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Analyses des phénomènes de formation de trous (porosités) dans le couple de diffusion Cu/

Chapitre 4 : Etude des interactions dans le couple de diffusion Cu/SnAg pour l’application industrielle

2.2 Analyses des phénomènes de formation de trous (porosités) dans le couple de diffusion Cu/

Introduction

Dans cette partie on étudie quelques aspects de l’évolution morphologique et microstructurale du système Cu/-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5. Pour cela nous avons choisi d’analyser ici seulement les résultats des expériences expérimentales à 250°C. Ce choix est basé d’une part sur l’abondance des résultats

145 expérimentaux à 250°C et d’autre part sur la similitude de l’évolution morphologique et microstructurale des joints pour les trois températures 250, 300 et 350°C.

Dans la partie précédente, l’analyse de la cinétique de croissance de la phase -Cu3Sn a montré qu’il y a deux régimes de croissance bien distincts :

(i) Un premier régime de cinétique de croissance lente pendant lequel la couche de -Cu3Sn est homogène et exempte de porosités.

(ii) Un régime de croissance rapide pendant lequel la couche de -Cu3Sn présente de nombreuses porosités dont les dimensions, la morphologie et la répartition spatiale évolue avec le temps de maintien isotherme.

Ainsi, l’évolution des aspects morphologiques et microstructuraux de la couche de -Cu3Sn pendant les deux régimes sera analysée et discutée. Des faits expérimentaux seront identifiés afin de décrire ensuite les mécanismes physicochimiques mis en jeu lors des différents stades de l’évolution du système Cu/-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5.

Tout d’abord, et afin de distinguer les évolutions ayants lieu au sein du système Cu//𝜂 de celles du système Cu//𝜂/SnAg, une caractérisation de l’état initial du système Cu//𝜂 (immédiatement après ou à un stade très proche de la consommation totale de l’étain) est présentée.

2.2.1 Caractéristiques de l’état initial du système Cu//𝜂

La figure 4.26 présente quelques exemples de micrographies de ce qu’on appelle état initial du système Cu//𝜂, pour deux épaisseurs initiales totales de l’alliage SnAg (15 et 20µm). Comme cela a été discuté en détail dans la section précédente, théoriquement l’état initial du système Cu//𝜂 correspond au moment de la consommation totale de l’étain, c’est-à-dire à la transition du système Cu//𝜂/SnAg au système Cu//𝜂 qui a lieu au bout d’un temps de maintien isotherme à 250°C noté tT. Cependant, du fait du nombre limité des expériences de maintien isotherme, il est très difficile de prévoir ce temps de transition avec une bonne approximation. C’est pourquoi sur la figure 4.26, deux types d’états initiaux sont présentés :

(i) Etat dans lequel il reste encore un peu de SnAg qui correspond à un temps de maintien isotherme inférieur à tT (voir figures 4.26-a-i et 4.26-c).

(ii) Etat avec un temps de maintien isotherme supérieur à tT (voir figures 4.26-a-ii et 4.26-b). Notons que l’épaisseur du joint sur la figure 4.26-a n’est pas uniforme. Ceci est dû au fait que pour ces échantillons (15+0) avec Cu-SA, la forme du plot de Cu déposé est convexe comme cela est montré schématiquement sur la figure 4.26-d. De ce fait, l’épaisseur initiale de l’étain est plus élevée sur les bords qu’au centre du joint. L’existence de ce type de défaut sera exploitée par la suite afin de décrire les différentes étapes de l’évolution du système autour du temps de transition tT.

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Figure 4.26 :Quelques exemples de l’état initial du système Cu//𝜂à 250°C pour deux épaisseurs initiales de l’alliage SnAg (15 et 20µm) - voir texte. (a) Cu sans additifs (Cu*), (b) et (c) Cu avec additifs. (d) Représentation schématique du système

Cu-SA/SnAg/Cu-SA juste après l’assemblage montrant l’inhomogénéité de l’épaisseur de SnAg.

Les micrographies de la figure 4.26 montrent que l’état initial du système Cu//𝜂 présente les caractéristiques suivantes :

- Les joints présentent des grandes cavités en leur centre. Il s’agit des conséquences de l’évolution du système Cu//𝜂/SnAg présentées dans la première partie de ce chapitre. - Les deux phases 𝜀 et 𝜂 présentent une microstructure sans porosités.

- L’interface Cu/𝜀 présente une densité de trous non négligeable formés lors de l’évolution du système Cu//𝜂/SnAg.

À partir de cet état, considéré dorénavant comme le point de départ du système Cu//𝜂, l’évolution de la microstructure lors des maintiens isothermes est analysée grâce à des observations au microscope électronique à balayage (MEB) et des analyses chimiques par spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie (EDXS).

2.2.2 Evolution de la microstructure du joint Cu/-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5 au cours des maintiens isothermes à 250°C - résultats expérimentaux

Comme on le verra ci-dessous, l’évolution du système Cu//𝜂 au cours des maintiens isothermes sera divisée principalement en trois stades dont chacun est caractérisé par la formation de microstructures particulières de la phase -Cu3Sn, qu’on notera 0, 1 et 2.

a) Stade I : Croissance d’une couche uniforme et sans porosité de Cu3Sn

La figure 4.27 donne un exemple d’évolution du système Cu/-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5à partir de ce qu’on a défini comme état initial de ce système (figure 4.26) pour un échantillon 15+0.

Figure 4.27 : Evolution de la microstructure du système Cu//𝜂 avant (a) et après(b) la consommation totale de SnAg montrant la formation d’une couche continue et sans porosité de la phase -Cu3Sn et la coalescence des trous Kirkendall à

147 En ces premiers stades d’évolution et indépendamment des défauts du système Cu/SnAg (cavités et porosités interfaciales déjà discuté à la section 1.3), les échantillons montrent une croissance uniforme de la phase -Cu3Sn sans porosités en son sein qu’on note 0-Cu3Sn. Il est également observé que la densité des porosités à l’interface Cu/0 augmente au cours du temps jusqu’au point de donner l’impression d’une délamination de cette interface. Pour consolider ces conclusions, on donne sur la figure 4.28-b un agrandissement de l’échantillon (15+0) 1h à 250°C qui montre la présence de l’alliage SnAg résiduel localisé aux bords du joint. Sur cet échantillon, on peut identifier clairement trois zones distinctes le long du joint lorsque l’on se déplace du bord de l’échantillon vers son centre. Leur distinction est basée sur le temps de transition (tT) du système Cu//𝜂/SnAg au système Cu//𝜂. En effet, l’épaisseur non uniforme de SnAg tout au long du joint conduit à différents temps de consommation totale de Sn (différents temps de transition tT) et par conséquent à différents stades d’évolution du système Cu//𝜂. Cette particularité permet l’identification de trois zones notées zones 1, 2 et 3 sur la figure 4.28-b.

Figure 4.28 : Coalescence des trous Kirkendall à l’interface Cu/Cu3Sn lors de la transition du système Cu//𝜂/SnAg (zone a) au système Cu//𝜂 (zone b) et de l’épaisseur de la phase Cu3Sn (zone b zone c).

La zone 1 concerne le système Cu/0-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5/SnAg dans lequel la cinétique de croissance de la phase 𝜂-Cu6Sn5 est beaucoup plus rapide que celle de la phase 0-Cu3Sn (voir sections 1.2 et 2.1.5 de ce chapitre). Les zones 2 et 3 concernent le système Cu/0-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5 et sont caractérisées par une croissance de la phase 0-Cu3Sn et une consommation de la phase 𝜂-Cu6Sn5. Etant donné que la transition Cu/0/𝜂/SnAg → Cu/0/𝜂 a eu lieu plus tôt dans la zone 3 (épaisseur de SnAg plus faible), alors l’épaisseur de la phases 𝜂 dans cette zone sera plus faible que celle dans la zone 2. À l’inverse, l’épaisseur de la phase 0 dans la zone 3 sera plus élevée que celle dans la zone 2 (voir figure 4.28-b). En ce qui concerne les porosités (trous Kirkendall) à l’interface Cu/0, leur densité augmente dans le sens zone 1 → zone 2 → zone 3. La comparaison entre la zone 1 au sein du système Cu/SnAg et les zones 2 et 3 au sein du système Cu/𝜂 montre donc que la densité des porosités est plus importante dans le système Cu/𝜂. De plus, ces porosités coalescent au fur et à mesure de leur croissance donnant naissance à une délamination apparente entre le cuivre et la phase 0-Cu3Sn.

La première conséquence de la coalescence des porosités (trous Kirkendall) à l’interface Cu/0 est la diminution de l’aire de contact entre Cu et la couche de 0-Cu3Sn ce qui réduit donc les flux d’interdiffusion entre les phases Cu et 𝜂-Cu6Sn5. Par conséquent, cela conduirait à un ralentissement de la cinétique de croissance de la phase 0 étant donné qu’elle est contrôlée par un processus de diffusion.

Par ailleurs, la coalescence des porosités (trous Kirkendall) au cours du temps conduit à une délamination apparente entre Cu et 𝜀0. Ce phénomène conduit à son tour à une interface Cu/0

148 l’atmosphère du four (sous air). Ceci est montré sur la figure 4.29 qui donne des analyses EDX de deux échantillons contenant initialement 20µm SnAg (15+5) après un maintien isotherme de 16h à 250°C. En effet, pour les deux échantillons, on constate une oxydation du cuivre tout au long de l’interface Cu/0.

Figure 4.29 : Analyses EDX de deux échantillons (15+5) après 16h à 250°C montrant l’oxydation de l’interface Cu/𝜀0-Cu3Sn.

Ces analyses montrent clairement que la coalescence des trous Kirkendall à l’interface Cu/0 conduit à la formation de porosités ouvertes à cette interface et donc à l’établissement de communication entre différents endroits de cette interface avec l’atmosphère du four. Par ailleurs, ce phénomène conduit à l’oxydation du cuivre à cette interface ce qui le rend partiellement indisponible pour la croissance de la phase 𝜀0. Les conséquences de ce phénomène sur l’évolution de la morphologie et de la microstructure de la phase 0-Cu3Sn conduisent à d’autres stades de croissance de cette phase qui seront présentés ci-dessous.

b) Stade II-1 : Formation d’îlots de Cu3Sn dans le cuivre

Le deuxième stade de l’évolution du système Cu//𝜂 est caractérisé par la croissance de la phase 𝜺 sous forme d’îlots à l’interface Cu/𝜀0, qu’on note 1-Cu3Sn. La figure 4.30 montre quelques exemples

de croissance de ces îlots après 16h et 32h à 250°C pour deux configurations (5+15* et 15+0). Après 16h à 250°C, pour les deux échantillons on observe juste le début de formation de quelques îlots micrométriques de 1-Cu3Sn à l’interface Cu/0 du côté Cu. Après 32h, on constate la formation d’une couche continue de 1-Cu3Sn surtout pour l’échantillon 15+15. Notons que cette différence entre les deux échantillons est dû au décalage de temps du début du système Cu//𝜂 et à toutes les évolutions morphologiques qui succèdent.

Figure 4.30 : Micrographies de différents échantillons montrant différents stades de formation et de croissance des îlots de 1-Cu3Sn conduisant à la formation d’une couche insulaire de 1-Cu3Sn.

149 La figure 4.31 donne quelques détails sur la formation et la croissance des îlots de 1-Cu3Sn. Les observations et les analyses de ces échantillons montrent que la formation des îlots de 𝜀𝟏 est accompagnée d’une oxydation du cuivre aux interfaces Cu/porosités et îlots de 1-Cu3Sn/Cu

Figure 4.31 : Micrographies montrant quelques détails sur la formation des îlots de 1-Cu3Sn, la formation d’une couche d’oxyde ainsi que la formation de 2-Cu3Sn au centre du joint.

Au fur et à mesure du traitement thermique, la couche d’oxyde devient de plus en plus épaisse comme montré sur la figure 4.32 qui présente des analyses EDX d’un échantillon après 32h de traitement thermique à 250°C. (Une seconde analyse EDXS est donné en annexe 4.4). De plus, au fur et à mesure de la croissance des îlots de 1-Cu3Sn leur microstructure deviennent complexes ce qui conduit à une morphologie de type champignon. Cela suggère une croissance multidirectionnelle de la phase 1 -Cu3Sn à partir des sites initiaux de sa formation.

Figure 4.32 : Exemple de début de formation d’une couche insulaire de la phase 1-Cu3Sn et de l’oxydation du cuivre à l’interface Cu/Cu3Sn après 32h à 250°C pour l’échantillon 15+0*. (a) Images MEB et (b) Analyses EDX.

c) Stade II-2 : Formation de Cu3Sn poreux à l’interface 𝜂-Cu6Sn5/0-Cu3Sn

Sur les figures 4.31 on observe qu’au fur et à mesure de la croissance des îlots de 1-Cu3Sn à l’interface Cu/0-Cu3Sn, il y a aussi la formation et la croissance d’une couche poreuse de Cu3Sn à l’interface Cu6Sn5/0-Cu3Sn. Cette phase sera notée 2-Cu3Sn. Nous reviendrons plus tard sur l’évolution de cette zone interfaciale entre Cu6Sn5 et la couche de 0-Cu3Sn homogène et sans porosités.

d) Stade III : Formations de lisérés de Cu3Sn et d’oxyde de Cu

Afin d’analyser la suite de la croissance des îlots de 1-Cu3Sn avec le temps de maintien isotherme à 250°C quelques micrographies représentatives des échantillons qui ont subi des traitements thermiques de 64h, 128h et 256h sont données sur la figure 4.33.

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Figure 4.33 : Evolution de la microstruture du joint Cu/1-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5 avec le temps de maintien isotherme à 250°C. Formation de couches insulaires de 1-Cu3Sn et de liserés d’oxyde de cuivre.

Après 64h, les îlots de 𝜀1 croissent davantage suivant une morphologie de champignons uniformément distribués dans différents sites de l’interface Cu/𝜀0. Du fait de la croissance multidirectionnelle de plusieurs îlots de 𝜀1, ceux-ci se rencontrent et forment une couche latérale quasi-continue de 𝜀1 au-dessus d’une couche quasi-continue d’oxyde de cuivre (figure 4.33-a).

En parallèle de la croissance de 𝜀1, des porosités (trous Kirkendall) se forment et coalescent à l’interface Cu/𝜀1. De la même façon que l’interface Cu/𝜀0, l’interface Cu/𝜀1 communiquent avec l’atmosphère du four provoquant l’oxydation du cuivre à cette interface. Ainsi par ce principe itératif, une deuxième et troisième couche de la phase 1-Cu3Sn et de l’oxyde de cuivre sont formées comme le montre les figures 4.33-(b) et (c).

La figure 4.34 permet de donner un aperçu global de deux échantillons pour lesquels on distingue plus ou moins clairement la position spatiale et la morphologie des trois types de Cu3Sn présentés précédemment : 0-Cu3Sn, 1-Cu3Sn et 2-Cu3Sn.

Figure 4.34 :Images MEB (a) et optique (b) de deux échantillons 15+0 Cu sans additifs après un maintien isotherme de 64h à 250°C montrant les différentes morphologies du produit de réaction Cu3Sn formé ente Cu et Cu6Sn5.

Les images électronique (a) et optique (b) de la figure 4.34 montrent un état final du joint Cu/Cu3Sn/Cu avec la formation de la phase ε-Cu3Sn sous ces trois formes : 𝜀0, 𝜀1 et 𝜀2. Notons que d’après les observations des micrographies, la formation de Cu3Sn, type 𝜀1coté Cu et 𝜀2 coté 𝜂, commence pratiquement au même moment. Ce constat a été confirmé par des observations de plusieurs types d’échantillons (épaisseur SnAg (µm) : 15+0*, 15+0*Cu SA, 5+15).

Notons enfin que les résultats expérimentaux sur la croissance de la phase Cu3Sn dans le système Cu/ -Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5 à plus hautes températures (300 et 350°C) sont similaires à ceux obtenus à 250°C. Dans le paragraphe suivant on présentera un schéma de l’évolution morphologique schématique du système Cu/-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5 à 250°C au cours des maintiens isothermes à 250°C sous air. Les mécanismes physicochimiques mis en jeu lors de cette évolution seront proposés et discutés.

151 2.2.3 Evolution schématique et mécanismes physicochimiques mis en jeu lors des maintiens isothermes du système Cu/-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5 à 250°C

Dans les deux parties précédentes, deux régimes successifs de croissance de la phase -Cu3Sn dans le système Cu/-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5 à 250°C sous air ont été identifiés. Dans cette partie, une évolution schématique de ce système depuis l’état initial jusqu’à son état final basée sur les observations expérimentales sera présentée et les mécanismes physicochimiques mis en jeu lors de la croissance de la phase 𝜀 au sein du système Cu/𝜂 seront proposés et discutés.

La figure 4.35 présente schématiquement l’évolution du système depuis l’état initial (échantillon Cu//𝜂/SnAg/𝜂//Cu juste après l’assemblage) jusqu’à l’état final thermodynamiquement stable (Cu//Cu). La transition du système Cu//𝜂/SnAg au système Cu//𝜂 a lieu lorsque tout Sn est consommé. Le temps de transition tT correspond donc au temps initial du système Cu//𝜂 (tCu/𝜂 = 0, épaisseur initiale de la couche de -Cu3Sn égale à 𝑒0). Les interfaces Cu/, /𝜂 et /𝜂/SnAg sont nommées interfaces 1, 2 et 3 respectivement.

Le système Cu/SnAg est caractérisé par la croissance de deux phases -Cu3Sn (noté 𝜀0) et 𝜂-Cu6Sn5 aux interfaces 1, 2 et 3 avec une cinétique de croissance de 𝜂 beaucoup plus rapide que celle de  (un rapport d’épaisseurs d’environ 3). Ce phénomène est discuté en détail dans les travaux de [Görlich et al., 2005], [Liashenko et Hodaj, 2015] et [Gusak et al., 2010] qui suggèrent que la croissance très rapide de la phase 𝜂-Cu6Sn5 est due à une diffusion intergranulaire et/ou à l’existence de canaux nanométriques de Sn liquide dans la couche de 𝜂. De plus, plusieurs études de la littérature montrent clairement que la diffusion du Cu dans la phase  est beaucoup plus rapide que celle de Sn (facteur d’environ 30)([Paul, 2011], [Kumar, 2011] et [Baheti et al., 2017]), ce qui conduit à la formation de lacunes atomiques (Kirkendall voids) à l’interface 1 (Cu/Cu3Sn) et ensuite à la germination-croissance de trous Kirkendall de taille nanométrique (voir figure 4.35-a). Au cours de longs maintiens isothermes du système Cu//𝜂/SnAg, la coalescence des trous Kirkendall peut conduire à la formation de trous (cavités interfaciales) de taille micrométrique (voir figure 4.35-b).

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Figure 4.35 :Représentation schématique des différentes étapes de l’évolution du système Cu/-Cu3Sn/𝜂-Cu6Sn5 à 250°C sous air.

Après la consommation totale de l’étain, celui-ci n’est donc plus disponible pour la croissance de 𝜂 à l’interface 3. De ce fait, seule la phase 𝜀 croît par réaction entre Cu et 𝜂-Cu6Sn5.

Dans ces conditions, la croissance de la phase Cu3Sn peut avoir lieu à la fois aux interfaces 1 et 2 (figure 4.35-b) selon les réactions suivantes :

Diffusion du cuivre (Cud) de l’interface 1 à l’interface 2 : (Cud)1 → (Cud)2

Formation de Cu3Sn (0) à l’interface 2 : 9Cud + Cu6Sn5 → 5Cu3Sn (0) (a) Formation de Cu3Sn (2) et libération de Sndà l’interface 2 : Cu6Sn5 → 3Snd + 2Cu3Sn(2) (b) Diffusion de Snd à travers Cu3Sn de l’interface 1 à l’interface 2 : (Snd)2 → (Snd)1

Formation de Cu3Sn (1) à l’interface 1 : 3Snd + 9Cu → 3Cu3Sn(1) (c) Snd et Cud désignent respectivement les espèces Sn et Cu qui diffusent à travers Cu3Sn.

Les notations 0, 2 et 1 pour la phase réactive -Cu3Sn sont en relation avec les mécanismes de sa formation selon les réactions (a), (b) et (c) respectivement.

Notons que, si seul Cu diffuse (et Sn est pratiquement immobile) alors, selon la réaction (a), la diffusion de 9 moles d’atomes de Cu conduirait à la formation de 5 moles de Cu3Sn à l’interface 2.

153 Par contre, si seul Sn diffuse (Cu pratiquement immobile) alors selon les relations (b) et (c), la diffusion de 3 moles d’atomes de Sn conduirait à la formation de 2 moles de Cu3Sn à l’interface 2 et de 3 moles de Cu3Sn à l’interface 1 respectivement.

Or, comme mentionné ci-dessus, selon plusieurs études sur l’autodiffusion de Cu et Sn dans la phase Cu3Sn [Paul, 2011], [Kumar, 2011], [Baheti et al., 2017], il a été clairement démontré que le coefficient d’autodiffusion de Cu est beaucoup plus élevé que celui de Sn (facteur d’environ 30). De ce fait, la formation de Cu3Sn dans le système Cu/Cu3Sn/Cu6Sn5 aura lieu pratiquement à l’interface 2 (Cu6Sn5/Cu3Sn) - voir figure 4.35-b. Dans ce cas la diffusion de Cu de l’interface 1 vers l’interface 2 conduit à la formation des lacunes (sites atomiques vacants) à l’interface 1 (Cu/Cu3Sn) appelés Kirkendall voids. Ces lacunes atomiques coalescent au cours du maintien isotherme conduisant ainsi à la formation de microporosités (trous Kirkendall) observables au MEB. Ceci est en très bon accord avec nos résultats expérimentaux qui montrent la formation de trous (cavités) à l’interface Cu/Cu3Sn (voir figures 4.26, 4.27), montrés schématiquement sur la figure 4.35-b et c. La formation de trous Kirkendall et le mécanisme de leur formation a été reporté plusieurs fois dans la littérature [Zeng, 2005], [Paul, 2011], [Kumar, 2011], [Baheti et al., 2017].

Il est néanmoins important de noter que d’autres mécanismes de formation de ces trous à l’interface Cu/Cu3Sn ont été reportés dans d’autres travaux. Ainsi par exemple [Yu et al., 2014] indiquent que la formation de trous à cette interface Cu/Cu3Sn est dû principalement aux additifs électrolytiques dans le cuivre (tel que le souffre par exemple) qui migrent et se rassemblent à cette interface lors du traitement thermique. Cela favorise la formation et croissance de trous interfaciales. Leur conclusion est basée principalement sur le fait que le rapport (épaisseur de cuivre)/(air de contact) impacte de façon quasi-proportionnelle la formation des trous à l’interface Cu/Cu3Sn. La même conclusion est reportée par [Baheti, 2018]. Cependant, dans notre cas, il est difficile de déterminer si l’utilisation du Cu sans additifs électrolytiques (Cu-SA) conduit à une diminution des porosités à l’interface Cu/Cu3Sn comparé avec Cu avec additifs. En effet, dans les deux cas, on observe la formation de nombreuses cavités à l’interface Cu/Cu3Sn (voir par exemple figure 4.22, 4h avec et sans additifs).

Notons enfin que les travaux récents de [Li et al., 2015] montrent que la taille de grains de cuivre impacte la proportion des porosités à l’interface Cu/𝜀. Les auteurs ont comparé la formation des trous dans le cas de deux substrats de Cu avec des tailles de grains très différentes et montré que les porosités interfaciales sont plus nombreuses dans le cas du cuivre avec des grains de plus petite taille.