieux, espaces, territoires et identités des grecs orthodoxes du Proche-Orient »,

Espacestemps.net, [En ligne], 27 juin 2011, pp. 1-21, http://www.espacestemps.net /articles/lieux-espaces-territoires-et-identites-des-grecs-orthodoxes-du-proche-orient/?output=pdf, consulté le 20 septembre 2014.

50 les deux principales communautés, chrétienne et musulmane, en les faisant intimement dialoguer, les mosquées étant à côté des églises, en excluant les mensonges et les apparences puisque « flanc de minaret, / contre entrailles d’église » (AS, 321).