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Pour expliquer les processus vibrationnels à l’origine d’absorptions en spectrométrie VNIR, on peut comparer les liaisons chimiques au sein des molécules ou des édifices cristallins à des ressorts dotés de poids à leurs extrémités [Clark, 1999]. Un tel système se met à vibrer si on lui apporte l’énergie adéquate. Dans le cas des liaisons chimiques, l’énergie est apportée par un rayonnement de fréquence donnée, qui est alors absorbé.

Bien que le mouvement général d’un système vibrant semble aléatoire, il peut être décrit par un certain nombre de modes de vibration simples (Fig. 2-2), appelés modes normaux ou fondamentaux, qui dépendent à la fois de la force des liaisons et de la disposition et de la masse des éléments liés. Chacune de ces vibrations peut aussi s’effectuer à un multiple de la fréquence fondamentale : c’est ce que l’on appelle les modes harmoniques. Enfin, plusieurs vibrations différentes (fondamentales ou harmoniques) peuvent s’effectuer à la même fré-quence : c’est ce que l’on appelle les combinaisons.

Les fréquences de vibration fondamentales sont notées avec la lettre grecque nu (ν) suivi d’un chiffre en indice. Si une molécule présente trois modes fondamentaux de fréquence ν1, ν2 et ν3, les modes harmoniques auront des fréquences proches de 2ν1, 2ν2, 2ν3, 3ν1, 3ν2, 3ν3, 4ν1, 4ν2, 4ν3, etc. et les combinaisons auront des fréquences correspondant à la somme des fréquences des modes fondamentaux et harmoniques impliqués (par exemple : ν1 + ν2, ν1 + ν2 + ν3 ou encore 2ν1 + ν2).

L’énergie requise pour exciter les modes fondamentaux des matériaux géologiques se situe dans les domaines de l’infrarouge moyen et lointain [Hunt, 1977] (Fig. 2-1). Seules les modes harmoniques (et les combinaisons) peuvent donc être observés en spectrométrie VNIR. Toutefois, l’absorption du rayonnement est typiquement 30 à 100 fois plus faible lorsque l’on passe du mode fondamental au premier mode harmonique, ou d’un mode harmonique au suivant [Clark, 1999]. Par conséquent, certaines liaisons chimiques ne sont pas détectables en spectrométrie VNIR : c’est le cas par exemple des liaisons Si-O, Al-O ou Mg-O, pourtant importantes dans les matériaux géologiques [Hunt, 1977]. Par ailleurs, seules les molécules ayant un moment dipolaire non nul ont une activité vibrationnelle observable en spectrométrie VNIR. C’est le cas de la molécule d’eau, par exemple, mais pas des molécules symétriques comme le diazote ou le dioxygène.

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Figure 2-2 – Illustration des deux modes de vibration des liaisons O-H dans une structure minérale de phyllosilicate. Le mouvement de pliage (bending en anglais) est illustré en rose à gauche et le mouvement d’étirement (stretching en anglais) en bleu à droite. L’énergie requise pour déclencher ces vibrations dépend des cations présents dans les sites octaédriques (M) : Al3+, Fe3+, Fe2+ ou Mg2+. Source : Bishop et al. [2008b].

II.1.2. Mesure

II.1.2.1. Acquisition

Comme nous venons de le voir, les processus électroniques et vibrationnels au sein des matériaux géologiques se produisent à des fréquences et (donc) à des longueurs d’onde bien précises. Pour les discriminer et en déduire des informations sur la nature du matériau, on ne peut se contenter de mesurer un albédo ou une absorbance globale : il faut savoir précisément quelles longueurs d’onde le matériau absorbe et lesquelles il n’absorbe pas.

La spectrométrie VNIR consiste donc à mesurer à un grand nombre longueurs d’onde la réflectance de l’objet étudié, c’est-à-dire le rapport entre le flux lumineux réfléchi et le flux lumineux incident. Pour cela, l’instrument décompose la lumière renvoyée par l’objet et mesure la réflectance2 de manière discrète sur un certain nombre de canaux (ou spectels), correspondant chacun à une longueur d’onde donnée. Plus un spectromètre dispose d’un grand nombre de canaux pour une même gamme de longueurs d’onde, plus sa résolution

spectrale est bonne. Les points sont ensuite reliés pour former une courbe continue que l’on

appelle un spectre (de réflectance).

Un spectre peut être décrit comme la superposition de deux éléments (Fig. 2-3) : - le continuum, qui correspond à l’allure générale de la courbe (il peut être plat ou

montrer au contraire une remontée ou une baisse progressive de la réflectance) ;

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C’est en réalité la luminance de l’objet qui est mesurée, c’est-à-dire son intensité lumineuse dans la direction du capteur. Pour obtenir la réflectance, il faut mesurer en parallèle le rayonnement incident (artificiel ou solaire).

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- les bandes d’absorption, qui sont des baisses locales de la réflectance en réponse aux transitions électroniques et vibrations décrites dans la section II.1.1.2.

Pour donner la position d’une bande d’absorption, on indique à quelle longueur d’onde se trouve le minimum local de réflectance, souvent appelé centre de la bande, même lorsque celle-ci est asymétrique.

II.1.2.2. Source lumineuse

La spectrométrie VNIR nécessite un flux lumineux incident qui éclaire l’objet étudié. Dans le cas des observations orbitales ou aéroportées, la source lumineuse est tout simplement le Soleil (mesure passive). Le principal avantage est que cela permet d’effectuer des mesures à grande distance de la cible (plusieurs centaines de kilomètres pour une sonde spatiale).

Dans le cas des spectromètres de laboratoire ou de terrain, où le problème de distance ne se pose pas, une source lumineuse est le plus souvent incorporée (mesure active). Cela permet de s’affranchir de conditions d’éclairage qui pourraient varier significativement au cours du temps (ombrage, éclairages artificiels, etc.).

Figure 2-3 – Exemple de spectre de réflectance (courbe continue). Le continuum (courbe en pointillés) correspond à l’allure qu’aurait le spectre en l’absence des bandes d’absorption (flèches). Sa prolongation à gauche et à droite est difficile à établir si on ne connaît pas le reste du spectre. La bande d’absorption centrée à 0,91 µm est due aux transitions électroniques du Fe3+

, tandis que celles à 1,41 et 1,92 µm sont dues aux vibrations de la molécule d’eau [Hunt et Salisbury, 1970]. Le minéral en question est la ferrihydrite, un oxyde de fer hydraté de formule 5Fe3+2O3∙9H2O. Source du spectre : librairie CRISM (ferrihydrite BKR1JB499A).

63 II.1.2.3. Complications