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66 La directive Seveso est le nom générique d'une série de directives européennes qui imposent aux États membres de l'Union

européenne d'identifier les sites industriels présentant des risques d'accidents majeurs, appelés « sites Seveso », et d'y maintenir un haut niveau de prévention.

Trois établissements classés SEVESO ont ainsi bénéficié d’un Plan particulier d’intervention (PPI)67, et autant

ont fait l’objet d’un Plan de prévention des risques technologiques (PPRT)68. Par ailleurs, les infrastructures

industrielles et le transport de marchandises occasionnent une exposition des populations locales au bruit. L’ensemble de ces problématiques environnementales souligne l’importance de l’intégration de l’environnement dans les projets territoriaux.

Ces enjeux démontrent, en partie, les limites atteintes par les modèles urbano-industriels classiques du point de vue de leurs empreintes écologiques croissantes. Ils donnent la possibilité de s’interroger sur l’engagement des acteurs territoriaux à modifier radicalement leur manière de produire et/ou de consommer dans la ville d’une part, et d’aménager la ville d’autre part. Aussi soulignent-ils la nécessité de construire de nouveaux modèles écologiques qui peuvent l’être au travers de mesures incrémentales et simples à adapter. Cependant, les réponses à apporter doivent être à la hauteur de la difficulté des questions soulevées.

À cet effet, les démarches d’écologie industrielle qui émergent sur le territoire rochelais constituent des leviers d’actions pouvant aider à saisir un ensemble de jeux d’acteurs au service de la ville soutenable. Dans le cadre de ma recherche, je m’intéresse particulièrement à la démarche MER construite progressivement autour d’une pluralité d’acteurs.

5.4. Le réseau d’acteurs de la démarche MER : preuve d’une dynamique portuaire

Constituant l’une des zones d’activités majeures de l’agglomération de La Rochelle, Port Atlantique La Rochelle se distingue aussi comme un espace clef de la dynamique locale de préservation des aménités environnementales. À cet effet, Grand Port Maritime La Rochelle et l’Union Maritime69 ont engagé, en 2016, une

démarche d’ÉIT. Cette démarche – soutenue par l’ADEME et la Région Nouvelle Aquitaine – s’appuie sur une multitude d’acteurs, notamment des entreprises portuaires. La structuration du réseau permet de mettre en évidence les six catégories de fonctions et/ou de rôles liées aux différents acteurs, telles que définies par Brullot (2009), d’une démarche d’ÉIT (Figure 11).

67 Le PPI est élaboré pour garantir la sécurité des populations autour des établissements classés SEVESO seuil haut en cas d’accident

majeur dont les effets dépasseraient les limites du site.

68 Le PPRT est un outil de maîtrise de l’urbanisation existante et future qui prévoit un certain nombre de mesures foncières (droit de

délaissement), limitation ou interdiction de construire et des mesures de renforcement du bâti.

Figure 11 : Rôle des acteurs de la démarche MER

Comme on le verra plus tard, ce réseau se caractérise à la fois par une forme de complémentarité entre les acteurs mais aussi par une certaine dépendance entre eux. Néanmoins, le port de La Rochelle – acteur public – se distingue considérablement des autres dans l’animation et la coordination. Le financement est entièrement pris en charge par les collectivités territoriales et des organismes publics. En outre, les échanges de flux n’étant déployés qu’auprès des entreprises (acteurs opérationnels), ce qui fait lourdement reposer les synergies industrielles sur les structures économiques (entreprises, commerces, etc.). Dans ce contexte, la diversité de profils est fondamentale pour l’échange des matières.

5.4.1. Un tissu de PME d’entreprises de services

La démarche MER mobilise des entreprises de différentes filières d’activités : agriculture (céréales, vrac, engrais, alimentation agroalimentaire, par exemple), hydrocarbures, produits forestiers et papetiers, industries manufacturières, logistique, transport de marchandises, réparation et construction navales, etc70. (Graphique

10).

70 En 2018, ces différentes entreprises représentent 1573 salariés (emplois directs) pour un chiffre d’affaires global dépassant les 220

Graphique 10 : Répartition des entreprises par filières d’activités dans la démarche MER

Réal : Auteur, Données : Port Atlantique La Rochelle, mars 2019 Dans ce réseau, les filières de services aux entreprises sont davantage représentées. Elles concernent la maintenance, l’outillage et le nettoiement, le pilotage, le remorquage de navires, la réparation et la construction navale, etc. Les filières des vracs agricoles, de l’industrie et de la manufacture, de la logistique et du transport constituent le deuxième pôle d’activités mobilisé par la démarche. Plus spécifiquement, les industries sont, entre autres, spécialisées dans la production du ciment, la confection et la location de bennes de collecte et recyclage de fers et métaux, ou la galvanisation industrielle. La forte présence d’entreprises de services aux navires s’explique par le tissu productif du port constitué de PME71. Les entreprises portuaires ont en moyenne 50

salariés, et opèrent depuis au moins 30 ans72. Par ailleurs, les performances économiques de ces entreprises

sont à relativiser avec le poids économique de l’espace portuaire.

71 Plus de la moitié des entreprises du réseau affichent un effectif de personnel de moins de 30 salariés.

72 Cela coïncide avec le début des années 90, considéré comme la période d’après crise durant laquelle des programmes d’implantation

5.4.2. Entre réussites et difficultés économiques

Bien que l’activité économique du domaine portuaire soit en nette progression, les entreprises de la démarche MER restent soumises à quelques difficultés économiques. En effet, la vingtaine d’entreprises pour lesquelles nous disposons d’informations sur les performances économiques, en 2018, présente des résultats nets faibles. Estimés en moyenne à 61 420 euros, ces faibles bénéfices sont dus aux entreprises de la filière agricole. Celles- ci connaissent une baisse de production, des difficultés liées au secteur d’activités.

Néanmoins, il faut souligner la performance économique de certaines entreprises de services. À titre d’exemple, une entreprise spécialisée dans les installations électriques industrielles et marines a connu une hausse de 342,7% de son bénéfice net entre 2017 et 2018. Une autre entreprise proposant de multiples services aux navires a, quant à elle, vu son bénéfice net progresser de 681,48% entre 2017 et 2018. Au-delà des enjeux de performances économiques, le réseau est marqué par des dépendances techniques et économiques majeures entre certaines entreprises.

5.4.3. Des liens d’actionnariat préexistants

À l’instar du réseau de symbiose industrielle de Kamouraska, la démarche MER est marquée par des liens relationnels préexistants entre certaines entreprises (Figure 12). Ainsi, neuf entreprises possèdent le même actionnaire, lui aussi membre du réseau. Et ce dernier se préparait, en 2019, à racheter une autre entreprise présente dans la démarche. De plus, Grand Port Maritime La Rochelle est aussi actionnaire principal d’une entreprise du transport et de logistique portuaire.

Figure 12 : Liens d’actionnariat entre des entreprises de la démarche MER

Ces interdépendances, au sein du réseau d’acteurs, constituent à priori un avantage pour la démarche. Il s’agit s’une forme de proximité relationnelle qui devrait faciliter les échanges de flux. À l’instar du Kamouraska, cette situation interroge sur la prise en compte des interdépendances dans la résilience et la vulnérabilité des projets (Chapitre 7). Cette proximité relationnelle s’articule à des liens géographiques et institutionnels entre les entreprises, notamment sur la question écologique, comme présenté dans le paragraphe suivant.

5.4.4. Entre proximité géographique et valeurs écologiques

Si la démarche MER résulte de la mobilisation d’une quarantaine d’entreprises ayant fait l’objet d’un diagnostic individuel de flux, et d’une demi-douzaine d’acteurs institutionnels allant de la zone portuaire à la région Nouvelle Aquitaine, elle bénéfice aussi de la proximité géographique entre les entreprises portuaires. Elle peut aussi compter sur la présence d’autres parties prenantes situées non loin du domaine portuaire (Carte 10).