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Simulation thermomécanique : Impact du design, forme et taille de plots

Chapitre 3 : Assemblage par brasage des plots Cu/SnAg

1) Simulations thermomécaniques et calculs préliminaires

1.1 Simulation thermomécanique : Impact du design, forme et taille de plots

Comme il a été expliqué dans le chapitre1 (Section 1.3.1), le mécanisme de défaillance majeure dans les assemblages en Flip Chip est la dégradation du joint du fait des contraintes thermomécaniques. Dans la littérature, il n’y a pas beaucoup d’études qui se sont intéressées au comportement thermomécanique des assemblages Cu/Cu3Sn/Cu et à l’optimisation de leur design dans le but de réduire les contraintes mécaniques et ainsi réduire la probabilité de leur défaillance. Cela fera l’objet de cette partie avec un focus sur l’impact de deux paramètres géométriques majeurs sur le niveau de contraintes dans les assemblages Cu/Cu3Sn/Cu, à savoir la taille et la forme des bumps d’assemblage. Pour les assemblages en Flip Chip, le design des bumps est défini par trois paramètres : la répartition des bumps sur la surface de la puce, leur taille et forme. Dans le cadre de cette étude, la répartition des bumps est figée par le design des puces et par conséquent, les deux paramètres qu’on peut faire varier sont la taille et la forme des bumps.

Pour simplifier l’étude, celle-ci sera présentée en trois parties : géométrie, données des matériaux et conditions initiales et aux limites et enfin les résultats des simulations.

68 1.1.1 Géométrie.

La figure 3.1-a montre l’architecture globale du module de puissance contenant plusieurs éléments (puce, bumps, substrat DBC (Direct Bonded Copper), interface thermique, refroidisseur, …). Pour simplifier la structure, les sous-couches Ti/Cu et CuO sont négligées. Ces couches présentent des épaisseurs très faibles comparées à celles du reste de l’assemblage et par conséquent le gradient des contraintes en leur sein est largement négligeable devant les dimensions du reste de l’assemblage. Ainsi, ces couches sont assimilées à des interfaces parfaites. Le refroidisseur, du fait de sa raideur élevée, est remplacé par un plan fixe (encastrement). Le modèle équivalent qui présente une géométrie simplifiée est ainsi donné dans la figure 3.1-b.

Comme évoqué plus tôt dans cette partie, la géométrie du modèle est basée sur les entrées/sorties d’un composant de puissance conçu par le laboratoire LC2E. La largeur des plots qui constituent principalement ces composants est de 450µm. À partir de ce design (Design 1- figure 3.1-c), deux autres en sont dérivés. Le premier design est une modification de la forme des bumps d’une configuration de forme carrée à une autre de forme circulaire (Design 2- figure 3.1-d). Cette modification a été mise en place afin d’évaluer son impact sur le niveau des contraintes des joints d’assemblage. La deuxième variante consiste à diminuer la taille des bumps de moitié tout en gardant la même section utile (Design 3- figure 3.1-e).

Figure 3.1 : a) Schéma de la géométrie réelle du module de puissance et (b) sa version simplifiée utilisée pour les simulations numériques. (c), (d) et (e) sont des variantes géométriques des « bumps ».

1.1.2 Données des matériaux et conditions initiales et aux limites

Les matériaux qui constituent l’assemblage, à l’exception du cuivre, présentent généralement un comportement élastique. C’est-à-dire que leur taux de déformation plastique est très faible et ils présentent une limite élastique importante. Du fait de notre domaine d’étude (gamme de température entre -55°C et 200°C), de la symétrie de l’assemblage (les coefficients de dilatation thermique (CTE) de Si et Si3N4 sont proches) et de la faible différence de CTE entre le joint d’assemblage Cu/Cu3Sn/Cu et

69 les substrats Si et Si3N4, le comportement du bumps de cuivre (ECD et DBC) est supposé également élastique.

Par conséquent, le comportement de tous les matériaux de l’assemblage sont considérés élastiques. Les données des matériaux utilisées dans les simulations sont présentées dans le tableau 3.1. Les modules de compressibilité (K) et cisaillement (G) sont calculés à partir du module de Young et du coefficient de Poisson (𝜗) selon les équations suivantes :

𝐾 =2(1 − 2𝜗) , 𝐺 =𝐸 2(1 + 𝜗)𝐸

Propriété Cuivre Si isotrope Si3N4 Cu3Sn

CTE isotrope (x10-6 C°-1) 17 2,5 2,7 18

Module de Young (GPa) 120 140 310 134

Coefficient de poisson 0,35 0,27 0,23 0,3 Module de compressibilité (GPa) 200 99,3 98,75 111,65 Module de cisaillement (GPa) 44,45 55,35 65 51,65 Limite d’élasticité en traction-compression (MPa) 280 160 800 1787±108

Tableau 3.1 : Données des matériaux Cu, Si, Cu3Sn, Si3N4. [Feuillet, 2016], [Yang et al., 2008], [Deng et al., 2004b], [Edwards et al., 2004], [Deng et al., 2004a], [Liu et al., 2016], [Zéanh, 2009].

Les données des matériaux dépendent fortement des conditions expérimentales de leur mise en œuvre. C’est pourquoi les données fournies dans le tableau 3.1 ont été collectées des travaux effectués dans le contexte des assemblages microélectroniques dont les procédés de mise en œuvre correspondent à ceux utilisés dans nos travaux de recherche.

En ce qui concerne les sollicitations thermiques, l’assemblage subit une variation de température de -55°C à 200°C conformément à la norme automobile [Bouarroudj-Berkani et Dupont, 2010]. Dans ces conditions, les propriétés des matériaux sont supposées indépendantes de la température. Cette hypothèse peut être justifiée par la température homologue (T/Tfusion) faible pour les différents matériaux de l’assemblage. Par ailleurs, comme les différentes couches sont mises en œuvre à des températures différentes, il convient de définir les températures de référence pour chaque couche comme présenté dans le tableau 3.2. Cela permet de prendre en compte les contraintes résiduelles dans chaque matériau dues à leurs procédés de mise en œuvre.

Couches Cu Cu3Sn Si3N4 Cu DBC

Température de

référence (°C) 60 200 22 22

Tableau 3.2 : Températures de référence des matériaux du module de puissance.

La température de référence est définie par la température à laquelle le niveau de contraintes internes au sein des matériaux est très faible voire nul. Les températures de référence données dans le tableau 3.2 correspondent à la température de leur mise en œuvre durant laquelle le matériau n’est pas sollicité en contraintes mécaniques internes.

70 1.1.3 Résultats de simulations thermomécaniques

Pour rappel, l’objectif de cette analyse thermomécanique est de comparer trois designs. Pour cela, la même représentation normalisée des contraintes mécaniques sera adoptée pour ces designs. Le paramètre choisi pour représenter le résultat des simulations est la contrainte équivalente de von Mises. Ce paramètre permet de représenter l’état de contraintes dans l’assemblage indépendamment de leur type (compression-traction, flexion, cisaillement, torsion, …) et d’évaluer leur criticité en les comparant aux niveaux de contraintes admissibles (limites élastiques).

Du fait de la complexité de la structure, la contrainte équivalente de von Mises (VM) est déterminée numériquement à l’aide de l’outil Ansys Workbench. Théoriquement, cette contrainte en MPa est calculée selon l’équation suivante :

𝝈𝑽𝑴= 1

√2√(𝜎𝐼− 𝜎𝐼𝐼𝐼)2+ (𝜎𝐼𝐼− 𝜎𝐼𝐼𝐼)2+ (𝜎𝐼𝐼𝐼− 𝜎𝐼)2

Où 𝜎𝐼, 𝜎𝐼𝐼 et 𝜎𝐼𝐼𝐼 sont appelées contraintes principales. Il s’agit d’un repère dans lequel les contraintes mécaniques (combinaison entre contraintes de traction, compression, flexion, cisaillement et torsion) sont exprimées uniquement par des contraintes de traction-compression suivant les axes 𝐼, 𝐼𝐼 et 𝐼𝐼𝐼. Les simulations thermomécaniques des assemblages montrent que dans une gamme de température de -55°C à 200°C, les niveaux de contraintes mécaniques maximales (en Pa) correspondent à la température de 200°C. La figure 3.2 présente les résultats de ces simulations pour la température de 200°C. La figure 3.2-a présente la simulation macroscopique de l’assemblage avec une coupe au milieu des bumps pour observer le gradient des contraintes à leur niveau.

Ces résultats montrent que les parties les plus sollicitées de l’assemblage sont les joints d’assemblage et plus précisément l’interface entre la puce et les bumps. Il convient donc d’analyser de plus près les joints d’assemblage. Un des bumps de l’assemblage qui représente le cas le plus critique a été choisi pour représenter la structure. Pour une analyse plus appropriée (maillage plus fin), il est préférable d’utiliser une « simulation multi-échelle » afin de ne pas alourdir l’outil de calcul.

Cette approche consiste à établir des calculs numériques sur une zone caractéristique de l’assemblage, appelée modèle microscopique, en élaborant des nouvelles conditions aux limites calculées à partir des résultats de la simulation macroscopique. Les résultats de cette simulation microscopique (présentés en coupes au milieu des bumps) sont donnés dans la figure 3.2-b.

Pour les trois designs, les contraintes maximales sont localisées au niveau des bumps Cu DBC, ainsi que dans les zones proches de l’interface entre bumps Cu et puce Si.

À l’aide d’une coupe à l’interface entre bump et puce (figure 3.2-c), il est possible d’observer les contraintes à cette interface. Ce résultat montre que le niveau de contraintes est proportionnel à la distance du centre du bump et ainsi les points les plus éloignés du centre du bump présentent la contrainte maximale. Ces points sont localisés dans les 4 coins de la section carrée. Les valeurs sont indépendantes du maillage et ne présentent donc pas de points de singularité. Cela a été vérifié par la convergence du maillage vérifié lors des simulations.

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Figure 3.2 : Résultats de la simulation thermomécanique : (a) Répartition des contraintes (en Pa) sur l’ensemble de la structure, (b) contraintes en section verticale et (c) horizontale des bumps. (d) Facteur de sécurité des bumps.

Du fait de l’hétérogénéité des matériaux de l’assemblage, il n’est pas évident d’évaluer le degré de criticité du niveau de chargement dans les différentes couches puisqu’elles présentent des limites élastiques différentes. Pour cela, la représentation de la contrainte équivalente de von Mises (VM) a été normalisée en la rapportant à la limite élastique (él) de chaque matériau. Le rapport a été calculé à l’aide de l’outil numérique Ansys Workbench selon l’équation él/VM. Le résultat de cette représentation est donné dans la figure 3.2-d.

Il est clairement remarqué que les contraintes sont faibles au niveau de la couche Cu3Sn dont le comportement est élastique. Cela veut dire que les niveaux de contraintes dans cette couche sont loin d’être critiques. Ces calculs prouvent que les designs 2 et 3 réduisent les niveaux de contraintes des joints d’assemblage.

Pour la couche de cuivre et la puce silicium, la contrainte dépasse largement la limite élastique. Certes, dans le présent modèle le comportement plastique du cuivre a été négligé mais en réalité le cuivre est connu pour avoir une résistance aux contraintes mécaniques par écrouissage, ce qui lui permet d’absorber des niveaux de contraintes qui dépassent sa limite élastique. Cela a été prouvé par simulation avec des modèles de comportement appropriés dans les travaux de [Feuillet, 2016]. En ce qui concerne le silicium, son comportement plastique ne favorise pas des sollicitations mécaniques supérieures à sa limite élastique. Ces contraintes sont plus importantes à la périphérie des bumps de cuivre. Des ruptures ont été observées lors des traitements thermiques effectués sur des assemblages dans le cadre de cette étude. La figure 3.3 présente quelques observations optiques et MEB de ces ruptures au niveau du silicium avec une amorce à la périphérie des bumps de cuivre.

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Figure 3.3 : Images optique (a) et MEB (b, c) montrant la fissuration du silicium suite aux contraintes thermomécaniques lors d’un reflow d’assemblage à 250°C avec un temps de maintien de 3min.

Pour optimiser la résistance des assemblages, il convient d’optimiser d’autres paramètres, tel que l’épaisseur du cuivre. Cependant, l’objectif de cette étude s’est focalisé sur le design des bumps à savoir leur taille et forme, les épaisseurs du cuivre et Cu3Sn étant fixées par des contraintes électriques et de mise en œuvre.

Pour conclure, cette étude nous a permis d’évaluer l’impact du design sur les contraintes thermomécaniques. D’un côté, une réduction de moitié de la taille des bumps permet de réduire les contraintes mécaniques de 17%. D’un autre côté, la modification de la forme des bumps (de carré vers circulaire) permet de réduire les contraintes de 15%.