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Campagne expérimentale MICA « Les expérimentateurs sont des gens sérieux. Ils savent que la physique est

5.5 Bonus : tirs de perforation

5.5.2 Discussions et analyses

Logiquement, on constate que la profondeur et le diamètre du cratère de la face avant croissent avec la vitesse d’impact. À des vitesses comparables, ces cratères sont de même taille que ceux produits lors des tirs sur cibles semi-infinies comme le prouve la figure 5.16. La présence d’une surface libre à quelques millimètres seulement de la

Table 5.3 – Résumé des principales caractéristiques et dimensions des tirs MICA de perforation sur EDM3. Sont aussi données toutes les grandeurs adimensionnées par

le diamètre du projectile.

Cratère de la face avant Cratère de la face arrière

Tir v0 pav c pav c /dp dav c dav c /dp pavr c par c /dp dar c dar c /dp (m.s−1) (mm) (mm) (mm) (mm) 86_12 1661 0,42 0,84 1,21 2,42 0,62 1,24 1,46 2,92 94_12 1799 0,56 1,12 1,54 3,08 0,66 1,32 1,90 3,80 87_12 2311 0,64 1,28 1,66 3,32 0,74 1,48 2,02 4,04

surface d’impact n’a donc pas d’influence notable sur la formation des cratères. Cela suggère que le cratère est déjà formé lorsque l’onde de détente issue de la réflexion du choc sur la face arrière revient sur la face avant.

Figure 5.16 – Profondeurs et diamètres des cratères en face avant générés lors des tirs de perforation sur EDM3. L’influence de la face arrière se manifeste par des cratères

plus petits que lors de tirs sur cibles épaisses à des vitesses similaires.

La figure 5.17 présente une tomographie de la cible d’EDM3 du tir 86_12. L’érosion du projectile est de nouveau visible dans le passage du projectile sous la forme d’une traînée blanche. Si l’on excepte la face arrière de la cible et son cratère, l’endommage-ment créé par l’impact et la traversée du projectile est en tout point comparable à celui constaté lors des tirs à des vitesses similaires sur cibles épaisses. Ainsi, le graphite s’est refermé après le passage de la bille et le canal présente le même aspect fragmenté sur un diamètre proche de celui du projectile. De longues fissures radiales, non visibles

ici, partent du cratère de la face avant et se propagent dans le matériau. Enfin, on retrouve les zones de multi-fissuration autour et sous ce même cratère.

Figure 5.17 – Tomographie ESRF du tir de perforation 86_12 à 1661 m.s−1. À l’excep-tion du cratère en face arrière et de fissures coniques, dont une est ici surlignée en jaune, l’endommagement du graphite est comparable à celui observé lors de tirs sur

cibles épaisses.

La nouveauté réside donc dans le cratère de la face arrière. Bien que sa forme s’appa-rente aussi à celle d’un cône, il est plus grand et plus profond que celui de l’impact. Il présente sous sa surface des zones multi-fissurées ainsi que d’importantes fissures coniques dont la plus profonde – parmi celles que la tomographie peut détecter – est marquée en jaune sur la figure 5.17. La formation de ce second cratère peut s’expliquer de deux façons :

— l’arrivée du projectile sur la face arrière de la cible y génère de fortes flexions arrachant de la matière qui est entraînée devant lui et à sa suite ;

— le croisement de l’onde de détente incidente – qui suit l’onde de choc produite par l’impact – et de l’onde de détente réfléchit provoque l’écaillage de la cible et l’éjection de débris, accentuée par le passage plus tardif du projectile.

Par ailleurs, il est tout à fait possible que ce soit la conjugaison de ces deux phéno-mènes qui soit responsable de la formation du cratère de la face arrière. Les simula-tions numériques du chapitre 6 pourront nous éclairer à ce propos.

5.6 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté des résultats de pénétration et de cratérisation du graphite EDM3 soumis à des impacts hypervéloces de billes d’acier de 0,5 mm.

Des tomographies post-mortem réalisées sur différents équipements ont montré que les projectiles étaient piégés dans la cible après la refermeture du graphite. Les tailles caractéristiques des cratères telles que le volume, la profondeur et le diamètre ont été mesurées. Sans surprise, elles augmentent toutes avec la vitesse d’impact. Toutefois, contrairement aux impacts sur matériaux ductiles, les diamètres et les profondeurs n’obéissent pas à une loi de puissance 2/3 et les volumes évoluent suivant une loi de puissance 4, au lieu de 2.

Grâce à des reconstructions 3D, les tomographies ont aussi donné accès à la profon-deur de pénétration et à la forme du projectile et de ses éventuels débris. Leur analyse a mis en évidence quatre régimes de pénétration. D’abord, le projectile ne se déforme pas et la PDP augmente avec la vitesse d’impact. Ensuite, les déformations plastiques qu’il subit modifient sa forme ce qui entraîne une forte diminution de la profondeur de pénétration jusqu’à sa fragmentation puis sa fonte substantielle. À notre connaissance, ces régimes n’ont jamais été observés sur le graphite jusqu’à présent.

Une discussion approfondie basée sur les observations expérimentales et des calculs d’ordre de grandeur a permis de mieux comprendre les phénomènes mis en jeu lors du processus de cratérisation et de pénétration. Ainsi, dans les deux premiers régimes, la pénétration s’apparente à un phénomène d’écoulement dont le facteur déterminant est la forme du projectile. Pour les impacts au-delà de 3,2 km.s−1, un bilan énergétique a souligné la prépondérance du cycle de compression-détente du graphite dans la consommation de l’énergie cinétique que le projectile apporte au système. De cette façon, une première estimation du volume de matière fortement sollicité par l’impact a été réalisée.

Des tomographies à haute résolution et des micrographies optiques et électroniques ont été réalisées après découpage et polissage des cibles. Elles ont mis en avant plu-sieurs types d’endommagement : multi-fissuration ; longues fissures radiales ; nano-fissuration et début de coalescence des porosités. Toutefois, contrairement à ce qui a été constaté sur d’autres matériaux fragiles de la littérature, aucun cône de Hertz n’a été repéré.

Enfin, quelques tirs à basse vitesse ont été réalisées sur cibles minces dans des condi-tions similaires. Dans chacun des cas, la bille d’acier a totalement traversé l’échantillon créant un cratère sur sa face arrière. Le mécanisme responsable de sa formation reste toutefois mal identifié. Hormis cela, l’endommagement de la cible semble très proche de celui des tirs sur cibles épaisses aux vitesses comparables.

Certains phénomènes ne trouvent pas d’explication précise dans ces discussions. C’est tout particulièrement le cas de l’endommagement de la cible de graphite. Le compor-tement complexe de ce dernier nous conforte dans l’idée que des modèles numériques fiables doivent être développés pour chacun des sous-constituants des matériaux com-posites soumis à des IHV dont la taille des projectiles et de l’ordre de grandeur de la taille caractéristique du tissage. Les simulations du chapitre suivant devraient nous permettre de mieux comprendre la formation des cratères, des zones multi-fissurées ou encore des fissures coniques sur la face arrière des cibles minces. Elles devraient aussi nous renseigner sur les principales caractéristiques des matériaux qui influencent la cratérisation, la pénétration et l’endommagement. Compte tenu de la géométrie de l’expérience, nous nous dirigeons vers des simulations 2D axisymétriques qui sont moins coûteuses que les simulations 3D. Cependant, elles ne permettront pas de re-présenter correctement les longues fissures radiales observées expérimentalement ni de reproduire l’endommagement des projectiles d’acier des régimes R3 et R3’ qui sont des phénomènes 3D.