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L’interconnexion de deux réseaux linéaires de qualité de service différente

long terme (CMILT ou LRIC)

Section 2.2.3 Le principe de non-compensation du service d’interconnexion (modèle COBAK)

2.2.3.3 L’interconnexion de deux réseaux linéaires de qualité de service différente

Nous analyserons, maintenant, la situation dans laquelle deux réseaux indépendants offrent une qualité de service différente en fonction du dimensionnement du nombre de liens entre chaque utilisateur (ou plus généralement entre chaque commutateur).

Nous supposons que le réseau X ne peut pas assurer la qualité optimale de service, contrairement au réseau Y. Le réseau X est un réseau encombré où la capacité est limitée à un certain nombre d’appels simultanés. Dans le cas où les clients X1 et X2 établiraient un appel entre eux, les autres clients du réseau X (X3 et X4) seraient privés de communication.

Contrairement au réseau X, le réseau Y est un réseau non encombré et ses clients peuvent à tout moment communiquer les uns avec les autres, avec une qualité de service non dégradable. Cette configuration est présentée par la Figure 22.

Figure 22. L’interconnexion de deux réseaux linéaires de qualité de service différente

Nous avons, par définition :

• QLM du réseau X est 3/4 = 0,75 ;

• QLM du réseau Y est 4/4 = 1.

Ceci peut amener à la conclusion que le réseau X attirerait les utilisateurs qui sont prêts à renoncer à la meilleure qualité au profit d’un prix de service plus bas. Pour que la qualité requise par les clients du réseau X puisse être respectée, il faut mettre en place un nombre de liens entre les deux réseaux suffisamment grand. Le nombre total des liens supplémentaires mis en place pour l’interconnexion dans la situation b serait au total 9. Dans cette situation, les deux réseaux pourraient communiquer sans encombrement :

• Pour le réseau X Æ QLM = (9/2 liens supplémentaires + 3 liens existants) / 4

utilisateurs = 7,5/4 = 1,875 ;

• Pour le réseau Y Æ QLM = (9/2 liens supplémentaires + 4 liens existants) / 4

utilisateurs = 8,5/4 = 2,125 X3 X1 X2 X4 Y3 Y1 Y2 Y4 a) X3 X1 X2 X4 Y3 Y1 Y2 Y4 b) X3 X1 X2 X4 Y3 Y1 Y2 Y4 c)

En acceptant de partager en deux les coûts incrémentaux de l’interconnexion de façon à égaliser la qualité de service dans l’ensemble du réseau global, le réseau X subventionnerait le réseau Y et, finalement, QLM serait en faveur de X. ATKINSON et

BARNEKOV (2000) considèrent que les liens incrémentaux de l’interconnexion ne seraient pas en nombre de 9, mais plutôt 6 comme dans la situation c.

La qualité de service offerte aux clients du réseau X resterait la même qu’avant l’interconnexion, ainsi que celle du réseau Y :

• Pour le réseau X Æ QLM = (6/2 liens supplémentaires + 3 liens existants) / 4

utilisateurs = 6/4 = 1,5

• Pour le réseau Y Æ QLM = (6/2 liens supplémentaires + 4 liens existants) / 4

utilisateurs = 7/4 = 1,75

Le modèle BASICS pourrait être appliqué, également, dans les architectures non linéaires. Dans le cas d’architecture de réseau en mailles, nous aurions le nombre moyen de liens par utilisateur (QLM) :

2 ) (n2 n

QLM = −

Le nombre de liens incrémentaux de l’interconnexion (Lm) de deux réseaux en

mailles serait :

y x M n n

L =

Le coût incrémental de l’interconnexion (Cm) de deux réseaux X et Y, serait alors :

2 y x m n n C =

Le modèle BASICS représente une approche théorique parfaitement neutre de l’interconnexion, faisant abstraction de toute condition particulière sur le marché : prix prédateur, pouvoir économique de l’opérateur historique, partage de marché par les opérateurs de taille comparable, écrémage des clients rentables, efforts du service universel, etc. Dans la littérature la plus récente, l’approche BASICS est présentée par le modèle COBAK (DEGRABA, 2000).

Les problèmes que le modèle COBAK a voulu résoudre se résument en :

• Problème d’arbitrage réglementaire. Les incohérences dans la réglementation des charges de terminaison ont provoqué un déséquilibre de revenu entre opérateurs CLEC et ILEC. Ces derniers se sont spécialisés en terminaison d’appels des FAI109, en profitant du principe de compensation réciproque110. Le

modèle COBAK introduit une notion de neutralité absolue entre différents types de trafic (Internet, réseau fixe, réseau mobile, etc.) ;

• Problème de goulet d’étranglement. Tout opérateur de réseau local a un accès physique exclusif à ses propres utilisateurs. La tendance de chaque opérateur est d’augmenter le tarif de terminaison pour les appels à destination de ses clients. Dans le cas de coordination parfaite entre les opérateurs interconnectés, les charges de terminaison ne seraient pas élevées et, idéalement, elles seraient proches de zéro ;

• Problème de tarification de l’appelant ou de l’appelé. Laquelle des deux parties (appelant ou appelé) bénéficiera plus de la communication engagée et, en conséquence, sera sujette à la tarification afin de recouvrir les coûts de la communication entre deux réseaux. Selon le modèle de COBAK, les deux parties doivent partager, de façon transparente, le coût incrémental de l’interconnexion.

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Fournisseur d’accès à Internet. Dans la littérature anglophone ce type d’appels est connu sous nom ISP-bound calls (ISP - Internet Service Provider).

110

Le modèle COBAK conclut qu’en absence des charges de terminaison, les opérateurs seraient amenés à recouvrir la totalité de leurs coûts auprès de leurs propres clients. Ainsi, la facturation des communications auprès des clients finals concernerait aussi bien les appels entrants que les appels sortants111. Le rôle des autorités réglementaires serait ramené au strict minimum d’intervention et, en même temps, les opérateurs interconnectés diminueraient considérablement les coûts de transaction importants résultant des services de réconciliation des factures établies pour les communications échangées entre partenaires.

Nous avons évoqué dans ce chapitre l’ensemble des principales approches théoriques cherchant à trouver la solution à l’équilibre du jeu concurrentiel sur le marché de l’interconnexion des réseaux de télécommunications. L’approche économique est toujours celle préférée des économistes mais elle est difficile à mettre en pratique par les régulateurs, ce qui a permis à l’approche comptable de s’imposer comme la seule option viable. L’approche dite de non-compensation ou « bill-and-keep » semble avoir beaucoup de mal à repousser les approches dites de compensation, essentiellement en raison de son ignorance de l’hétérogénéité dans la nature de l’économie des réseaux de télécommunications.

Nous allons présenter dans la partie suivante l’état de lieux des approches réglementaires adoptées en Europe et aux Etats-Unis, pour pouvoir analyser le choix de la politique réglementaire et ses conséquences sur le développement du jeu concurrentiel sur le marché des services de télécommunications.

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Un modèle de tarification, auprès des utilisateurs finals, des communications sortantes et entrants, de manière transparente, est pratiqué aux Etats-Unis par la plupart des opérateurs du réseau mobile. Les forfaits de différents volumes de communication se réfèrent à un temps de communication (ou un temps d’émission-réception - Office de la langue française, 1990 ; airtime en anglais). Par conséquent, les clients finals achètent un certain nombre de minutes de temps d’antenne (airtime usage, en anglais) auprès de ces opérateurs qu’ils utiliseraient, par la suite, en fonction de l’émission ou de la réception par leur CIA (carte d’identification de l’abonné - Office de la langue française, 1999 ; SIM card – Subscriber Identification Module card).

Partie 3 L’analyse de la réglementation de