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Les modèles théoriques de tarification de l’accès au réseau

tarification de l’interconnexion et de l’accès aux réseaux de télécommunications

Chapitre 2.2 Les modèles théoriques de tarification de l’accès au réseau

Dans ce chapitre nous évoquons les principaux modèles théoriques qui s’intéressent à la recherche de la tarification optimale de l’accès au réseau de l’opérateur réglementé. La solution de premier rang de la tarification de l’accès au réseau, c’est-à-dire la solution théorique en absence d’imperfections, est de fixer le prix d'accès au niveau du coût marginal d'accès. Avec un tel prix d'accès, il n'y a aucune déformation du prix de détail, et les nouveaux entrants reçoivent des signaux corrects pour entrer sur le marché. Les nouveaux entrants peuvent, alors, réaliser des bénéfices positifs seulement s'ils sont plus efficaces que l’opérateur historique. En outre, ce prix d'accès est juste et non discriminatoire, parce qu’il est unique pour tous les nouveaux entrants et il n’est pas basé sur le niveau d’utilisation. Cependant, dans cette situation de la solution de premier rang (ou optimum de premier rang) le coût fixe du réseau de l’opérateur réglementé, en l’occurrence l’opérateur historique, doit être couvert par des sommes forfaitaires payées par l’État. La solution de premier rang est, donc, difficile sinon impossible à mettre en application dans la pratique. Un problème évident avec la solution de premier rang est que les transferts forfaitaires du gouvernement ne sont pas, habituellement, réalisables sans risque de créer de grandes déformations ailleurs dans l'économie et d’empêcher sérieusement la structure incitative de l’opérateur historique. Par conséquent, le régulateur est obligé de rechercher un prix d'accès supérieur au coût marginal, tel qu’il permettrait de couvrir le coût fixe du réseau de l’opérateur historique. Une solution au problème de recouvrement des coûts fixes serait de pratiquer la tarification au coût moyen puisqu’il est généralement plus facile d’évaluer et d’analyser le coût total que de déterminer le coût marginal.

Toutefois, les problèmes que pourrait poser l’application de la méthode des coûts moyens sont souvent évoqués :

• cette approche n’intègre pas une analyse détaillée des variations des coûts (par exemple, la variation du coût moyen de l’utilisation des capacités lorsque nous distinguons les heures creuses des heures pleines) ;

• dans le cas d’une production multiservices, la distribution des coûts serait de caractère arbitraire.

En s’affranchissant des méthodes traditionnelles de tarification fondées soit sur les coûts marginaux soit sur les coûts moyens, les autorités de régulation se sont plutôt appuyées sur deux autres approches, historiquement les mieux adaptées à l’accompagnement de la réglementation des charges d’accès au réseau de commutation de circuits :

1. L’approche économique de tarification de l’accès ; 2. L’approche comptable de tarification de l’accès.

Pour chacune de ces deux approches différentes propositions ont été présentées, avec l’objectif principal d’orienter les tarifs d’interconnexion vers le coût marginal, tout en essayant de garantir avec plus ou moins d’efficacité le recouvrement des coûts fixes de l’opérateur réglementé. Il s’agit donc d’un optimum de second rang, qui est le seul concevable en économie des réseaux de télécommunications, puisque nous ne sommes pas en mesure d’assurer l’optimalité de la pratique de tarification au coût marginal.

Pour exposer les modèles théoriques présentés dans les deux approches nous utiliserons les notations empruntées à LAFFONT et TIROLE (1996), avec leurs modifications dans LAFFONT et TIROLE (2002). Ces notations figurent dans le modèle de base qui décrit la relation d’interconnexion pour l’utilisation de la boucle locale, en supposant que le marché est isolé des communications de l’extérieur, entre opérateur historique fournissant l’accès à la boucle locale et nouvel entrant qui lui fait concurrence dans le segment compétitif de service des appels de longue distance:

2 1 0 2 2 2 1 1 1 0 0 0 2 1 0 et , avec 2 p p p q c C q c C k Q c C q q q Q = = + = + + =

Où :

Qquantité totale d’unités consommées dans le réseau de la boucle locale

q0 quantité d’unités de la boucle locale consommées par l’opérateur historique

pour le trafic d’appels locaux

q1 quantité d’unités de la boucle locale consommées par l’opérateur historique

pour le trafic d’appels de longue distance

q2 quantité d’unités de la boucle locale consommées par les nouveaux entrants

pour le trafic d’appels de longue distance

k0 coût fixe supporté par l’opérateur historique pour le déploiement et la

maintenance de la boucle locale. Ce coût fixe s’identifie à la notion de

déficit d’accès lorsque l’opérateur de boucle locale pratique la tarification au

coût marginal, lequel ne suffit pas pour couvrir le coût total supporté pour le déploiement et l’exploitation du réseau de boucle locale.

c0, c1 et c2correspondent respectivement aux coûts marginaux associés à

l’exploitation des services : appels locaux de quantité q0 (service fourni par

l’opérateur historique), appels de longue distance de quantité q1 (service

fourni par l’opérateur historique) et appels de longue distance de quantité q2

(service fourni par les nouveaux entrants)

p0, p1 et p2correspondent respectivement aux prix de détail pour la vente des

quantités q0, q1 et q2.

Le schéma de répartition des coûts associés au partage de l’accès à la boucle locale entre opérateur historique et nouvel entrant est présenté par la Figure 17.

Figure 17. Modèle théorique de répartition des coûts pour l’accès à la boucle locale

Nouvel entrant c0 k0 c2 c1 Opérateur historique

Selon la règle de meilleure pratique, la charge d’accès au réseau de l’opérateur historique serait égale au coût marginal de l’accès à la boucle locale. La charge d’accès prend en compte les positions de départ (depuis l’appelant) et de l’arrivée d’appel (vers l’appelé) et pour cette raison le coût marginal est comptabilisé deux fois :

0

2c

a=

Le prix final, proposé aux utilisateurs par l’opérateur historique ou par le nouvel entrant, serait établi en fonction des coûts marginaux :

i

i c c

p =2 0+

Cependant, en appliquant la règle du coût marginal, la charge d’accès n’intégrerait pas les coûts communs associés à la présence des coûts fixes (k0).

En sachant que le prix de détail proposé par le nouvel entrant pour le service d’appels de longue distance va intégrer une marge correspondant au recouvrement des coûts fixes du segment compétitif, de sorte que p2 >2c0+c2, LAFFONT et TIROLE (1996) suggèrent que le calcul de la charge d’accès appliquée par l’opérateur historique doit s’appuyer sur la même argumentation afin de subventionner le coût fixe de l’investissement et de l’exploitation de la boucle locale (a= p2c2>2c0). Il s’ensuit la conclusion que les tarifs de gros (charge d’accès) aussi bien que les tarifs de détail doivent participer à la couverture des coûts fixes de réseau (LAFFONT et TIROLE, 2002).

« Rendre l’opérateur local seul responsable du remboursement des coûts fixes (par

l’intermédiaire de p0 et de p1) conduirait à une importante distorsion de la demande en

faveur de l’entrant. » (GAGNEPAIN, 2000).

Tout l’enjeu des modèles théoriques de tarification de l’interconnexion et de l’accès au réseau est, en conséquence, fondé sur l’allocation optimale des coûts communs (contribution équitable au recouvrement des coûts fixes du goulet d’étranglement) entre tous les acteurs concernés du côté de l’offre des services de télécommunications.

Section 2.2.1 L’approche économique de la tarification