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tarification de l’interconnexion et de l’accès aux réseaux de télécommunications

Section 2.1.1 Les éléments clés de l’économie des réseaux de télécommunications

2.1.1.3 Le service universel

Le concept de service universel a évolué au cours de l’histoire. La notion du service universel est évoquée pour la première fois aux Etats-Unis au début du 20ème siècle. Il s’agissait, à l’époque, d’une critique apportée à un certain nombre de situations sous optimales qui caractérisaient l’état de la concurrence :

• La coexistence de plusieurs opérateurs dans une même région (la situation désignée par l’expression « système dual ») ;

• La reconnaissance par les autorités réglementaires à chaque opérateur du droit d’interdire l’accès à ses abonnés à toute personne qui n’a pas souscrit d’abonnement à son réseau (la situation d’absence d’interconnexion) ;

• L’incitation des opérateurs à étendre leurs réseaux dans des zones qui avaient été abandonnées lors de la période du monopole, compte tenu des coûts élevés de raccordement au réseau national (la situation désignée par l’expression « course aux raccordements »).

La conséquence d’une telle situation aux Etats-Unis a été l’impossibilité de communiquer avec l’ensemble des autres usagers du service de téléphonie.

Facteur Rohlfs-Griffin 1,3 1,5 1,7

Le concept plus moderne du service universel s’appuie sur trois éléments essentiels dans la définition de l’universalité (EDEL, 2000) :

1. Couverture géographique. Le service universel doit être disponible sur l’ensemble du territoire national ou, en fonction de la topologie du territoire, il doit assurer une couverture minimale de la population exigée par les autorités réglementaires. Le coût de la couverture géographique du réseau public doit être partagé équitablement par l’ensemble des usagers qu’ils soient situés dans les zones géographiques rentables où dans les zones géographiques non rentables (cette condition se définit par l’expression « péréquation tarifaire62 »).

2. Accessibilité financière. Le prix payé par les usagers pour le service universel du réseau public des télécommunications doit avoir une propriété dite « prix abordable ». Ce prix abordable permet, en théorie, de ne pas exclure une partie de la population de l’accès au réseau public des télécommunications, en raison d’un prix excessivement élevé. Ce rééquilibrage du prix peut être à l’origine des transferts de revenus des consommateurs plus aisés vers les consommateurs plus démunis.

3. Contenu du service universel. Le concept de service universel ne se limite pas à la seule téléphonie vocale par le réseau téléphonique public commuté. La volonté politique est de spécifier la nature des services auxquels on souhaite garantir l’accès à l’ensemble des usagers.

Nous pouvons décrire le service universel selon les termes employés par le Parlement européen et Conseil (CE, 1997a), comme :

« Un ensemble de services minimal défini d’une qualité donnée, qui est accessible à

tous les utilisateurs indépendamment de leur localisation géographique et, à la lumière de conditions spécifiques nationales, à un prix abordable ».

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Il est, alors, évident que le service universel sollicite la création d’une architecture de réseau la plus large possible, pouvant assurer la couverture suffisante du territoire afin de permettre un taux maximal de pénétration63 des lignes téléphoniques.

Le service universel ne se limite pas seulement à la fourniture à tous d’un service téléphonique de qualité à un prix abordable, mais il doit également garantir l’acheminement gratuit des appels d’urgence, la fourniture d’un service de renseignements et d’un annuaire téléphonique, la desserte du territoire en cabines téléphoniques installées sur le domaine public.

De manière générale, l’obligation de prestation de service universel incombe à l’opérateur historique du réseau fixe qui doit assurer son bon fonctionnement. Les coûts nets encourus à ce titre par l’opérateur historique, sont finalement partagés entre tous les opérateurs du même marché national des services de télécommunications, en fonction des règles de calcul du coût net du service universel établies par les autorités réglementaires.

En France, les autorités réglementaires64 évaluent chaque année le coût prévisionnel des obligations de service universel dont l’intégralité sera financée par le fonds de service universel. A tire d’exemple, le coût prévisionnel du service universel en France pour l’année 2002 a été évalué à 296,6 M€ et il a été réparti sur trois composantes (ART, 2002c) :

1. Obligation de péréquation géographique – le coût s’élevait à 175,2 M€ ; 2. Tarifs sociaux – le coût s’élevait à 102,8 M€ ;

3. Desserte en cabines téléphoniques – le coût s’élevait à 18,6 M€.

Une obligation de contribuer au fonds de service universel au prorata de leur volume de trafic téléphonique facturé auprès des clients finals a été imposée à tous les opérateurs du réseau public des télécommunications65.

La première composante, l’obligation de péréquation géographique, représente en elle-même plus de la moitié du coût du service universel en France. Le coût de péréquation géographique est affecté principalement par la densité géographique. Dans un grand

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Le taux de pénétration s’exprime par le nombre de lignes téléphoniques par 100 habitants. 64

ART (Autorité de Régulation des Télécommunications). 65

nombre de pays, particulièrement ceux dont le territoire national est d’une très grande superficie, il existe des zones géographiques moins rentables et des zones géographiques plus rentables, notamment lorsque la densité géographique est très différente dans les deux zones. Afin de permettre à l’ensemble de la population d’un tel pays d’avoir l’accès au service de téléphonie au même prix, les autorités de régulation demandent à l’opérateur historique de pratiquer la péréquation tarifaire.

La problématique actuelle de l’affectation optimale des obligations de service universel est fondée sur les inquiétudes d’un écrémage possible des utilisateurs les plus rentables à travers l’introduction de la concurrence. Les nouveaux entrants sur un marché national des services de télécommunications privilégient le déploiement du réseau dans les zones de plus grande densité de population.

Dans certains cas, les nouveaux entrants du réseau fixe s’intéressent à attirer les clients professionnels de l’opérateur historique66 et, accessoirement, le plus grand nombre de clients résidentiels des zones de grande densité de population.

Sur le Tableau 30, nous observons l’évolution des parts des lignes téléphoniques fixes résidentielles et PME dans le parc client total des opérateurs historiques (ILEC) et nouveaux entrants (CLEC) aux Etats-Unis. Pour les ILEC ce pourcentage est stabilisé à 78%, alors que les nouveaux entrants augmentent progressivement ce ratio pour atteindre finalement 51% en juin 2002.

Tableau 30. Evolution de la couverture des lignes résidentielles et PME par les ILEC et CLEC aux Etats-Unis

Source : FCC (2002)

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Ou des opérateurs historiques de boucle locale, lorsque nous faisons référence aux marché des Etats-Unis (ILEC – opérateur historique de boucle locale et CLEC – opérateur non historique ou concurrent de boucle locale)

déc-99 juin-00 déc-00 juin-01 déc-01 juin-02 ILEC - Part des lignes

résidentielles et PME sur total ILEC lignes fixes

77% 78% 78% 77% 78% 78%

CLEC - Part des lignes résidentielles et PME sur total

CLEC lignes fixes

Dans d’autres cas, les nouveaux entrants s’efforcent d’attirer, de manière plus ou moins identique, les clients résidentiels ou les clients professionnels. Sur le marché des services de réseau fixe au Royaume-Uni, les nouveaux entrants ont même dépassé le ratio

clients résidentiels / total clients de l’opérateur historique British Telecom (Tableau 31).

Tableau 31. Couverture des lignes résidentielles et professionnelles au Royaume-Uni (de 1997 à 2002)

Source : OFTEL (2003c)

Cependant, il semble que les usagers ciblés par ces nouveaux entrants soient, en moyenne, les plus gros consommateurs des services de télécommunications sur le marché au Royaume-Uni (voir la Figure 14).

£0 £100 £200 £300 £400 £500 £600 £700 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Nouveaux entrants British Telecom

Figure 14. Comparaison de la consommation des clients du réseau fixe des nouveaux entrants et de British Telecom 1997 – 2002 (consommation annuelle par ligne fixe)

Source : OFTEL (2003c)

mars-97 mars-98 mars-99 mars-00 mars-01 mars-02 British Telecom - Part des

lignes résidentielles sur total BT lignes fixes

74% 73% 72% 70% 69% 69%

Nouveaux entrants - Part des lignes résidentielles sur

total NE lignes fixes

La définition du champ d’application de la contribution au service universel est certainement une question stratégique pour l’équilibre entre l’accès traditionnel aux services de télécommunications offert par l’opérateur historique du réseau de téléphonie fixe et toute nouvelle offre d’accès au réseau public des télécommunications.

L’obligation de service universel incombe à l’opérateur historique du réseau fixe et parfois à un certain nombre de nouveaux entrants du réseau fixe. Ainsi, les opérateurs de réseau mobile ne sont pas concernés par l’obligation du maintien de service universel. Néanmoins, des questions se posent sur une éventuelle intégration des opérateurs de réseau mobile à cette obligation.

L’article de OESTMANN (2003) s’interroge sur cette nouvelle idée en s’appuyant sur un certain nombre d’arguments plaidant des efforts fournis par les réseaux mobiles pour la fourniture d’accès au réseau public de télécommunications. Il démontre l’existence, d’une part de la forte présence des opérateurs de réseau mobile dans des zones à faible densité de population et, d’autre part de leur contribution à l’accessibilité des services de téléphonie aux usagers à faible revenu.

Il semble utile de comparer les conditions concurrentielles sur le marché de téléphonie fixe avec celles présentes sur le marché de téléphonie mobile :

• Sur le marché fixe, l’opérateur historique a déployé son infrastructure de réseau dans les zones rentables et non rentables et il bénéficie de l’image d’un opérateur public omniprésent, tout en partageant le coût de ce bénéfice avec tous les autres opérateurs ;

• Sur le marché fixe, les nouveaux entrants peuvent limiter géographiquement le déploiement de l’infrastructure de réseau dans les zones rentables et ils n’ont aucune obligation de couverture de zones non rentables ;

• Sur le marché les opérateurs de réseau mobile doivent déployer leur infrastructure dans les zones rentables et non rentables par leur obligation de respect de couverture minimale de la population, mais ils ne reçoivent aucune compensation en contrepartie pour les coûts de cette couverture imposée67.

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Pour un opérateur du réseau mobile la couverture géographique la plus large possible ne relève pas uniquement de respect des obligations de couverture minimale de la population, mais il s’agit d’une stratégie commerciale imposée par le marché. Ainsi, si ses concurrents du réseau mobile fournissent une

En Europe, le nombre de concurrents sur le marché mobile est limité indirectement68 par l’obligation d’atteindre le seuil de couverture géographique minimale de la population, ce qui impose une très forte contrainte sur la rentabilité de chaque participant du côté de l’offre.

Nous avons estimé la répartition géographique de la rentabilité d’un opérateur de réseau mobile, en prenant en compte le volume global des communications effectuées depuis un terminal mobile vers un poste fixe en France. Il était nécessaire d’harmoniser le découpage géographique des régions en France en fonction de l’architecture actuelle de réseau de téléphonie fixe. Nous avons tenu compte du découpage utilisé par l’ART (ART, 2002f), en définissant 15 régions en France : Alsace et Loraine, Aquitaine, Auvergne et Rhône-Alpes, Bourgogne et Franche-Comté, Bretagne, Centre, Ile-de-France, Languedoc- Roussillon, Limousin et Poitou-Charentes, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Normandie, PACA et Corse, Pays de la Loire, Picardie et Champagne-Ardenne.

Le résultat de ces estimations, présenté dans le Tableau 32, semble confirmer notre hypothèse de forte influence des coûts fixes liés à la couverture géographique en infrastructure de réseau de télécommunications mobiles.

Tableau 32. Consommation des appels depuis mobile vers fixe (répartition géographique de la rentabilité par client, par BTS et par TRX)

Le coefficient de variation (la mesure de l’écart type d’une distribution par rapport à sa moyenne) de la variable Consommation par TRX de couverture est largement supérieur à celui de la variable Consommation par TRX de trafic (0,41 > 0,14).

meilleure couverture géographique, l’opérateur courra le risque de voir migrer ses propres clients vers les opérateurs concurrents.

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La limitation directe du nombre d’opérateurs est associée au nombre des licences accordées par les autorités de régulation.

Communication mobile vers fixe Consommation par client Consommation par BTS Consommation par TRX de trafic Consommation par TRX de couverture Coefficient de variation (dispersion) 0,12 0,39 0,14 0,41 Coefficient d'asymétrie - 0,50 2,19 0,05 2,30

Il en va de même si l’on compare la valeur du coefficient de variation entre la variable Consommation par BTS et la variable Consommation par client (0,39 > 0,12).

Le coefficient d’asymétrie (le degré d'asymétrie d'une distribution par rapport à sa moyenne) confirme également cette hypothèse en affichant des valeurs très significatives pour les variables « Consommation par BTS » et « Consommation par TRX de couverture ».

La contribution des opérateurs de réseau mobile à l’accès universel aux services de téléphonie semble évidente. Le réseau de téléphonie mobile couvre non seulement la quasi- totalité de la population mais également une grande partie du territoire national, même lorsque celui-ci est inhabité69, que ce soit en France ou ailleurs en Europe. En France, les trois opérateurs de réseau mobile sont convenus à un accord sur les modalités du principe de couverture des zones blanches, permettant la mise en pratique du développement de l’infrastructure de réseau mobile dans les zones géographiques de très faible densité de population considérées comme non rentables (ART, 2002d). Ceci peut être interprété comme un signal fort de la participation réelle des réseaux mobiles dans la fourniture du service universel.

2.1.1.4

L’accès et l’interconnexion des réseaux de