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7.2 Exploitation de la vélocimétrie

7.2.2 Niveaux de sollicitation

Signalons que des efforts particuliers ont été menés afin de connaître les décalages temporels induits par le système de synchronisation de l’installation laser et par les optiques et l’électronique du VISAR lui-même. Cela nous a permis de trouver le t0

absolu et de recaler les signaux à +/- 2 nanosecondes près. En effet, l’instant de dé-bouché du choc par rapport au tir nous renseigne sur la vitesse de l’onde ce qui est utile pour la validation des modèles numériques. La figure 7.4 rassemble les mesures VISAR réalisées lors des tirs sur EDM3.

La campagne a couvert une grande étendue de sollicitation puisque les vitesses de surface libre vont de 50 à 560 m.s−1. En utilisant l’approximation acoustique, on peut estimer grossièrement la pression maximum Pm du choc débouchant en face arrière des cibles avec l’expression :

Pm = 1

2ρ0C0Um (7.1)

avec ρ0 la densité intiale du graphite, C0 la vitesse du son et Um la vitesse maximum de surface libre. La pression Pm de chaque tir est donné en table 7.2 allant de 0,1 à 1,1 GPa. Toutefois, celle-ci doit être considérée avec précaution. Car si l’approximation acoustique est bien adaptée aux matériaux denses où la vitesse du son varie relative-ment peu avec la pression, elle est plus hasardeuse dans le cas de l’EDM3 qui est un poreux. En effet, puisque C2

(a) Tirs de la chaîne nord. (b) Tirs de la chaîne sud.

Figure 7.4 – Signaux VISAR des tirs sur graphite EDM3. Le bruit a été réduit.

chapitre 2, sa vitesse du son sous choc varie fortement en fonction de la pression, tout comme sa vitesse du son en détente.

Il peut être intéressant de comparer Pm à la pression d’ablation subie par la face avant. Dans le cas de l’aluminium la formule de Grün [105] donne de bons résultats :

Pab=1440  0,8 Im 105 0,8 (7.2) où Pab est la pression d’ablation en GPa et Im l’intensité laser maximum exprimée en GW.cm−2. Il n’existe pas de telle loi pour le graphite mais nous avons montré que pour des intensités proche du TW.cm−2, la formule de Grün donne de bons ordres de grandeur [130]. Il est néanmoins difficile de déterminer une intensité maximum avec une tache focale gaussienne. L’intensité que nous utilisons ici est une intensité équivalente calculée après calibration dans le cas d’une tache focale homogène dont le diamètre permet de conserver la puissance. La table 7.2 donne la pression d’ablation de chaque tir calculée avec l’équation 7.2.

On remarquera qu’il y a une grande différence entre Pab et Pm. Cela prouve une forte atténuation du choc lors de sa propagation dans le graphite. Ce phénomène est lié à l’épaisseur des cibles et à la faible durée de l’impulsion laser et donc du choc, mais aussi à une caractéristique des matériaux poreux bien connue à laquelle nous avons déjà fait allusion auparavant : les vitesses des ondes de détente sont très supérieures à celle des ondes de choc.

e 7. Campagne expérimentale Luli 2000 127

Table 7.2 – La pression maximum vue par la face arrière des cibles est estimée grâce à la vitesse de surface libre Umet à l’équation 7.1. Lors des tirs sans VISAR qui apparaîssent ici marqués d’un astérisque, Umest relevée sur les spectrogrammes VH. La pression d’ablation Pabest calculée

à partir de l’intensité laser maximum calibrée Imet de l’équation 7.2.

Numéro de tir 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15* 16 17 18 26* 27* Chaîne laser S N S N N S N S N S S N S N N S Épaisseur (mm) 2,5 2,5 0,75 0,75 1 1 1,5 1,5 2 0,75 0,75 0,75 0,75 1 1 1 Um(m.s−1) 51 77 169 511 332 201 163 78 99 97 272 162 564 194 190 320 Pm(MPa) 99 149 327 991 644 390 316 151 192 188 528 314 1094 376 369 621 Im(TW.cm−2) 1,57 3,94 0,89 3,59 3,50 1,72 3,35 1,38 3,11 0,26 1,89 0,92 4,00 1,88 2,29 3,42 Pab(GPa) 43,5 90,6 27,4 84,2 82,5 46,7 79,6 39,2 74,9 10,2 50,4 28,3 91,7 50,2 58,6 80,8

7.2.3 Écaillage

La figure 7.5 montre la face arrière du tir S27 prise par l’imagerie laser à 3,4 µs après le dépôt d’énergie. Comme on le voit, la forme gaussienne du faisceau engendre un fort bombement de la surface dégradant sa réflectivité. Celui-ci a certainement lieu dès le débouché du choc et explique que le signal soit perdu avant même que l’écaillage soit identifiable. Le VISAR est donc très utile pour enregistrer le front de montée du choc mais pour l’écaillage et les temps longs, c’est la VH qui doit prendre le relais.

Figure 7.5 – Vue de 3/4 de la face arrière de la cible 3,4 µs après le tir S27. La surface est fortement déformée sous l’effet du choc comme le montre la distortion des lignes de la grille projetée. La zone noire dans le coin inférieur droit est due à un endommagement du capteur de la caméra. Les traînées blanches sont un résidu du

laser de pompage des sondes VH.

Rappelons que les sondes VH que nous avons employées utilisent un faisceau col-limaté d’un diamètre supérieur à un millimètre. Cela signifie qu’elles enregistrent toutes les vitesses présentes sur une surface égale à la section du faisceau. Ainsi, on n’obtient pas une vitesse unique mais un spectre de vitesses dont la borne supérieure doit en théorie correspondre à la vitesse du centre de la zone sollicitée. Cependant, il faut effectuer une correction pour tenir compte des angles αi en divisant ces vitesses par leurs cosinus respectifs – dans l’hypothèse d’un déplacement de la surface et des débris colinéaire à l’axe x.

Le spectrogramme de la VH1 du tir S7 tracé en figure 7.6 présente plusieurs intérêts pour notre étude. Tout d’abord, il confirme la vitesse maximum d’environ 170 m.s−1

dans la suite sont en accord à +/-10% – le fait est suffisamment rare en expérience de choc laser pour être signalé. Ensuite, il fait clairement apparaître l’envol d’une écaille à une vitesse constante d’environ 75-80 m.s−1 après 4 µs.

Figure 7.6 – Spectrogramme de la VH1 du tir S7. La présence d’un deuxième si-gnal de vitesse constante après 20 µs est difficilement compréhensible sans l’aide de

l’imagerie rapide. Les valeurs de vitesse sont corrigées du cosinus de l’angle α1.

Si l’on réalise une moyenne avant cet instant, on fait apparaître une vitesse unique où un pull-back est nettement visible avec un ∆U ∼ 65 m.s−1. On peut estimer la valeur de la tension d’écaillage par l’expression suivante :

σec= −1

2ρ0C0U (7.3)

Soit σec=-125 MPa, une valeur proche des tensions à la rupture utilisées au chapitre 6 pour reproduire les diamètres des cratères MICA. Encore une fois, compte tenu de la porosité du matériau, cette approximation acoustique doit être prise avec prudence. D’ailleurs, il n’est pas certain que l’on puisse parler d’écaillage plan à cause de la forme gaussienne du faisceau qui complexifie le phénomène. Ainsi, après 20 µs, le signal perd en intensité et une nouvelle trace se dessine progressivement autour de 20-25 m.s−1. C’est l’utilisation conjointe des imageries rapides qui va nous aider à comprendre ce phénomène.