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Une approche neutre et concurrentielle de l’interconnexion des réseau

long terme (CMILT ou LRIC)

Section 2.2.3 Le principe de non-compensation du service d’interconnexion (modèle COBAK)

2.2.3.1 Une approche neutre et concurrentielle de l’interconnexion des réseau

Dans la recherche de la neutralité réglementaire et de l’application juste d’un régime d’interconnexion entre opérateurs du marché global national, un groupe d’économistes de la FCC a présenté102 des travaux théoriques proposant une approche dite neutre et concurrentielle de l’interconnexion des réseaux.

Aux États-Unis, l’approche structurelle du réseau, c’est-à-dire la séparation en plusieurs marchés indépendants des services de télécommunications, afin d’obtenir un niveau optimal de concurrence sur chaque marché séparé (les marchés des terminaux, des services d’appels locaux, des services d’appels de longue distance, des services à valeur ajoutée, etc.), a contribué à l’accélération de la concurrence et du progrès technique.

Les problèmes d’allocation des coûts communs des différents services et entre différents utilisateurs, suite à l’interconnexion des réseaux, ont été ainsi résolus de manière relativement satisfaisante pour l’ensemble des acteurs du marché global des services de télécommunications. Néanmoins, le régime actuel d’interconnexion, établissant les règles de compensation inter opérateurs pour la terminaison du trafic entrant, ne garantit pas l’efficacité et la neutralité du système, nécessaire à une pleine concurrence et à un équilibre économique qui en résulterait.

Le principal souci des autorités de réglementation est de contrôler les opérateurs dominants de boucle locale, dont les charges de terminaison sont réglementées et soumises à l’orientation vers les coûts. Cependant, un contrôle efficace du marché exige une parfaite connaissance des comportements présents et futurs de tous les agents économiques, ce qui impliquerait l’absence d’asymétrie d’information.

ATKINSON et BARNEKOV (2000) et DEGRABA (2000) ont mis en avant le problème d’asymétrie d’information que les autorités réglementaires rencontrent régulièrement dans l’arbitrage issu d’un différend d’interconnexion. La proposition d’un modèle d’interconnexion BASICS et l’approche COBAK qui en résulte comme modèle

102

La publication en décembre 2000 dans la série OPP Working Paper, travaux de recherche du département OPP (Office of Plans and Policy) de la FCC.

théorique de référence, consistent à fournir la solution pour minimiser les conflits fréquents dans les accords d’interconnexion, provoqués par des arbitrages réglementaires.

L’approche COBAK présente un modèle théorique de base pour un nouveau régime d’interconnexion, qui servirait de référence à utiliser uniquement en cas d’échec de la négociation entre deux opérateurs interconnectés. Un tel régime d’interconnexion devrait à terme aboutir à une déréglementation des prix sur l’ensemble du réseau global de commutation des télécommunications.

Deux règles principales caractérisent l’approche COBAK et le modèle BASICS: 1. l’opérateur de l’appelé ne peut pas exiger la charge de terminaison d’appel pour

la rémunération de son réseau (les coûts du réseau associés à l’utilisation de la boucle locale de chaque opérateur sont couverts par les revenus de ses propres clients) ;

2. l’opérateur de l’appelant doit supporter les coûts du réseau associés au transport d’appel entre commutateur d’abonnés de l’appelant103 et commutateur

d’abonnés de l’appelé104.

L’approche COBAK et le modèle BASICS recherchent une solution stable pour réduire les problèmes considérables liés à l’arbitrage réglementaire de la compensation inter opérateurs. A l’origine des travaux de ATKINSON et BARNEKOV (2000) et DEGRABA (2000) se dessine le régime actuel d’interconnexion aux Etats-Unis, caractérisé dans le cadre réglementaire présent par deux catégories de modalité de compensation inter opérateurs :

1. la règle de la compensation réciproque pour le trafic entrant et sortant, s’appliquant sur le marché des appels locaux ;

2. la règle de la charge d’accès au réseau local, s’appliquant sur le marché des appels de longue distance.

Les fournisseurs d’accès Internet ont été exclus de l’obligation de compensation qui caractérise le régime d’interconnexion au réseau local par l’application des charges d’accès

103

Calling party’s central office, en anglais. 104

et, par conséquent, ils ont créé un effet de substitution aux appels traditionnels passés via les opérateurs de longue distance. Cette situation modifie de plus en plus le rapport d’équilibre qui existait auparavant, pour le service de téléphonie de longue distance105. En outre, avec l’augmentation de l’utilisation des services d’Internet par une ligne commutée, la plupart des nouveaux entrants sur le marché d’appels locaux (les opérateurs CLEC106) se sont spécialisés dans la terminaison du trafic en provenance du réseau Internet, en profitant du système de réciprocité instauré par « The Telecommunications Act of 1996 ».

En faisant ce choix, les opérateurs CLEC ont augmenté leur part de trafic entrant qui sera utilisée dans le calcul global pour la compensation réciproque avec les opérateurs historiques (ILEC107). Par voie de conséquence, les opérateurs ILEC se sont trouvés fortement déficitaires dans l’affaire. Cette situation a eu pour conséquence la mise en question de l’ensemble des règles de compensation inter opérateurs qui sont actuellement appliquées aux États-Unis.

Après la publication des travaux de DEGRABA (2000) et de ATKINSON et BARNEKOV (2000), et suite aux nombreuses plaintes des opérateurs ILEC, la FCC a fait un appel aux commentaires sur une nouvelle forme de compensation inter opérateurs et, plus particulièrement sur la faisabilité d’un régime général d’interconnexion de type BAK. Dans un premier temps, nous reprendrons entièrement les fondements théoriques dans ATKINSON et BARNEKOV (2000), en commençant par la construction d’un réseau de quatre utilisateurs identiques, afin d’exposer de façon plus détaillée le raisonnement qui a conduit à des interrogations sur l’avenir du cadre réglementaire d’interconnexion des réseaux de télécommunications.

Le réseau de référence est construit de manière à éviter tout blocage d’appels. Chaque utilisateur peut communiquer avec un autre, à condition que cet autre utilisateur n’ait pas encore engagé la communication, autrement dit que sa ligne soit inoccupée.

105

Le rapport change au fur et à mesure que la qualité de la téléphonie IP s’améliore, afin de proposer un service parfaitement substituable au service traditionnel assuré par le réseau RTCP.

106

Competitive Local Exchange Carrier, en anglais. 107

Par conséquent, l’établissement de toutes les communications simultanées est physiquement ou techniquement réalisable108. Le réseau de base est un réseau linéaire, reliant tous les utilisateurs par un lien direct et n’ayant pas de capacité de commutation. Ce réseau aurait un nombre de liens en fonction du nombre d’utilisateurs n, sous la forme mathématique :

2

)

(n

2

n

Pour le réseau de quatre utilisateurs le schéma d’interconnexion serait celui de la Figure 19.

Figure 19. Le réseau linéaire non encombré (liens directs - sans commutateur)

En introduisant les fonctionnalités de commutation dans ce réseau constitué de quatre utilisateurs, un certain nombre de liens disparaît. Pour maintenir le même niveau de qualité de service (non-blocage d’appels) il faut considérer que le réseau de quatre utilisateurs pourrait avoir un maximum de deux communications simultanées, quelle que soit la combinaison de communications possibles :

X1 ÅÆ X2 X3 ÅÆ X4 X1 ÅÆ X3 X2 ÅÆX4 X1 ÅÆ X4 X2 ÅÆX3 108

La limite se situe dans la communication à deux.

X2

Cette hypothèse est simpliste, dans la mesure où l’on doit considérer que chaque utilisateur n’engage qu’une seule communication à la fois, ce qui revient à dire que la conversation à trois n’est pas possible. Nous retenons, toutefois, cette hypothèse parce que la très grande majorité des appels, au moins jusqu’à aujourd’hui, concerne les communications entre deux utilisateurs (lignes téléphoniques). En l’acceptant, nous définissons la règle principale : le nombre de liens nécessaires à l’établissement de toute communication possible, augmente en fonction de chaque nouveau couple d’utilisateurs connecté au réseau.

Le nombre de liens est, donc, fonction d’un nombre pair d’utilisateurs n connectés au réseau et, par définition, le nombre maximal de communications simultanées est :

2 n

Par conséquent, une communication entre deux utilisateurs requiert un seul lien, celle entre quatre utilisateurs requiert quatre liens, la suivante entre six utilisateurs requiert neuf liens et ainsi de suite, la croissance du nombre de liens est représentée sous forme mathématique : 2 2⎟⎠ ⎞ ⎜ ⎝ ⎛ n

Le nombre moyen de liens par utilisateur (QLM) augmente toujours sous forme

mathématique : 4 2 2 n n n QLM = ⎟ ⎠ ⎞ ⎜ ⎝ ⎛ =

Figure 20. La croissance du nombre de liens dans un réseau linéaire non encombré (liens indirects - avec commutateur)

Le nombre moyen de liens par utilisateur (QLM) dans les trois cas de la Figure 20

est :

1. 0,5 liens par utilisateur 2. 1 lien par utilisateur 3. 1,5 liens par utilisateur.

Ce nombre croit avec l’augmentation de la capacité nécessaire pour la mise en place d’une infrastructure qui garantit la situation où les réseaux ne sont pas encombrés. Cette hypothèse laisse présumer l’existence d’une économie d’échelle décroissante mais les auteurs font abstraction, dans un premier temps, des techniques d’ingénierie utilisées dans l’optimisation de l’architecture du réseau dans le but de réduire ces déséconomies d’échelle.

2.2.3.2

L’interconnexion de deux réseaux linéaires non encombrés

Nous continuons à suivre le raisonnement de ATKINSON et BARNEKOV (2000) en considérant maintenant que deux réseaux indépendants décident de s’interconnecter dans le but de permettre à tous les utilisateurs des deux réseaux de communiquer entre eux.

X1 X3 X2 X4 X1 X2 X1 X3 X2 X4 X5 X6 1) 2) 3)

Le résultat de l’interconnexion aura pour conséquence d’augmenter les effets d’externalité positive de réseau dus à la croissance de taille du réseau global. En réalité, chaque utilisateur de réseau X pourrait communiquer non seulement avec les utilisateurs du même réseau X mais aussi avec les utilisateurs du réseau partenaire Y, et inversement. L’utilité d’appartenir à l’un des deux réseaux augmente pour l’ensemble des utilisateurs.

Comme nous pouvons le constater sur la Figure 21, les quatre liens seront rajoutés pour l’interconnexion des deux réseaux dans la situation b. Ces liens sont nécessaires pour la mise en place d’un réseau global non encombré. Une telle configuration permet de réaliser toute combinaison possible de communications simultanées entre l’ensemble des clients du réseau global (le réseau des réseaux X et Y).

Figure 21. L’interconnexion de deux réseaux linéaires non encombrés

Le nombre de liens incrémentaux de l’interconnexion linéaire (Lm) de deux réseaux

est obtenu sous forme mathématique :

2

y x m

n

n

L

=

X X X X Y Y2 a) X X X2 X Y Y b)

La question primordiale qui se pose désormais est :

• Comment faire partager équitablement les coûts incrémentaux d’interconnexion qui correspondent à la mise en place des quatre liens supplémentaires ?

Si nous supposons que la part des coûts incrémentaux qui revient à un réseau doit être proportionnel au nombre d’utilisateurs de ce même réseau, le réseau X de la Figure 21 supporterait 4/6 = 2/3 des coûts incrémentaux et le réseau Y supporterait 2/6 = 1/3 de ces coûts. Cette solution, dans le modèle simpliste de ATKINSON et BARNEKOV (2000), présenterait un avantage considérable pour le réseau Y, dans la mesure où ce réseau profiterait du nombre croissant d’utilisateurs pouvant communiquer entre eux (X + Y) et il se trouverait en concurrence directe avec le réseau X, alors que son nombre moyen de liens par utilisateur (QLM) serait inférieur à celui du réseau X :

• Pour le réseau Y Æ QLM = (1/3 * 4 liens supplémentaires + 1 lien existant) / 2

utilisateurs = 2,33/2 = 1,17 ;

• Pour le réseau X Æ QLM = (2/3 * 4 liens supplémentaires + 4 liens existants) / 4

utilisateurs = 6,67/4 = 1,67

Dans cette situation, en supposant le coût et la qualité de chaque lien identiques et les services offerts par les deux réseaux et la marge de profit comparables, le réseau Y pourrait proposer à l’ensemble d’utilisateurs du réseau global (X + Y) un prix plus bas et, par conséquent, attirer les utilisateurs du réseau X. La distribution équitable des coûts incrémentaux de l’interconnexion (Cm) serait, plutôt, sous forme mathématique :

4 y x m n n C =

Dans le cas précédent, nous obtenons :

2 4 2 4× = = m C

Selon ATKINSON et BARNEKOV (2000), une telle application du régime d’interconnexion, faisant partager les coûts incrémentaux d’interconnexion en fonction du nombre d’utilisateurs que chaque réseau indépendant apporte dans le réseau global, serait difficile à justifier économiquement et juridiquement.

Premièrement, nul opérateur n’aurait intérêt à perdre ses propres utilisateurs au profit d’un autre opérateur, seule une obligation d’interconnexion pourrait imposer ce choix. Deuxièmement, il serait économiquement plus efficace d’avoir un seul opérateur exploitant le marché, puisque tous les coûts hors réseau seraient intégrés dans la même entreprise et les décisions de hiérarchisation et de gestion de l’architecture du réseau global seraient optimisées.

Le modèle BASICS suppose, donc, que les coûts incrémentaux d’interconnexion (Cm) devraient être partagés équitablement, quels que soient la taille, la qualité ou le type

des réseaux interconnectés :

• Pour le réseau X Æ QLM = (4/2 liens supplémentaires + 1 lien existant) / 2

utilisateurs = 3/2 = 1,5 ;

• Pour le réseau Y Æ QLM = (4/2 liens supplémentaires + 4 liens existants) / 4

utilisateurs = 6/4 = 1,5

2.2.3.3

L’interconnexion de deux réseaux linéaires de qualité de