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La séparation verticale des réseaux de télécommunications

tarification de l’interconnexion et de l’accès aux réseaux de télécommunications

Section 2.1.2 La confrontation entre le concept du monopole naturel et la séparation verticale des

2.1.2.2 La séparation verticale des réseaux de télécommunications

Dans le domaine des services de télécommunication, de nombreux arguments ont été avancés sur les défauts des monopoles : leur tarification serait motivée par la maximisation du profit, leur capacité d’innovation serait faible et ils privilégieraient le présent par rapport au futur (VOLLE, 1999). Cette situation ralentit le progrès technique, la diversification et l’amélioration de l’offre de nouveaux services à valeur ajoutée et, par conséquent, réduit le bien-être des consommateurs. Plusieurs questions commencent à se poser sur la nature même d’un marché en monopole :

• Est-ce que les consommateurs profitent pleinement de cette situation où l’externalité de réseau liée à la demande (le plus grand nombre d’utilisateurs ayant accès au service de téléphonie) est assurée par une seule entreprise ? • Cette entreprise fera-t-elle des efforts pour réduire le profit marginal au niveau

de son coût marginal et, ainsi, faire baisser les prix de détail ?

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En présence d’un progrès technique rapide dans ce secteur, il est difficile de faire croire qu’une entreprise sortant du marché puisse vendre ses actifs de manière à récupérer entièrement le montant investi.

A partir du moment où l’économie des télécommunications a commencé à tenir compte des comportements stratégiques des agents, les économies d’échelle, sur lesquelles la théorie du monopole naturel avait longtemps reposé pour justifier la présence d’un seul exploitant du réseau, ont perdu leur caractère déterminant dans l’organisation industrielle des réseaux de télécommunications.

A partir des années 1990, les autorités réglementaires nationales d’un grand nombre de pays ont commencé à adopter la doctrine du réseau ouvert, élaborée en 1986 par les autorités américaines de réglementation des télécommunications, la FCC (Federal

Communications Commission). Cette doctrine, appelée ONA (Open Network Architecture), a permis le découpage en modules d’un réseau unique (intégré), dans le but

de séparer le réseau en deux parties : le réseau de commande et le réseau d’infrastructure. On parle, alors, de modularisation ou de séparation fonctionnelle du réseau de télécommunications. Cette séparation fonctionnelle se traduit par la création de modules plus performants qui vont contribuer au progrès technique (DANG NGUYEN et PENARD, 2000). Améliorer les réseaux de commande permet de réduire les risques liés au réinvestissement nécessaire à l’augmentation de capacité afin de satisfaire la demande de nouveaux utilisateurs et la croissance de la demande globale due aux externalités de réseau. Ceci est un des principaux arguments pour résoudre le problème des économies d’échelle de la théorie du monopole naturel. Nous rencontrons les notions de modularisation ou de séparation verticale du réseau, dans la théorie des trois couches (CURIEN, 1993). Cette théorie élabore un schéma du réseau de télécommunications verticalement composé en trois couches principales :

1. la couche inférieure, qui correspond au réseau d’infrastructure ;

2. la couche centrale ou l’infostructure, qui correspond au réseau de commande ; 3. la couche supérieure, qui se réfère à la prestation de services différenciés.

Conformément à cette logique de séparation verticale en trois couches, pour une structure du réseau RTCP cela revient à dire que la couche inférieure correspond aux réseaux d’accès et de transport, la couche centrale au réseau de commande et la couche supérieure au réseau d’intelligence. En partant de ce principe de séparation, le réseau et le service deviennent deux entités clairement identifiées et, dans une certaine mesure, indépendantes l’une de l’autre. Les couches inférieure et centrale sont liées aux activités de

réseau, alors que la couche supérieure est associée aux activités de service qui doivent apporter une valeur ajoutée au réseau. C’est ainsi que nous découvrons aujourd’hui, avec l’arrivée de la libre concurrence sur le marché des télécommunications, deux types d’entreprises qui offrent les services publics de téléphonie : les opérateurs de réseaux et les fournisseurs de services.

Les opérateurs historiques sont nécessairement associés aux deux rôles en même temps, alors qu’une multitude de nouveaux entrants cherchent à se positionner sur le marché en arbitrant entre les choix d’asseoir ces activités dans les différentes couches du réseau (inférieure, centrale ou supérieure). Un exemple de ce partage de la structure du réseau, nous retrouvons également sur le marché des services proposés par les réseaux IP, les services d’Internet. Il existe des entreprises qui se spécialisent dans le déploiement d’un large réseau d’infrastructure Internet (Internet backbone), c’est-à-dire dans la couche inférieure, par opposition aux opérateurs fournisseurs d’accès à Internet (la couche centrale) et aux entreprises fournisseurs du contenu des services d’Internet (la couche supérieure).

La fourniture des services de télécommunications par des entreprises intégrées verticalement, correspondait à l’évolution historique des marchés nationaux des services de télécommunications jusqu’au premier cas de démantèlement d’un opérateur national verticalement intégré (AT&T aux Etats-Unis en 1982). Depuis le démantèlement de l’entreprise AT&T, une série de réactions menant à la séparation des activités intégrées des opérateurs historiques dans les marchés nationaux dans d’autres pays du monde, a donné lieu à une nouvelle structure industrielle sur le marché global des services de télécommunications. La séparation verticale du marché des services de télécommunications peut se distinguer de deux façons :

1. Séparation des activités d’une part des opérateurs de boucle locale et d’autre part des opérateurs de longue distance ;

2. Séparation des activités d’une part des opérateurs de réseau de télécommunications et d’autre part des fournisseurs de services de télécommunications.

Un réseau national des télécommunications peut être composé d’un certain nombre d’opérateurs de réseau individuel des télécommunications qui seraient amenés à participer

à un jeu concurrentiel dans différents segments du marché des services de télécommunications. Ces segments correspondent à la nature des appels téléphoniques effectués par les consommateurs :

• Appels locaux

• Appels de longue distance

• Appels locaux et appels de longue distance

Cette classification d’acteurs sur le marché en fonction du segment concurrentiel, correspond parfaitement à la structure industrielle sur le marché des services de télécommunications aux Etats-Unis. Certains opérateurs sont présents uniquement sur le marché des appels locaux, d’autres sont spécialisés exclusivement dans la téléphonie de longue distance et il existe un certain nombre d’opérateurs exerçant leurs activités en même temps sur le marché des appels locaux et sur le marché des appels de longue distance.

En Europe, les conditions actuelles du niveau de développement concurrentiel sont différentes de celles des Etats-Unis. L’absence de séparation verticale du réseau de l’opérateur historique de réseau fixe en Europe, ne permet pas d’identifier la vraie frontière entre les différents segments du marché national des services de télécommunications. L’opérateur historique est présent sur tous les segments du marché national, alors que les nouveaux entrants se positionnent stratégiquement sur les segments les plus faciles à accéder en concurrence, à savoir le marché des appels internationaux et le marché des appels nationaux de longue distance.

Nous avons pu analyser l’information disponible pour le marché des opérateurs fixes au Royaume-Uni85 où les nouveaux entrants du réseau fixe ont réussi à imposer de réelles contraintes concurrentielles à l’opérateur historique dans les segments appels de longue distance et appels internationaux. Nous pouvons observer l’importance de la contrainte concurrentielle qui pèse sur l’opérateur historique, British Telecom, dans le Tableau 33.

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Part de marché revenu des nouveaux entrants mars-97 mars-98 mars-99 mars-00 mars-01 mars-02

Appels locaux 10% 15% 19% 23% 27% 29%

Appels nationaux 21% 24% 28% 34% 40% 46%

Appels internationaux 38% 46% 45% 48% 51% 54%

Appels vers mobiles 22% 26% 29% 33% 36% 38%

Autres appels 10% 21% 27% 29% 36% 36%

Connexions 11% 12% 14% 16% 19% 22%

Abonnement lignes 8% 10% 12% 13% 15% 13%

TOTAL 16% 20% 23% 26% 30% 31%

Tableau 33. Evolution des parts de marché revenu des nouveaux entrants sur différents segments du marché fixe au Royaume-Uni

Source : OFTEL (2003c)

Le poids des opérateurs historiques de réseau fixe dans le segment appels locaux reste toujours très élevé, principalement en raison du nombre de lignes fixes raccordées à l’opérateur historique, ce que nous constatons facilement avec le segment abonnement lignes. En présence des tarifs d’interconnexion appliqués aux appels entrants, cette situation signifie une forte probabilité d’assurer un complément de revenu lié à la rente ex- monopolistique86. Dans les pays développés, la télédensité a atteint un niveau très élevé bien avant l’ouverture des marchés nationaux à la concurrence. La seule alternative pour augmenter la part de marché des nouveaux entrants de réseau fixe serait alors la migration des abonnés vers ces nouveaux opérateurs. Aujourd’hui, cette migration consiste, avant tout, dans la mise en œuvre du dégroupage de la boucle locale même si d’autres alternatives, pas encore bien exploitées, le permettent également87.

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Si nous définissons ce revenu complémentaire comme une rente ex-monopolistique, c’est évidemment à cause de caractère historique de la propriété des lignes téléphoniques par l’opérateur ex- monopole. Dans OFTEL (2003c) nous constatons que plus de 85% des lignes téléphoniques fixes sont toujours propriété de l’opérateur historique et, théoriquement, cela représenterait environ 85% des revenus d’interconnexion du réseau fixe au Royaume-Uni (sous l’hypothèse de l’homogénéité de la structure et du comportement des clients de l’opérateur historique et des nouveaux entrants).

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L’accès au consommateur peut se faire par le réseau de boucle locale sans fil ou le réseau câblé, mais aucune de ces alternatives n’a véritablement pas réussi à concurrencer l’offre d’accès à la boucle locale par le réseau fixe traditionnel (RTCP). Le réseau mobile peut concurrencer le réseau fixe mais, par sa caractéristique et à ce stade d’évolution technologique, il ne peut pas constituer un réel effet de substitution au réseau fixe.

Chapitre 2.2 Les modèles théoriques de tarification de