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Selon le type de microscope (à balayage ou en transmission) et les détecteurs dont il est équipé, il est possible de mesurer à l’extérieur de l’échantillon différents types de signaux engendrés par les collisions élastiques et inélastiques. Ces signaux sont constitués soit par des électrons – transmis, diffractés, secondaires, rétrodiffusés, Auger –, soit par des rayonnements lumineux – cathodoluminescence, rayons X (Fig. 2-18 et Tab. 2-2).

Les électrons transmis et diffractés ne concernent que les cas où l’échantillon est suffisamment mince pour qu’un électron primaire arrivant sur sa face supérieure le traverse et

Figure 2-17 – Simulation par la méthode Monte Carlo de l’interaction entre un faisceau d’électrons primaires à 20 keV et un échantillon en silicium. Les traits épais correspondent aux trajectoires des électrons rétrodiffusés. On observe que le volume d’interaction a une géométrie caractéristique en forme de poire. Source : Goldstein et al. [2003].

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émerge par sa face inférieure. En microscopie électronique en transmission (MET), ils servent à obtenir – sur un écran électro-fluorescent ou un capteur CCD – soit l’image de l’échantillon, soit des figures de diffraction. Ces dernières renseignent sur la structure cristalline de l’échan-tillon de manière analogue à la diffraction des rayons X (cf. § II.2.). Par ailleurs, l’analyse spectrale des électrons primaires ayant perdu de l'énergie lors de la traversée de l’échantillon constitue le principe de base de la spectrométrie par perte d’énergie d’électron (en anglais

Electron Energy Loss Spectrometry, ou EELS), une technique d’analyse chimique mise en

œuvre uniquement en MET.

Les électrons secondaires sont des électrons quittant l’échantillon avec une énergie faible, typiquement inférieure à 50 eV [Goodhew et al., 2001] et provenant donc d’une faible profondeur. En théorie, rien n’interdit que cela corresponde à des électrons primaires ayant quitté l’échantillon peu avant d’avoir perdu toute leur énergie initiale par collisions successives. En pratique, toutefois, il s’agit en majorité d’électrons arrachés à leurs atomes par ces mêmes collisions (d’où leur appellation d’électrons secondaires, par opposition aux électrons primaires du faisceau incident). Leur énergie est faible car elle correspond à la différence entre l’énergie transmise par l’électron primaire et l’énergie de liaison. Abondants, les électrons secondaires constituent le signal le plus couramment employé pour l’imagerie en microscopie électronique à balayage (MEB). Le détecteur est positionné avec un angle faible par rapport à la surface de l’échantillon.

Les électrons rétrodiffusés sont des électrons primaires ayant quitté l’échantillon avant d’avoir été complètement ralentis (Fig. 2-17). Leur énergie est plus importante que les électrons secondaires et ils peuvent donc provenir d’une plus grande profondeur. Ils sont utilisés pour l’imagerie en MEB. Les images obtenues mettent en évidence les différences de composition, en particulier entre des minéraux riches ou pauvres en éléments lourds, car ces derniers augmentent la probabilité de collisions élastiques. Le détecteur correspondant est positionné à proximité de la verticale car les rétrodiffusions se font principalement dans cette direction.

Lorsqu’un électron localisé est arraché à un atome par collision avec un électron primaire, cet atome se retrouve dans un état excité, de haute énergie. Un temps après l’événement, l’électron arraché est remplacé par transition électronique et l’atome « se relaxe » (Fig. 2-19), libérant l’excès d’énergie selon plusieurs processus possibles. Si l’électron arraché était un électron externe, alors l’énergie en excès est faible et elle est communément émise sous forme de lumière, dans le domaine visible à ultraviolet : c’est la

cathodoluminescence.

Si l’électron arraché est au contraire un électron interne, l’énergie à libérer est plus grande et peut être émise sous la forme d’un rayonnement X. L’énergie de ce rayonnement correspond à la différence d’énergie entre les deux états de l’atome (excité et relaxé) et cette différence est caractéristique de l’espèce chimique. Un électron arraché à la couche K et remplacé par un électron de la couche L donne une raie d’émission notée Kα (Fig. 2-19) ; s’il est remplacé par un électron de la couche M, la raie est notée Kβ, etc. Ceci constitue le principe de base de l’analyse chimique par EDX, que nous détaillerons plus loin.

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Des rayons X peuvent aussi être produits par « effet de freinage »15 lorsqu’un électron primaire perd une grande quantité de son énergie dans une collision inélastique avec un noyau atomique. Mais l’émission n’est dans ce cas pas caractéristique de l’élément chimique concerné : il en résulte un bruit de fond dans les spectres d’analyse X.

Alternativement, un atome ayant perdu un électron interne peut se relaxer en éjectant un électron externe portant l’excès d’énergie sous forme d’énergie cinétique. Ces électrons éjectés par des atomes excités sont appelés électrons Auger et la mesure de leur énergie constitue la base de la spectrométrie Auger.

Figure 2-18 – Représentation schématique des signaux observables dans un microscope électronique. Le faisceau transmis et les électrons diffractés ne sont présents qu’avec un échantillon suffisamment mince (cas du MET). A : électrons Auger. S : électrons secondaires R : électrons rétrodiffusés. Modifié d’après Goodhew et al. [2001] et Maniguet et al. [2008].

Processus Effets observables Applications Type de microscope

Aucun Électrons transmis Imagerie MET

Collisions élastiques

Électrons diffractés Cristallographie MET

Électrons rétrodiffusés Imagerie/chimie MEB

Collisions inélastiques

Perte d’énergie Chimie (EELS) MET

Électrons secondaires Imagerie/topographie MEB

Cathodoluminescence Minéralogie MEB et MET

Rayons X Chimie (EDX) MEB et MET

Électrons Auger Chimie (spectro. Auger) MEB

Tableau 2-2 – Résumé des signaux observables et de leurs applications en microscopie électronique.

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Figure 2-19 – Représentation des trois premières couches électroniques autour d’un noyau de molybdène. Les électrons de la couche K sont ceux dont l’énergie de liaison est la plus grande et donc ceux auxquels il faut apporter le plus d’énergie pour qu’ils soient arrachés. Lorsque cela se produit, l’atome excité se relaxe par une transition électronique (ici Kα1). La différence d’énergie entre la position de l’électron avant et après cette transition est émise sous la forme de rayonnement X (cas considéré ici) ou par l’éjection d’un électron Auger. D’après des figures de Goodhew et al. [2001].

II.3.2. Caractérisation d’un échantillon

II.3.2.1. Préparation

Les échantillons placés à l’intérieur d’un microscope électronique doivent obéir à plusieurs critères pour permettre une caractérisation dans de bonnes conditions. Ils doivent tout d’abord être de petite taille : quelques centimètres au MEB, quelques millimètres au MET. Ils doivent aussi résister au vide et donc contenir peu d’eau, ce qui peut nécessiter de les sécher préalablement. Enfin, ils doivent être conducteurs d’électricité, ceci afin d’éviter l’accumulation des charges négatives à leur surface, ce qui perturberait la propagation des électrons utiles à l’imagerie ou à l’analyse. S’ils ne sont pas naturellement conducteurs, il faut les métalliser, c’est-à-dire recouvrir leur surface d’une fine couche de carbone, de platine ou d’or. Dans ce travail de thèse, les échantillons ont tous été métallisés au carbone.

Dans le cas du MEB, où les électrons primaires ne sont pas censés aller au-delà de l’échantillon, celui-ci est disposé sur un plot métallique (il est possible d’introduire plusieurs plots à la fois dans l’instrument). La fixation est réalisée à l’aide d’un adhésif double face communément appelé « scotch carbone ». Si l’échantillon est une poudre, il faut s’assurer que les grains sont bien collés sur l’adhésif – par exemple en tapotant le plot ou en utilisant une

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soufflette –, sans quoi ils risquent de se détacher et de polluer l’intérieur du microscope16. Une laque d’argent (conductrice) est utilisée en complément pour établir un « pont » entre l’échantillon et le plot métallique. Cette substance demandant un temps de séchage assez long, la préparation est généralement réalisée la veille de la séance MEB. Pour des raisons pratiques, la métallisation est toujours effectuée une fois l’échantillon disposée sur son plot.

Dans le cas du MET, l’échantillon doit obligatoirement être très mince (de l’ordre de la centaine de nanomètres), de manière à laisser passer une partie du faisceau incident. La préparation pour les poudres (seul cas rencontré dans ce travail de thèse) est appelée « dépôt-goutte ». Elle consiste à mettre la poudre en suspension dans un liquide (eau ou éthanol) et à déposer une goutte de celui-ci sur une grille en cuivre supportant une membrane carbonée, puis à laisser sécher. Pour éviter la présence de grains trop épais ou d’agrégats, il est recommandé de diluer et de laisser décanter la suspension avant d’effectuer le prélèvement pour le dépôt-goutte. Il est à noter qu’avec ce type de préparation, il n’est pas nécessaire de métalliser l’échantillon, car la grille et la membrane sont suffisamment conductrices.

II.3.2.2. Imagerie

Comme nous l’avons vu précédemment, les microscopes électroniques à balayage et en transmission n’utilisent pas les mêmes signaux pour constituer l’image de l’échantillon. Dans un MEB, c’est l’abondance des électrons secondaires (ou, moins couramment, des élec-trons rétrodiffusés) qui est mesurée. En balayant rapidement la surface de l’échantillon avec le faisceau – ce qui est rendu possible par des bobines de déflection positionnées à proximité de la lentille objectif –, on reconstruit une image pixel par pixel (Fig. 2-20). Dans un MET, ce sont directement les faisceaux d’électrons transmis et diffractés qui constituent l’image sur un écran électro-fluorescent, que l’utilisateur observe lui-même au travers d’une fenêtre mais qui peut aussi être soulevé pour enregistrer l’image sur une plaque photographique, ou plus couramment aujourd’hui au moyen d’un capteur CCD. De par son fonctionnement, un MET est ainsi plus proche d’un microscope traditionnel que ne l’est un MEB (Fig. 2-16 et 2-20).

La détection d’électrons secondaires étant fortement dépendante de l’angle avec lequel le faisceau frappe l’échantillon, les images obtenues en MEB sont très sensibles à la topo-graphie et permettent donc d’acquérir une connaissance précise de la morphologie en trois dimensions des objets étudiés. En MET, le contraste est essentiellement lié aux phénomènes de diffraction et à l’épaisseur des objets et la « sensation » de relief est ainsi beaucoup moins présente dans les images.

II.3.2.3. Analyse chimique