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Protocole expérimental et étude métallurgique des joints Cu/SnAg liquide/Cu lors des

Chapitre 4 : Etude des interactions dans le couple de diffusion Cu/SnAg pour l’application industrielle

1) Interactions dans le système Cu/SnAg liquide : assemblage par solidification isotherme (TLPB)

1.1 Protocole expérimental et étude métallurgique des joints Cu/SnAg liquide/Cu lors des

Comme indiqué ci-dessus, l’étude de

la cinétique de croissance des phases

𝜀 et 𝜂 est effectuée à l’aide des expériences de maintien isotherme

à

250, 300 et 350°C. Les traitements thermiques sont effectués sous air afin d’évaluer l’influence de l’oxygène sur l’évolution de l’interface Cu/Cu3Sn qui, dans la plupart des cas sous atmosphère neutre, présente des trous Kirkendall conduisant à la fissuration de cette interface.

Afin d’optimiser le protocole expérimental mis en œuvre dans le chapitre 2

(section 2.4),

trois temps 𝑡𝑖 ont été choisis pour les traitements thermiques à 250°C. Pour ces expériences, deux épaisseurs initiales de l’alliage SnAg de 15 et 20µm ont été choisies et le cuivre est déposé à partir d’un bain électrolytique avec additifs. À partir des travaux de [Gagliano et Fine, 2003], il est estimé que le temps nécessaire pour la consommation de 20µm d’étain est de l’ordre de 4h. Par ailleurs, du fait que la loi d’évolution de l’épaisseur (ei) des phases IMCs avec le temps de maintien (t) est en général du type parabolique (𝑒𝑖 = 𝑘 × √𝑡), les durées de maintiens isothermes choisies sont : 0h (état initial), 1h, 2h et 4h.

En ce qui concerne les traitements thermiques à 300 et 350°C, l’épaisseur initiale de l’alliage SnAg est plus élevée et varie entre 20 et 30µm. Il faut noter que très peu d’études sur la cinétique de croissance des intermétalliques aux interfaces Cu/Sn liquide dans la gamme des températures supérieures à 300°C sont reportées dans la littérature. Ceci pourrait être dû au fait qu’elle ne présente pas d’intérêt pratique direct mais cela constitue néanmoins l’étape initiale du procédé TLPB. À notre connaissance, aucune loi de croissance des phases ε-Cu3Sn

et

η

-

Cu6Sn5 n’est reportée dans la littérature pour cette gamme de températures. De ce fait et par manque de temps, nous avons choisi relativement arbitrairement seulement deux durées de maintiens isothermes à 300 et 350°C : 1h et 4h.

Le plan d’expériences mis en place permet d’étudier l’influence de différents paramètres : - Épaisseur initiale de l’alliage d’étain (SnAg).

- Pré-traitement de reflow avant assemblage (=reflow de billage) - Les additifs du bain électrolytique de cuivre.

Après les traitements thermiques, des sections transversales des joints des échantillons sélectionnés sont caractérisées par microscopie électronique à balayage (MEB) et ponctuellement par microscopie optique. Il faut noter que l’objectif du protocole expérimental est de suivre la croissance des phases ε-Cu3Sn

et

η

-

Cu6Sn5 pour différentes températures. Vu que l’étude est établie dans un contexte d’analyse du procédé de TLPB (dont B revient au Bonding), l’état initial est représenté par l’état métallurgique du joint immédiatement après l’assemblage par brasage.

Cependant, la formation des phases interfaciales ε et η dans le système Cu/SnAg a été observée avant même de réaliser les assemblages. En effet, ces phases interfaciales (surtout η) sont observées juste après le dépôt électrolytique du SnAg sur le cuivre (figure 4.1-a). De plus, pour les séries d’assemblages réalisées avec un prétraitement des puces (reflow de billage), les phases IMCs (ε et η) sont observées avec une épaisseur (e) significative (e  0,58µm et e  2,05µm, voir figure 4.1-b). L’état métallurgique des interfaces Cu/SnAg aux différents stades : après le dépôtélectrolytique (a), le pré-reflow de billage

106 (b), le reflow d’assemblage sans pré-reflow de billage (c) et le reflow d’assemblage avec pré-reflow de billage (d) sont données sur la figure 4.1.

Figure 4.1 : Etat initial du système interfacial Cu/SnAg après : dépôt électrolytique (a), pré-reflow de billage (b), reflow d’assemblage sans pré-reflow de billage (c) et reflow d’assemblage avec pré-reflow de billage (d). Images MEB (en haut) et

schématiques (en bas).

Toutes les expériences de traitement thermique à 250, 300 et 350°C sont réalisées avec des échantillons qui ont été préalablement assemblés par brasage avec le même profil thermique - voir figure 2.11 (maintien isotherme à 130°C pendant 5min et à 250°C pendant 3min). Ces échantillons sont introduits dans un four préalablement chauffé à la température du maintien isotherme visée. À noter que les phases interfaciales croissent également pendant le stockage des échantillons (à l’état solide) après leur dépôt électrolytique, pendant l’éventuel reflow de billage avant l’assemblage - voir figure A3.1.1 (maintien isotherme à 250°C pendant 50s) ainsi que pendant le reflow d’assemblage.

Ces profils thermiques complexes de l’ordre de quelques minutes (3 min au maximum à l’état liquide) sont négligés devant les traitements thermiques de maintien isotherme qui sont de l’ordre de l’heure. Ainsi la contribution de ces profils est loin d’être du même ordre de grandeur que les traitements thermiques. De ce fait, l’état initial des échantillons avant les expériences de traitement thermique est représenté par l’état métallurgique des joints après assemblage. Dans ce chapitre nous appelons échantillon (ou joint) un ensemble puce/substrat assemblé (voir figure 2.10).

Les plans d’expériences pour l’étude physicochimique des interactions interfaciales à 250, 300 et 350°C sont résumés dans les tableaux 4.1 et 4.2. Comme il a été spécifié dans le chapitre 2 (section 5.3.3), deux types de cuivre ont été déposés à partir de deux bains électrolytiques : avec additifs (bain électrolytique classique) et sans additifs, appelés respectivement cuivre électrodéposé et cuivre électrodéposé sans additifs (ou Cu-SA). Notons que dans toutes les expériences d’assemblage il y a deux interfaces réactionnelles : celle côté substrat (interface inférieure) et celle côté puce (interface supérieure). De ce fait, les épaisseurs des couches Cu/SnAg déposés côté puce et côté substrat seront désignés par supérieure (Sup) et inférieure (Inf) respectivement (voir figure 3.11). La même notation sera appliquée dans ce chapitre pour les phases intermétalliques (-Cu3Sn et -Cu6Sn5) formées à ces deux interfaces.

107 Taille de plots

Couples de diffusion Cu/Sn

Épaisseurs

(supérieure - inférieure) Échantillons 𝑒𝐶𝑢

(Inf ; Sup)

𝑒𝑆𝑛𝐴𝑔

(Inf+Sup) État initial 1h 2h 4h

90µm Cu électrodéposé 20 ; 20 5 + 10 + ++ ++ * 20 ; 20 5 + 15 + + ++ ++ Cu électrodéposé + Reflow avant assemblage 20 ; 20 15 + 0 ++ ++ - ++ Cu électrodéposé sans additifs (Cu-SA)

15 ; 60 15 + 0 ++ ++ - *

15 ; 15 15 + 15 ++ ++ - ++

1 mm Cu électrodéposé

20 ; 20 15 + 10 + - - -

20 ; 20 15 + 15 + - - -

Tableau 4.1 : Plan d’expériences pour l’étude physico-chimique des interactions interfaciales dans le système Cu/Sn liquide à 250°C. L’épaisseur initiale de l’alliage SnAg varie de 15 à 30 µm. + : un échantillon, ++ : deux échantillons, - : aucun échantillon * : consommation totale de SnAg avant la fin de l’expérience. Inférieure = côté substrat et supérieure = côté

puce.

Taille de plots

Couples de

diffusion Cu/Sn Températures

Épaisseurs

(supérieur - inférieur) Échantillons 𝑒𝐶𝑢

(Inf ; Sup)

𝑒𝑆𝑛𝐴𝑔

(Inf+Sup) État initial 1h 4h

90µm Cu électrodéposé TT° : 300°C 20 ; 20 5 + 15 + ++ ++ 20 ; 20 15 + 10 + ++ ++ TT° : 350°C 20 ; 20 5 + 15 + + * 20 ; 20 15 + 15 ++ + *

Tableau 4.2 : Plan d’expériences pour l’étude physico-chimique des interactions interfaciales dans le système Cu/Sn liquide à 300°C et 350°C. L’épaisseur initiale de l’alliage SnAg varie de 20 à 30 µm. + : un échantillon, ++ : deux échantillons, - : aucun

échantillon * : consommation totale de SnAg avant la fin de l’expérience. Inférieure = côté substrat et supérieure = côté puce.

⚫Pour les maintiens isothermes à 250°C, les observations microstructurales par microscopie électronique ou optique de quelques échantillons pour les plots 90µm (5 + 15µm) et 1mm (15 + 10µm), sont présentées sur les figures 4.2 et 4.3 respectivement.

Pour les deux tailles de plots (90µm et 1mm), les assemblages présentent un état initial avec un taux de porosités faible. La phase η

-

Cu6Sn5 adopte une morphologie en scallops avec une épaisseur non négligeable dès l’état initial. Cette morphologie a été observée dans les travaux de [Kang et al., 2002], [Gagliano et Fine, 2003] ainsi que dans des travaux plus récents de [Li et al., 2011], [Bertheau, 2014] et [Liashenko et Hodaj, 2015]. L’épaisseur moyenne de la phase -Cu6Sn5 varie entre environ 2µm (état initial) et 10µm (t = 4h). La méthode de mesure et celle d’estimation de l’épaisseur moyenne des phases seront présentées ultérieurement dans la section suivante.

108

Figure 4.2 : Images MEB des sections transversales des joints Cu/SnAg/Cu après différents maintiens isothermes (de 0 à 4h) à 250°C. Plots 90µm, épaisseur initiale de SnAg égale à 20µm (5+15).

Figure 4.3 : Images MEB et optique des sections transversales des joints Cu/SnAg/Cu après l’assemblage (a) et après un maintien isotherme de 16h à 250°C (b). Plots 1mm, épaisseur initiale de SnAg égale à 25µm (15+10).

Pour les plots 90µm, les observations montrent une augmentation de l’épaisseur de η au fur et à mesure du traitement thermique à 250°C et jusqu’à la consommation totale de l’étain à environ 4h (voir figure 4.2-d). Noter que le temps nécessaire pour la consommation totale de Sn (ou de l’alliage SnAg) dépend à la fois de l’épaisseur de Sn et de la température. En parallèle, pour la même longueur de joint (90µm), le nombre de scallops (n) diminue avec le temps de maintien isotherme (n = 10 à t0 = 0h, 7 à 1h, 5 à 2h et 2-3 à 4h) ce qui est dû à leur coalescence, comme démontré et modélisé dans le travail théorique de Gusak et Tu [Gusak et Tu, 2002]. L’épaisseur de la phase 𝜀-Cu3Sn augmente également au cours du temps (entre environ 0,5µm à t0 et 4µm à 4h) mais elle est toujours très faible par rapport à l’épaisseur de la phase . Par ailleurs, contrairement à la phase η, qui présente une morphologie en scallops, la phase ε se présente sous forme d’une couche continue d’épaisseur relativement uniforme.

En ce qui concerne les plots 1mm, les résultats en termes d’épaisseur et de morphologie des deux phases ε et η sont similaires à ceux des plots 90µm.

En termes de défauts microstructuraux, les deux types de plots présentent des cavités, ce qui a été également observé dans plusieurs travaux comme par exemple ceux de [Brem, 2012], [Flötgen et al.,

109 2014] et [Panchenko et al., 2014]. Les cavités observées pour les deux types de plots, 90µm et 1mm, sont de la même taille. La différence est que, pour les plots 1mm, les cavités sont plus nombreuses et distribuées tout au long du joint d’assemblage, alors que pour les plots 90µm uniquement un ou deux cavités sont observées. De plus, la proportion des porosités à l’interface Cu/ε-Cu3Sn augmente au fur et à mesure du traitement thermique.

Les figures 4.4 et 4.5 présentent des caractérisations microstructurales des joints après les traitements thermiques à 300 et 350°C avec des épaisseurs initiales de SnAg de {20µm, 25µm} et {20µm, 30µm} respectivement.

Figure 4.4 : Images MEB des sections transversales des joints Cu/SnAg/Cu après des maintiens isothermes à 300°C

Figure 4.5 : Images MEB des sections transversales des joints Cu/SnAg/Cu après des maintiens isothermes à 350°C Pour les maintiens isothermes à 300 et 350°C, les caractérisations montrent les mêmes aspects

morphologiques des joints qu’à la température 250°C. La différence est que la forme des scallops de la phase η

-

Cu6Sn5 est plus irrégulière pour les températures 300 et 350°C. De plus, pour un temps de maintien isotherme donné, le nombre de scallops est plus faible et le rapport de forme (hauteur/largeur des scallops) est plus faible.

110 On remarque aussi que le temps de consommation de l’étain diminue très significativement avec la température de l’expérience. Ainsi par exemple, pour une même épaisseur initiale de l’alliage SnAg (15+5µm), sa consommation totale a lieu au bout d’environ 4h à 250°C, entre 1h et 4h à 300°C et au bout d’environ 1h à 350°C.

Pour des analyses plus fines, des observations par microscopie électronique à balayage et à faisceau d'ions focalisé (établies lors des préparations microstructurales par PFIB ; Plasma Focused Ion Beam - Voir figure 2.16) ont été faites pour analyser les aspects microstructuraux des phases ε-Cu3Sn

et

η

-Cu6Sn5.

Les figures 4.6 et 4.7 présentent quelques images (identification des grains) des sections transversales des échantillons après les expériences de maintien isotherme à 250°C et 300°C respectivement.

Figure 4.6 : Caractérisations fines par MEB-FIB des sections transversales de quelques joints Cu/SnAg/Cu après différents traitements thermiques à 250°C. Epaisseur initiale de SnAg égale à 15µm.

Figure 4.7 : Caractérisations fines par MEB-FIB des sections transversales de quelques joints Cu/SnAg/Cu après différents traitements thermiques à 300°C. Epaisseur initiale de SnAg égale à 20 et 30µm.

111 Ces observations MEB-FIB apportent plusieurs faits expérimentaux :

- Les grains et les macles de cuivre sont identifiés qualitativement dans les assemblages et leur forme et taille ne varient pratiquement pas avec la durée du traitement thermique ni entre le centre et les bords des plots.

- Le nombre de grains de Sn formés après la solidification est plus élevé pour les faibles épaisseurs initiales de l’alliage SnAg.

- Les grains de la phase ε sont de très petite taille (≈ 0,2µ𝑚) et de forme tantôt colonnaire et tantôt globulaire.

- La phase ηsemble être formée d’un grain unique mais plus de travail de caractérisation est nécessaire pour cela car selon la littérature chaque scallop constitue un grain unique.

- Des petits trous sont identifiés à l’interface Cu/ε et à l’intérieur de la phase ε-Cu3Sn.

- Des grosses particules d’Ag3Sn sous forme d’aiguilles de grande taille (25µ𝑚) ont été également observées à l’intérieur du joint (voir par exemple la figure 4.7, 4h, 15+15µm). Il s’agit de précipités d’Ag3Sn primaire formés lors de la solidification de l’alliage SnAg. On observe aussi des particules d’Ag3Sn de petite taille (0,1µ𝑚) situées aux joints de grains de l’étain. Il s’agit de précipités d’Ag3Sn formés lors de la solidification du dernier liquide qui entoure les grains d’étain primaire (transformation eutectique binaire liquide → Sn + Ag3Sn). Les gros précipités d’ Ag3Sn ont été également observés dans les travaux de [Panchenko et al., 2012], [Abdelhadi et Ladani, 2012] qui ont utilisé également le SnAg au lieu de Sn pour le système du TLPB.

1.2. Cinétique de croissance des intermétalliques -Cu

3

Sn et -Cu

6

Sn

5

à l’interface Cu/SnAg