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7.3 Corrélation des diagnostics et discussions

7.3.3 Caractérisation de l’endommagement

Tomographies des cibles Lors des essais MICA, nous avons vu que l’endomma-gement en profondeur de la cible, se manifestait sous plusieurs formes : fissuration, multi-fragmentation voire pulvérisation de la matière. Dans le cas des tirs Luli2000, les choses semblent assez différentes. Ainsi, les figures 7.12 et 7.13 tendent à montrer que l’endommagement sous-surfacique se manifeste principalement à travers de longues fissures coniques. C’est vrai pour tous les tirs jusqu’au régime E2 compris. Malheu-reusement, pour les tirs des régimes E3 et E4, les cibles n’ont pas pu être récupérées. Les fortes flexions provoquées aux temps longs par le chargement laser les ont brisées en plusieurs morceaux qui n’ont pas été retrouvés.

Le tir S12 est particulièrement intéressant car il permet de constater la manière dont se forment les cratères de la face avant grâce à la figure 7.13(c). Une fissure se propage depuis la profondeur jusqu’à la surface menant vraisemblablement à l’éjection d’un bloc de matière pas ou peu fragmenté et ce, malgré le fait que la face avant de la cible a vu des pressions de l’ordre de 40 GPa. Notons que, même si la pression de transition graphite-diamant est largement dépassée, il est peu probable qu’une phase de diamant ait été créée.

Tomographies des débris Les débris des tirs N26 (E2) et S27 (E3) ont été récupérés grâce à des collecteurs de varagel puis tomographiés afin d’analyser leur population. La figure 7.14 présente le résultat de cette analyse pour chacun des deux tirs en traçant le volume cumulé de débris en fonction du volume de particule. Les cibles de ces deux tirs font la même épaisseur, soit 1 mm. Afin de pouvoir les comparer, nous négligeons le potentiel effet de la forme du faisceau laser sur le volume de particules éjectées. Contrairement à ce que l’on aurait pu anticiper, le volume de matière éjecté lors du tir à bas niveau (N26) est près de quatre fois supérieur à celui du tir à plus haut niveau (S27). Cette différence provient entièrement du débris en forme de soucoupe observé dans le régime E2, puisqu’il représente près des trois quarts du volume total des débris. Si on l’exclut, les volumes redeviennent équivalents.

Figure 7.14 – Volume cumulé de débris en fonction du volume de particule. Le vo-lume de matière éjectée est plus élevé pour le régime d’endommagement le plus

faible (E2). Les particules sont plus petites pour le régime le plus élevé (E3).

On remarque aussi des différences en terme de population de débris. Les particules dont le volume est compris entre 0,01 et 0,1 mm3sont plus nombreuses pour le tir S27 (E3) que pour le tir N26 (E2). C’est l’inverse qui se produit pour les particules ayant un volume entre 0,1 et 1 mm3. Ces mesures vont dans le sens des observations visuelles qui montrent que la taille des débris diminue avec le niveau de sollicitation. D’après les travaux de Grady [142], cela suggère que la vitesse de déformation est plus élevée lorsque l’on atteint le régime E3 que lorsque l’on se situe dans E2.

Endommagement in-situ L’imagerie laser, grâce à la grille qu’elle projette sur la face arrière des cibles, peut aussi servir à caractériser l’état de l’endommagement surfa-cique à un ou plusieurs instants particuliers au cours du tir. Prenons le tir S27 dont une vue de la face arrière après 3,4 µs a été présentée en figure 7.5. La méthode d’optique numérique développée par Pierre-Antoine Frugier du CEA DIF utilise la déformation des lignes de la grille lagrangienne projetée afin d’évaluer la position de chaque point de l’image dans le repère de la cible. Un seuillage en niveaux de gris permet ensuite d’isoler les fissures naissantes. On obtient finalement la carte 2D de la figure 7.15 [150] où apparaissent leur position et leur géométrie ainsi que la position de chaque point de la surface par rapport à la surface initiale.

Figure 7.15 – Reconstruction de la face arrière du tir S27 grâce à l’imagerie laser [150]. Les couleurs donnent la distance de chaque point par rapport à la position initiale de la surface, soit le déplacement suivant l’axe x. Quelques artefacts apparaissent car la

méthode en est encore à ses débuts. Les échelles sont en millimètres.

7.4 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté des expériences de chocs lasers sur des cibles minces d’EDM3 réalisées sur le laser Luli2000. Nous avons d’abord la configuration expérimentale avec les nombreux diagnostics utilisés : VISAR, VH, ombroscopie laser, imagerie laser. Une attention particulière a été portée sur la caractérisation de la tache focale de chaque chaîne ainsi que sur la forme temporelle de l’impulsion laser.

Une première analyse des vitesses de surface libre enregistrées par le VISAR nous a permis de mettre en exergue les différences entre les chaînes nord et sud. La théorie des chocs, en utilisant une approximation acoustique, nous a donné une estimation du niveau de sollicitation vu par la face arrière de chaque cible d’EDM3. Celui-ci est très faible en comparaison de la pression d’ablation évaluée grâce à la formule de Grün : une forte atténuation, principalement due à la vitesse des détentes bien supérieure à la vitesse des chocs dans les poreux.

Le signal VISAR étant perdu avant même les premiers signes d’un endommagement, c’est la VH qui est utile sur les temps longs. Pour certains tirs, un pull-back est visible même s’il convient de distinguer l’endommagement qui est constaté ici du phéno-mène d’écaillage plan auquel ce terme fait référence. Cependant, la complexité d’une

partie des signaux justifiait le dépouillement croisé des systèmes de vélocimétrie et d’imagerie rapide.

La corrélation de tous les diagnostics nous a permis de mieux comprendre les diffé-rents phénomènes d’endommagements des cibles. En fonction de l’aspect des frag-ments et de la vitesse de surface libre de la cible, nous avons identifié quatre régimes d’endommagement nommés E1 à E4. Dans le premier, la rupture du matériau en-gendre une écaille conique qui est éjectée de la cible. La vitesse maximum de la surface libre est de l’ordre de 100 m.s−1. Pour le second, on constate la formation d’un double écaillage, constitué d’un premier niveau multi-fragmenté et d’un second niveau en un seul bloc ayant la forme d’une soucoupe. Les vitesses de surface libre sont ici com-prises entre 163 et 194 m.s−1. Le régime E3 est caractérisé par une multi-fragmentation de la cible constituée de plusieurs niveaux de débris, et par une vitesse de surface libre entre 272 et 332 m.s−1. À des vitesses allant de 511 à 564 m.s−1on retrouve le dernier régime. L’endommagement de la matière se manifeste par la création d’une sphère de débris en expansion.

Certains tirs n’entrent pas dans ce classement en quatre régimes d’endommagement. Des tomographies post-mortem des cibles concernées ont révélé, pour la plupart d’entre elles, des fissures sous-surfaciques qui laissent penser que ces tirs se placent à des seuils entre deux régimes. L’interprétation est néanmoins plus difficile pour les cibles plus épaisses. Sur celles-ci, l’existence d’un cratère en face avant et les fissures coniques dirigées vers la face arrière rappellent vaguement les tirs de perforation MICA. Dans les cibles qui ont pu être récupérées, l’endommagement se manifeste principa-lement par d’importantes fissures coniques et non par de la fragmentation comme on a pu le voir sur les tirs MICA. Une analyse de la population de débris de tirs issus des régimes E2 et E3 a été faite. Plus la sollicitation est importante, plus la taille des débris semble diminuer, tout comme le volume de matière éjectée. Par ailleurs, l’ima-gerie laser a fait ses preuves quant à sa capacité à reconstruire la déformation de la face arrière à un instant particulier au cours du tir, ainsi que la position des fissures surfaciques.

Finalement, les données expérimentales complémentaires accumulées lors de cette campagne ont fait apparaître des phénomènes d’endommagement complexes, très différents selon le niveau de sollicitation. La connaissance du dépôt laser et les tirs de calibration sur aluminium et tantale vont nous permettre de réaliser des simu-lations numériques fines. La géométrie des expériences suggère que des calculs 2D-axisymétriques nous aideront à mieux appréhender les mécanismes à l’origine de ces endommagement tout en maîtrisant les coûts. C’est l’objet du chapitre qui suit.