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MICA : volet numérique

6.1 Calculs préliminaires

6.3.5 Modèle de Grady

Nous avons présenté au chapitre 1 le modèle de Grady [55] qui a fait ses preuves dans la représentation de la rupture fragile des matériaux en reliant la tension à la rupture à la vitesse de déformation. Nous avons décidé de l’implémenter dans Hésione afin d’évaluer son intérêt pour le graphite. Conçu au départ pour les sollicitations 1D il a fallu l’adapter aux cas 2D et 3D et au modèle POREQST. Ainsi, avec l’endommagement sur critère de porosité limite et un αseuil de 1, le paramètre σl peut être considéré peu ou prou comme la tension de rupture du matériau, devenant alors :

σl =min(σlsw) (6.2)

où σlsest la valeur statique du paramètre σl et σwla contrainte à la rupture dynamique selon Grady, s’exprimant comme :

σw= −F(m+3)(m+4)−(m+4)/(m+3)β1/(m+3)min(˙ǫ1, ˙ǫ2, ˙ǫ3)3/(m+3)

avec β= 8πCgk

(m+1)(m+2)(m+3) et F=K+4 3G

(6.3)

Le choix que nous avons fait est de considérer, dans le repère principal, la plus petite des vitesses de déformation ˙ǫi en traction – c’est-à-dire celle qui minimise la résistance du matériau. La vitesse de propagation des fissures dans le matériau Cg est supposée égale 0,4 fois la vitesse du son [70], soit environ 900 m.s−1.

k et m sont les paramètres de Weibull et déterminent l’évolution de la résistance à la traction de chaque maille en fonction de la vitesse de déformation qu’elle subit. Les différents jeux de paramètres utilisés dans la suite sont résumés en table 6.2.

Table 6.2 – Six jeux de paramètres de Weibull. Trois ont été déterminés statiquement au chapitre 2 et trois autres ont été ajustés lors d’une étude antérieure. Paramètre Jeux statiques Jeux ajustés

Wc Wd1 Wd2 Wb W1 W2

m 11,9 8,8 27,8 9 35 14

k(m−3) 2,02.1033 2,90.1026 3,89.1067 9,40.1010 4,30.1067 1,00.1034

Trois d’entre eux ont été déterminés au chapitre 2 par des essais de flexion quasi sta-tiques et la méthode de la régression linéaire. Les trois autres ont été ajustés lors d’une étude antérieure publiée en référence [130] et dont les résultats ne sont pas présentés dans ces pages. Celle-ci utilisait un modèle POREQST de l’EDM3 plus ancien pour lequel certaines données statiques manquaient, dont les paramètres de Weibull. De plus, elle ne reposait que sur deux tirs à des vitesses similaires, les seuls disponibles à l’époque. Ces jeux ajustés ont l’avantage d’être sensiblement différents de ceux déter-minés expérimentalement, comme le souligne la figure 6.11.

Figure 6.11 – Valeur absolue de la contrainte à la rupture en fonction de la vitesse de déformation pour six jeux de Weibull (cf. table 6.2).

Leurs principales différences résident dans le niveau de contrainte à la rupture pour une même vitesse de déformation, mais aussi dans la vitesse de déformation placée

à la transition entre rupture quasi-statique où σl = -135 MPa et rupture dynamique. Les trois jeux ajustés représentent un matériau très sensible aux vitesses de déforma-tion. Cela peut être rapproché de ce qui a été constaté au chapitre 2 où la courbe de compactage différait déjà selon des vitesses de déformation comprises entre 10−4 et 101 s−1. La figure 6.12 compare le résultat d’une simulation du tir 38_01 (R3) sans modèle de Weibull et σl = -135 MPa à des simulations réalisées avec chacun des jeux de paramètres de la table 6.2 et σls=-135 MPa.

Avant toute chose1, on remarque sur certaines simulations que le projectile prend une forme allongée anormale. Ses vitesses suivant x proches de l’axe sont en fait devenues négatives. Cela est dû à des problèmes numériques inhérents à l’axe de symétrie, favorisés par la modélisation hydrodynamique pure – sans déviateur – du projectile. Les jeux statiques Wc, Wd1 et Wd2 ont assez peu d’influence sur l’étendue de la zone endommagée qui est équivalente à celle de la simulation sans modèle de Weibull. C’est à peine s’ils sont en mesure de limiter le nombre et l’étendue des fissures coniques. Sans surprise, c’est le jeu le plus contraigant Wd1 qui le fait le mieux. Concernant le diamètre du cratère, si l’on considère les fissures qui remontent à la surface, c’est encore Wd1 qui donne le meilleur résultat. Quant à elle, la profondeur de pénétration du projectile varie très peu.

W1 et W2 donnent des résultats similaires. L’extrapolation des fissures orientées vers la face avant anticipe un diamètre en adéquation avec l’expérience. Le volume endom-magé est plus faible pour W1mais reste trop important par rapport aux tomographies, particulièrement sous le projectile. La profondeur de celui-ci est peu changée. Les longues fissures radiales ont presque totalement disparu. Un résultat logique car ces jeux sont plus contraignants aux basses vitesses de déformation que les trois premiers, et plus l’on s’éloigne du point d’impact plus les vitesses de déformation sont faibles. Wb est le modèle de Weibull le plus sensible aux vitesses de déformation. Il dégrade légèrement la profondeur de pénétration du projectile mais fait totalement disparaître les longues fissures. C’est d’ailleurs lui qui donne les meilleurs résultats en terme de diamètre de cratère et d’étendue de l’endommagement qui semblent tous deux plus conformes à l’expérience (cf. figure 5.15). La figure 6.13 donne les cartes de vitesse suivant les axes x et y de la simulation avec Wbà 5 µs après l’impact.

Comme on peut le voir, une partie de la matière fragmentée se dirige vers le fond du cratère ce qui devrait avoir pour conséquence de le reboucher et de piéger le projectile. Cela irait dans le sens de la deuxième hypothèse que nous avions formulée auparavant pour expliquer la refermeture du canal.

1. Toute ressemblance avec le test de Rorschach ne saurait être que fortuite. Néanmoins, l’auteur fera preuve d’écoute si le lecteur souhaite partager son interprétation personnelle de ces taches d’encre.

(a) Sans modèle de Weibull.

(b) Wc. (c) Wd1.

(d) Wd2. (e) W1.

(f) W2. (g) Wb.

Figure 6.12 – Effet du modèle de Weibull sur l’étendue de l’endommagement. Simu-lations du tir 38_01 (R3) à 4003 m.s−1avec et sans modèle de Weibull après 5 µs.

(a) Vitesse sur x. (b) Vitesse sur y.

Figure 6.13 – Refermeture du cratère par endommagement. Simulation du tir 38_01 (R3 à 4003 m.s−1) à 5 µs après l’impact. Modèle de Weibull Wb.

Nous sommes finalement tentés de favoriser les paramètres ajustés W1, W2 et Wb, ce dernier donnant les meilleurs résultats sur l’endommagement et fournissant une explication au mécanisme de piégeage des projectiles à haute vitesse. Les paramètres déterminés par essais de flexion statiques ne semblent pas adaptés. Mais ils ne doivent pas être négligés puisqu’il est évident que l’endommagement est aussi lié à la limite élastique. Signalons que les simulations des tirs 120_12 et 21_01 présentent les mêmes tendances que pour le tir 38_01 et ce, quel que soit le modèle d’endommagment. Ces conclusions sont donc valables pour des vitesses d’impact allant de 3400 à 4500 m.s−1.

6.3.6 Synthèse

Les discussions qui précèdent ont mis en avant la difficulté de simuler avec un seul et même modèle l’endommagement d’un matériau soumis à une gamme de sollicitation étendue. Le tableau 6.3 récapitule ceux qui donnent d’assez bons résultats en fonction des régimes étudiés.

Pour des impacts jusqu’à environ 2000 m.s−1, un modèle d’endommagement avec une tension de rupture faible en valeur absolue – mais plus élevée que la valeur statique – et une limite élastique basse donne des résultats satisfaisants. À des vitesses d’impact comprises entre 3,5 et 4,5 km.s−1, le même modèle reproduit assez bien le diamètre des cratères à condition de changer légèrement la tension limite. Toutefois, il sous-estime très largement l’étendue de l’endommagement.

Table 6.3 – Récapitulatif des modèles d’endommagement testés sur les régimes R1, R3 et R3’. Six jeux de paramètres de Weibull ont été testés. La valeur de σldéterminée

lors d’essais de traction statiques était de -95 MPa. Régime Limite élastique σl (MPa) Weibull (6 jeux)

R1 LE1 -135

-R3 et -R3’ LE1 -120

-LE2 -135 o

L’augmentation de la limite élastique de la cible réduit sévèrement la profondeur de pénétration à basse vitesse mais plutôt modérément à haute vitesse. En contre-partie elle favorise l’endommagement car elle débride l’évolution des contraintes. Pour les tirs à haute vitesse, le volume de matière endommagée est trop important mais peut être limité par l’utilisation d’un modèle de Weibull. Parmi les six modèles testés, trois sortent du lot car ils reproduisent mieux les diamètres des cratères et l’endommage-ment de profondeur, tout en faisant disparaître les longues fissures coniques qui n’ont pas été observées expérimentalement.