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Lorsqu’un atome est exposé à un rayonnement X, un de ses électrons peut être expulsé : c’est l’effet photoélectrique [Barraud, 1960]. L’atome en question se retrouve alors dans un état excité. La désexcitation nécessite le remplacement de l’électron perdu par l’un de ceux situés sur une orbitale plus externe : exemple le plus courant, un électron de la couche L « descend » vers la couche K (émission Kα). Cette transition électronique s’accompagne de l’émission d’un rayonnement X secondaire, dit de fluorescence.

La fluorescence se produit uniquement si l’énergie du faisceau incident est supérieure à l’énergie de liaison des électrons de l’atome-cible. C’est le cas lorsque ce dernier a un numéro atomique plus petit que l’anode de la source X. Par exemple, une anode en cuivre (Z = 29) va provoquer une fluorescence importante des atomes de fer (Z = 26) présents dans l’échantillon.

Ces rayonnements de fluorescence sont mis à profit en spectrométrie de fluorescence X pour l’analyse chimique élémentaire. En revanche, ils nuisent à l’analyse en DRX car ils se superposent aux rayonnements diffractés que l’on cherche à mesurer et dont l’intensité est plus faible (autrement dit, ils augmentent le bruit de fond). On cherche donc à s’en affranchir, soit en employant un rayonnement primaire qui n’excite la couche K d’aucun élément de l’échantillon14

, soit, si des raies K de fluorescence sont émises, en utilisant un monochroma-teur arrière pour filtrer uniquement les longueurs d’onde correspondant au rayonnement primaire diffracté [Guinier, 1964].

II.2.3.3. Quantification

Au sein d’un mélange de phases (typiquement, une roche), plus un constituant est abondant et plus les pics de diffraction dont il est à l’origine seront intenses. En théorie, il est donc possible d’extraire d’un diffractogramme non seulement la nature des différentes

14 Les éléments « excitables » n’ont pas besoin d’être totalement absents, mais leur teneur doit rester faible. Pour les échantillons géologiques, on peut par exemple admettre une petite quantité de fer (quelques pourcents) pour une analyse avec une source X à anode de cuivre.

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espèces minéralogiques, mais aussi leur abondance relative. Deux approches distinctes ont été développées pour y parvenir : la méthode RIR et la méthode de Rietveld.

La méthode RIR (Reference Intensity Ratio, ou Rapport d’Intensité de Référence en français) est basée sur la mesure de l’intensité des pics de diffraction au-dessus du bruit de fond [e.g., Hillier, 2000 ; et références incluses]. La quantification est établie grâce à des coefficients d’étalonnage qui permettent la prise en compte de la capacité de chaque phase à diffracter les rayons X. Cette méthode est bien adaptée aux échantillons naturels, car elle ne nécessite pas d’autres informations sur les minéraux que celles incluses dans leur fiche de référence (positions et intensités des pics, coefficients d’étalonnage). Il faut toutefois s’assurer que les fiches en question ont un bon critère de qualité (fiche calculée ou de haute/bonne qualité ; cf. § II.2.3.1.). L’autre avantage de la méthode RIR est qu’elle est aisée à mettre en œuvre grâce à son intégration à Diffracplus

EVA : après ajustement manuel des intensités de pics, les résultats sont donnés directement dans le logiciel.

Les principales sources d’incertitude de la méthode RIR sont liées aux orientations préférentielles des cristaux allongés (cf. § II.2.3.2.2.), aux différences de tailles de grain, à la présence de phases mal cristallisées et aux effets d’extinction [Cullity, 1956]. Les phases mal cristallisées présentent des pics de diffraction larges et tendent en conséquence à être sous-estimées par la méthode RIR, car celle-ci est basée sur les intensités des pics et non sur leur aire. Malgré ces limites, Hillier [2000] a montré que la méthode RIR pouvait donner des résultats justes, avec des erreurs relatives de ~10% ou mieux dans des conditions favorables. Cependant, pour des échantillons complexes contenant des phases mal cristallisées et/ou des espèces minérales appartenant à des solutions solides, les incertitudes sont plus grandes (et difficilement chiffrables). La méthode RIR doit donc être considérée comme une méthode

semi-quantitative à appliquer préférentiellement sur des phases bien cristallisées.

La méthode de Rietveld, du nom de son inventeur [Rietveld, 1969], consiste à modéliser un diffractogramme avec les espèces minérales identifiées, puis à affiner les concentrations pour le faire correspondre au mieux au diffractogramme mesuré. Plusieurs autres variables, telles que les paramètres de maille, le taux de cristallinité ou la forme des pics, peuvent aussi être ajustées par l’utilisateur. Cette méthode donne de bons résultats car elle n’est pas dépendante de coefficients d’étalonnage et car elle prend en compte l’ensemble des caractéristiques du diffractogramme (position, intensité et largeur des pics, bruit de fond). Sa mise en œuvre est toutefois très délicate pour les échantillons naturels, en raison de la complexité des diffractogrammes mesurés et d’un manque d’informations a priori sur les phases cristallines présentes (paramètres de maille, cristallinité). Sa fiabilité devient alors comparable à celle de la méthode RIR [Hillier, 2000]. C’est la raison pour laquelle, dans ce travail, c’est la méthode RIR qui a été utilisée pour réaliser les quantifications DRX.

II.2.4. Instruments utilisés

Les analyses en DRX de ce travail de thèse ont été réalisées en partie au Centre Européen de Recherche et d’Enseignement des Géosciences de l’Environnement (CEREGE, Aix-en-Provence), sous la supervision de Daniel Borschneck, et en partie à l’Institut des Matériaux Jean Rouxel (IMN, Nantes), sous la supervision de Pierre-Emmanuel Petit.

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II.2.4.1. Panalytical X’Pert Pro MPD (CEREGE – Aix-en-Provence)

Ce diffractomètre (Fig. 2-15) est doté d’une source X en cobalt (opérée à une tension de 40 kV et un courant de 40 mA), d’un monochromateur arrière et d’un détecteur rapide X’Celerator. Sa géométrie est de type Bragg-Brentano θ-θ (Fig. 2-13). Le monochromateur arrière permet d’analyser des échantillons à forte fluorescence sans être gêné par le bruit de fond. Le changement d’échantillon se fait manuellement.

II.2.4.2. Bruker D8 Advance (IMN – Nantes)

Ce diffractomètre est doté d’une source X en cuivre (opérée à une tension de 40 kV et un courant de 40 mA), d’un monochromateur avant sélectionnant la radiation Cu Kα1 (lon-gueur d’onde : 0,1540593 nm) et d’un détecteur rapide de type silicium à bande qui collecte les rayons X simultanément avec une gamme angulaire large de 3,7° en 2θ. Sa géométrie est de type Bragg-Brentano θ-θ (Fig. 2-13).

À noter aussi que cet instrument est équipé de plusieurs « magasins » pour stocker les échantillons et d’un bras robotisé pour les mettre en position tour à tour entre la source et le détecteur. Grâce à ce dispositif, l’utilisateur n’a pas à intervenir à chaque fois qu’une analyse est terminée, ce qui représente un gain de temps considérable pour les longues séries d’échan-tillons, puisque l’instrument peut ainsi fonctionner la nuit et le week-end.

II.2.4.3. Siemens D5000 (IMN – Nantes)

Ce diffractomètre est doté d’une source X en cuivre (opérée à une tension de 40 kV et un courant de 40 mA), d’un monochromateur arrière et d’un détecteur Moxtek PF2400 Si PIN. Sa géométrie est de type Bragg-Brentano θ-θ (Fig. 2-13). Les acquisitions sont réalisées avec des fentes de divergence et d’antidiffusion de 1 mm et avec une fente de détecteur de 0,2 mm. Le D5000 est utilisé – entre autres – pour les matériaux trop fluorescents pour le D8 Advance (notamment ceux dont la concentration en fer est élevée). Le changement d’échan-tillon se fait manuellement.

Figure 2-15 – Le diffractomètre X’Pert Pro MPD du CEREGE (Centre Européen de Recherche et d’Enseignement des Géosciences de l’Environnement), à Aix-en-Provence.

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II.3. La microscopie électronique (MEB et MET)

II.3.1. Principe

La microscopie électronique tient son nom du fait que l’échantillon est observé à l’aide d’un faisceau d’électrons et non de lumière visible comme en microscopie optique. Mais les deux techniques n’en sont pas moins analogues dans leur principe général. Toutefois, en plus de permettre d’accéder à des résolutions bien meilleures en termes d’imagerie, l’utilisation des électrons permet d’extraire des informations supplémentaires sur l’échan-tillon, telles que sa chimie ou sa cristallinité. Ces deux points constituent des atouts certains pour l’étude des phases d’altération, en particulier lorsqu’elles sont peu développées.

II.3.1.1. Repères de microscopie optique

La microscopie électronique est l’héritière directe de la microscopie optique : les mêmes lois fondamentales s’appliquent et une grande partie du vocabulaire est commune. On retrouve en particulier des notions telles que l’objet et l’image, l’objectif, la distance focale, le point focal, l’angle de convergence, le grossissement, la résolution, l’ouverture, la profondeur de champ, ou encore les aberrations chromatiques ou monochromatiques et l’astigmatisme. Il peut donc être utile de les rappeler brièvement.

La microscopie optique repose sur l’utilisation des lentilles convergentes. Une lentille convergente est une pièce transparente – classiquement en verre – qui a pour propriété de concentrer un faisceau de lumière parallèle incident en un point précis, baptisé point focal. La distance qui sépare la lentille de son point focal est appelée distance focale : c’est elle qui détermine, selon la position de l’objet étudié, si l’image de ce dernier est grossie ou rétrécie. C’est en combinant plusieurs lentilles convergentes associées à des ouvertures que l’on met au point un microscope optique (Fig. 2-16).

Pour l’étude d’objets en relief, la profondeur de champ devient une caractéristique importante d’un microscope. Elle est définie comme l’intervalle de distance vertical (dans le cas de la figure 2-16) pour lequel l’image de l’objet est nette. En règle générale, le seul moyen efficace pour accroître la profondeur de champ est de réduire l’angle de convergence, ce qui est obtenu en réduisant l’ouverture de la lentille objectif. Toutefois, ceci a pour conséquence d’accentuer la diffraction de la lumière, et donc de diminuer la résolution.

Une des principales difficultés dans l’utilisation des lentilles convergentes provient des aberrations, qui sont classées en deux catégories. Les aberrations chromatiques, d’abord, surviennent quand une gamme de longueurs d’onde est présente dans la lumière incidente : la lentille ne faisant pas converger les différentes longueurs d’onde exactement au même point focal, il est impossible d’obtenir une image nette pour toutes les couleurs. Les aberrations monochromatiques, quant à elles, sont dues à des effets géométriques, par exemple lorsque la partie périphérique de la lentille n’a pas exactement le même point focal que la partie centrale (aberration sphérique). L’astigmatisme est un autre type d’aberration monochromatique, lié aux différences de propriétés de la lentille selon les axes horizontal et vertical. Les aberrations monochromatiques peuvent être limitées en réduisant l’ouverture.

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II.3.1.2. Spécificités de la microscopie électronique

Bien que les principes et notions de base soient identiques, l’emploi des électrons à la place de la lumière visible introduit des spécificités importantes, qui ont des répercutions aussi bien sur les performances que sur la mise en œuvre du microscope électronique :

- la longueur d’onde : de même que la lumière peut être décrite aussi bien comme un flux de photons que comme un rayonnement, les électrons peuvent être considérés soit comme des particules subatomiques soit comme un rayonnement dont la longueur d’onde est inférieure de plusieurs ordres de grandeur à celle de la lumière visible (environ 0,001 à 0,01 nm, contre 400 à 750 nm ; Fig. 2-1) ;

- la diffusion par les gaz : les électrons sont beaucoup plus facilement diffusés par les gaz que ne l’est la lumière (ils ne pénètrent que de quelques millimètres dans l’air à pression atmosphérique), ce qui oblige à faire le vide à l’intérieur d’un microscope électronique ;

- la charge électrique : contrairement à la lumière, les électrons portent une charge électrique (négative), ce qui oblige à travailler avec des échantillons naturellement conducteurs ou rendu tels par métallisation (cf. § II.3.2.1.).

Figure 2-16 – Schéma illustrant le principe du microscope optique (en lumière transmise) et intro-duisant des notions communes à la microscopie électronique. Modifié d’après Goodhew et al. [2001].

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La courte longueur d’onde des électrons est la raison essentielle qui justifie leur utilisation à la place de la lumière visible. Associée à des angles de convergence très faibles également, elle permet d’atteindre des résolutions théoriques de quelques dixièmes de nano-mètres, c’est-à-dire de l’ordre des rayons atomiques [Goodhew et al., 2001]. Cependant, la résolution réelle est toujours dégradée en raison des aberrations monochromatiques, qui sont plus difficiles à corriger qu’avec des lentilles optiques. Quoi qu’il en soit, le gain reste considérable par rapport à la microscopie traditionnelle, dont la résolution maximale est de quelques centaines de nanomètres. En outre, les faibles angles de convergence permettent aussi un gain important en profondeur de champ.

La charge électrique est quant à elle mise à profit pour focaliser les électrons à l’aide de lentilles magnétiques. Bien que très différentes dans leur principe de fonctionnement, celles-ci agissent sur les faisceaux d’électrons de la même manière que les lentilles optiques sur les faisceaux lumineux.

II.3.1.3. Interactions électrons-solide

Dans le cadre de la microscopie optique, on peut considérer dans la grande majorité des cas que l’échantillon n’est pas modifié par le fait d’être observé sous lumière blanche. En microscopie électronique, en revanche, l’arrivée du faisceau d’électrons primaires sur l’échantillon déclenche un certain nombre de processus physiques qu’il est indispensable de connaître pour manipuler correctement l’instrument et en interpréter les données.