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Luli2000 : volet numérique

8.2 Simulations sans endommagement

À la différence des chocs 1D présentés au chapitre 4, les chocs lasers Luli2000 sont très intenses mais aussi très brefs, et leur forme spatiale ajoute à leur complexité. De plus, le modèle POREQST n’a pas été totalement validé. Nous allons donc réaliser une étude numérique par étape, en commençant par des simulations sans endommagement.

8.2.1 Tirs représentatifs

Nous choisissons de commencer l’étude sur le graphite par quatre tirs représentatifs des quatre régimes d’endommagement identifiés au chapitre 7. Les tirs N13, S7, N9 et S17 correspondent respectivement aux régimes E1 à E4. Leurs principales caractéris-tiques sont rappelées en table 8.3.

Table 8.3 – Principales caractéristiques de quatre tirs sur EDM3 représentatifs des quatre régimes d’endommagement identifiés au chapitre 7.

Régime Tir Épaisseur d’éch. Intensité max. Im Vitesse max. Um (mm) (TW.cm−2) (m.s−1) E1 N13 2 3,11 99 E2 S7 0,75 0,89 169 E3 N9 1 3,50 332 E4 S17 0,75 4,00 564 8.2.2 Vérification de la calibration

Après l’étape de calibration, il convient de vérifier que les énergies ajustées donnent des résultats satisfaisants en terme de vitesse de surface libre pour les tirs sur EDM3. En effet, si les modèles d’absorption et de plasma de l’aluminium et du tantale sont jugés fiables, car reposant sur de nombreuses données expérimentales, ce n’est pas le cas de ceux du carbone. De plus, lors du chapitre 4 nous avons émis quelques réserves sur la capacité de la partie poreuse de POREQST à reproduire les vitesses des ondes de détente dans l’EDM3. Or, dans un matériau poreux, les détentes jouent un rôle prépondérant car leur vitesse est très supérieure à celle des chocs. C’est d’autant plus vrai dans le cas de chocs très brefs par rapport à l’épaisseur des cibles tels que ceux générés par laser : les détentes ont le temps de rattraper le front de choc et de l’atténuer. L’enjeu est d’être en mesure d’étudier les mécanismes responsables des quatre différents régimes d’endommagement.

Les calculs sont réalisés sans endommagement avec FCI2 et Hésione suivant la pro-cédure décrite plus haut. Le modèle POREQST de l’EDM3 est utilisé dans sa version originale – c’est-à-dire avec une surface élastique initiale – car s’il reproduit assez mal les courbures du front de montée en vitesse, il est plus fidèle à l’expérience en terme de chronologie. Nous utilisons le jeu de limite élastique LE1 donné au chapitre 4. Hésione fournit les vitesses de surface libre des échantillons que nous présentons en figure 8.5 au côté des mesures VISAR.

Figure 8.5 – Première confrontation expérience-simulation pour la vitesse de surface libre des tirs N13, S7, N9 et S17 sur graphite. La simulation (S) avec POREQST est

systématiquement en-dessous de la vitesse mesurée par le VISAR (E).

Notons que les simulations avec la limite élastique LE2 et/ou sans surface élastique initiale, que nous ne présentons pas ici, donnent des résultats similaires à quelques pourcents près. Il apparaît que les vitesses de surface libre sont largement sous-estimées par la simulation – jusqu’à 44% dans le cas du tir N13 – et ce, pour l’ensemble des quatre tirs. Ces erreurs peuvent avoir plusieurs origines :

Les mesures expérimentales : la vitesse de surface libre mesurée par le VISAR est plus élevée que la réalité ;

La calibration : la quantité d’énergie réellement présente dans la zone utile de la tache focale a été mal évaluée pour chaque chaîne lors du processus de calibration ; Les calculs FCI2 : les modèles d’absorption et de plasma du carbone ne sont pas

va-lides dans le régime considéré et faussent la pression d’ablation ainsi que les détentes générées par l’expansion du plasma ;

Les calculs Hésione : POREQST modélise mal les détentes dans l’EDM3.

La première hypothèse peut être écartée d’emblée. Lors d’une expérience, il peut arri-ver que le point de focalisation du faisceau VISAR soit mal aligné sur le centre de la tache focale. Cependant, dans le cas d’une tache focale gaussienne, la vitesse mesurée serait alors trop faible et non trop élevée. Par ailleurs, les mesures VH présentées au chapitre 7 confirment peu ou prou les mesures VISAR. La seconde hypothèse peut aussi être écartée car nous avons vu que l’erreur liée à l’étape de calibration ne va pas au-delà de +/-15% .

Reste donc la modélisation du graphite dans FCI2 et dans Hésione. Ces deux origines peuvent avoir des effets qui se conjuguent. Si ce sont bien elles qui sont en cause, la modélisation de la détente du plasma doit fortement influencer le niveau maximum de la vitesse de surface libre.

8.2.3 Influence de la détente du plasma

Prenons en exemple le tir S7. La figure 8.6 compare les différentes extrapolations que nous avons utilisées après 10 ns pour prolonger la pression d’ablation jusqu’à zéro.

Figure 8.6 – Différentes extrapolations de la loi de pression du tir S7. La plus vrai-semblable semble être la loi de puissance.

La première suit une loi de puissance décrite par l’équation 8.4. C’est celle qui a été utilisée pour la simulation de la figure 8.5. Une autre est une prolongation linéaire entre la pression à 10 ns et une pression nulle à 100 ns. La même prolongation mais jusqu’à une valeur de 13 ns permet de représenter une détente qui suit approximative-ment la tangente au dernier point. Enfin, nous testons aussi un retour brutal à pression nulle immédiatement après 10 ns, c’est-à-dire que nous utilisons sans modification la pression d’ablation fournie par le calcul FCI2. Nous donnons en figure 8.7 les vitesses de surface libre calculées par Hésione pour chacune de ces lois de pression.

On constate qu’aucune de ces extrapolations ne restitue correctement la vitesse maxi-mum de la surface libre du tir S7. Le calcul avec la prolongation linéaire jusqu’à 13 ns et celui avec la loi de puissance se superposent presque parfaitement au calcul sans

Figure 8.7 – Effets des différentes méthodes d’extrapolation de la pression d’ablation sur le niveau de vitesse de la surface libre du tir S7.

prolongation après 10 ns. Le calcul avec la prolongation linéaire jusqu’à 100 ns – hy-pothèse très exagérée – aboutit à une vitesse de surface libre légèrement trop élevée. Ces observations mettent en évidence l’importance des détentes dans ces expériences de choc laser. Cela confirme que la modélisation du graphite dans FCI2 et/ou dans Hésione présente certaines limites. Ainsi, la validité de la partie plasma à basse den-sité de l’équation d’état SESAME 7832 n’est peut-être pas assurée. Mais les brusques décroissances de vitesse immédiatement après le premier choc, que l’on n’observe pas expérimentalement, suggèrent aussi un problème de modélisation des vitesses des ondes de détente dans POREQST : c’est une possibilité que nous avons déjà évoquée pour le tir Garance (cf. section 4.3) et qui expliquerait les vitesses de surface libre trop faibles avec l’extrapolation en loi de puissance – la plus plausible. Finalement, la pré-dominance de l’une ou l’autre de ces deux hypothèses sur la seconde ne peut être démontrée car il est probable que leurs effets s’ajoutent ou se compensent.

8.2.4 Mise en évidence du problème

Partons du principe que l’erreur induite par les modèles d’absorption et de plasma du carbone dans FCI2 est du même ordre de grandeur que pour l’aluminium et le tantale, c’est-à-dire +/-15%. Un faisceau d’indices nous porte alors à croire que la modélisation des ondes de détente de la partie poreuse de POREQST n’est pas fidèle à la réalité.

Parmi tous les tirs de la campagne, le S14 se distingue par le fait que l’on décèle sur son signal VISAR au moins un aller et retour de l’onde de choc dans la cible. En effet, ce tir ayant eu lieu à bas niveau, la surface libre s’est peu déformée sous l’effet du choc permettant au signal VISAR de ne pas être perdu trop précocément. Ses principales caractéristiques sont rappelées en table 8.4.

Table 8.4 – Principales caractéristiques du tir S14.

Régime Tir Épaisseur Intensité max. Im Vitesse max. Um (mm) (TW.cm−2) (m.s−1)

E1 (seuil) S14 0,75 0,26 97

La figure 8.8 compare le signal VISAR expérimental et la vitesse de surface libre obte-nue par une simulation sans endommagement avec le modèle POREQST original. Elle met en évidence trois différences majeures que l’on peut expliquer par une mauvaise modélisation des ondes de détentes dans POREQST. Ainsi, la vitesse maximum simu-lée du premier choc est inférieure de 25% à l’expérience, ce qui peut s’expliquer par le rattrapage trop rapide du choc par les détentes qui le suivent. Ensuite, la pente de la détente qui suit le premier choc est plus faible expérimentalement, ce qui suggère aussi des détentes trop rapides. Enfin, la durée d’un aller et retour d’onde dans la cible – l’écart de temps entre le premier et le second choc – est trop courte, ce qui traduit une fois encore des vitesses de détente sur-estimées.

En l’état, le modèle POREQST exagère donc les vitesses des ondes de détente dans l’EDM3. Il est probable que son comportement dynamique en détente soit le même que celui constaté lors de l’essai statique de compression confinée cyclée : c’est-à-dire un comportement en compression-détente en forme d’hystérésis qui induit un retour à la densité initiale plutôt qu’une compaction résiduelle. En effet, cela aurait pour effet de ralentir les ondes de détente sur certaines plages de pression.

Ainsi, une évolution de POREQST est nécessaire car l’endommagement et la fissura-tion des cibles que nous avons observés au chapitre 7 résultent de tracfissura-tions générées par le croisement des ondes de détente réfléchies sur la face arrière avec celles qui suivent le choc incident. Or, si leurs vitesses ne sont pas correctes, leur croisement n’a pas lieu au bon endroit.

Figure 8.8 – Vitesse de surface libre expérimentale et numérique du tir S14 avec PO-REQST. L’apparition précoce d’un second choc lors de la simulation met en évidence

un problème de modélisation des vitesses des ondes de détente.