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Le sentiment global des chefs d’établissements sur la situation de l’Yonne

PARTIE II. L’EDUCATION DANS L’YONNE : CE QU’EN DISENT LES ACTEURS

II. Interprétation des propos des acteurs de l’Education Nationale

II.1. Le sentiment global des chefs d’établissements sur la situation de l’Yonne

Dans le primaire, la première approche de l’entretien sur la situation globale de l’Yonne dans son système éducatif confirme le sentiment de difficultés sur le département comme il avait été souligné lors des auditions. Les discours sont tout de même davantage nuancé et ce sentiment de difficulté va de « L’Yonne est sinistrée », remarque d’un directeur dont l’établissement a de faibles résultats et un public d’élèves issus de milieux défavorisés (école I zone 3) et qui a également enseigné dans d’autres départements, à « il existe des difficultés dans l’Yonne mais pas dans notre école » remarque d’un directeur dont l’école a une composition sociale favorisée et de bons résultats (école H, zone 2), ce qui démontre une fois de plus la disparité territoriale.

Un des points qui fait quasiment consensus est le manque de moyens, pas spécifiquement au regard des budgets alloués par les communes, même s’ils sont variables et que certaines écoles bénéficient davantage de possibilités de manœuvre que d’autres, mais plus précisément en terme de moyens humains particulièrement sur les emplois concernant la vie scolaire

(emploi vie scolaire, AVS…), psychologue scolaire, infirmière… plutôt que sur les effectifs d’enseignants eux-mêmes. Dans les zones où les résultats aux évaluations de CE2 sont

faibles, quelle que soit la composition sociale (zones 3 et 4), le besoin en personnel non enseignant est ressenti de manière plus forte que dans les autres secteurs. « On manque

de moyens pour lutter contre les difficultés scolaires : pas de psychologue scolaire, pas d’orthophoniste, une médecine scolaire ? Une infirmière que nous ne voyons que pour les équipes éducatives » (école O, zone 4).

L’école M de la zone 4 remarque une faible quantité du matériel pédagogique ce qui pourrait être une explication de ses plus faibles résultats eu égard à une population favorisée mais l’école F de la zone 3, qui déplore aussi ce fait ainsi que l’absence d’un

Emploi Vie scolaire (EVS) compte tenu de sa classe unique qui regroupe tous les niveaux d’enseignement47, obtient des résultats corrects avec une composition sociale défavorisée. Nous pourrions penser que c’est une spécificité des écoles rurales mais, a contrario certaines écoles rurales se disent très bien dotées par la mairie (écoles A et B, zone 1). Au niveau de l’équipement informatique et du matériel multimédia, l’ensemble des écoles est équipé hormis l’école E, zone 1 (au niveau multimédia) et les écoles I et J, zone 3, qui manquent également de certains de ces équipements. L’équipement des écoles ne semble donc pas influer sur les résultats des épreuves de CE2 et de sixième du fait que ces deux zones, qui ont une composition sociale défavorisée, ont des résultats différents.

Le problème du remplacement des enseignants est posé dans les zones où notamment les résultats sont les plus faibles, quelle que soit la composition sociale (zones 3 et 4). En fait,

les écoles concernées sont parmi celles qui comptent le plus de classes, les écoles moins nombreuses en enseignants (F par exemple) semblent être prioritaire lors de besoins en remplaçants, cette logique qui paraît régie par le fait que, dans les plus grandes écoles les élèves de l’enseignant absent sont répartis dans les autres classes tend à être rationnelle, il n’en reste pas moins que les journées où ces élèves sont ventilés dans différentes classes à différents niveaux, sont perdues. Cette solution bien qu’empiriquement réalisable n’est pas adaptée pour répondre à l’apprentissage qui doit être assuré y compris pendant l’absence d’enseignants.

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Ce problème des remplacements n’est pas sans conséquence sur les possibilités de formation continue des enseignants, sur les écoles K, zone 3 et N, zone 4 notamment, qui présentent toutes les deux des difficultés de remplacement freinant d’autant plus, aux dires des directeurs, les demandes de formation. S’agissant de l’école N, zone 4, la formation est par ailleurs réduite du fait de la situation géographique et des lieux proposés. En effet les formations sont majoritairement à Auxerre, voire à Dijon, ce qui implique des déplacements importants (assujettis toujours aux remplacements).

Dans la continuité de ces facteurs humains, il est relevé que quelle que soit la composition

sociale des écoles et les résultats scolaires, l’arrivée de nouveaux directeurs dans les écoles

n’est pas sans poser de difficultés eu égard notamment à la nouveauté de la pratique du métier en particulier la prise d’une direction d’école qui implique une charge administrative souvent difficile à gérer, et pour certain, au changement géographique (écoles B, E, F, M, zones 1, 3, 4). On retrouve ces remarques dans les écoles interrogées du secteur d’Avallon où sont situées de petites écoles à classe unique ou à faibles effectifs, « ce déracinement provoque une fragilité qui n’est pas propice à un début de carrière serein » mais aussi dans la zone 4, où, a contrario, les effectifs sont beaucoup plus importants. Ce diagnostic peut être relativisé pour les écoles visitées du secteur d’Avallon qui tend à se stabiliser, avec certaines enseignantes faisant parfois même le choix de s’y installer « avec mon ancienneté, j’aurais pu avoir une classe sur Avallon, mais je ne voudrai pas partir, je me sens vraiment bien ici ». (École A)

Se dévoilent également au cours des entretiens les difficultés liées à la population et au contexte familial. Elles sont évoquées par les directeurs d’école lorsque la composition

sociale est dite défavorisée (écoles F, I, J zones 1 et 3) mais aussi lorsqu’elle est dite favorisée et que les résultats sont moindres que ceux attendus ou espérés (Zone 4). En

fait, dans le premier cas, la pauvreté des aspects financiers et culturels est pointée, « (…) s’y ajoute une population pauvre financièrement et culturellement », (école M, zone 4) « le niveau social est très bas », (école E, zone 1) « les difficultés sont surtout liées au milieu social », (école J, zone 3) « il y a des familles en difficultés financières et éducatives » ; dans le second, c’est surtout le manque de suivi scolaire de la part des parents qui est noté (Nord de l’Yonne). Les écoles N et O, zone 4, pointent l’évolution démographique flagrante du secteur, avec une augmentation des effectifs, jusqu’à 36 élèves dans une classe de l’école O et un manque de moyens qui en découle. Cette évolution démographique n’est pas uniquement quantitative, mais également qualitative dans le sens où le public d’élèves change, les parents

travaillent sur la région parisienne, avec une amplitude horaire sur la journée large laissant seuls plus longtemps leurs enfants. Les valeurs de l’école semblent évoluer aussi, un directeur note un manque de respect évident de la part des élèves et familles vis-à-vis des enseignants. Ces caractéristiques sont également relevées en Puisaye, et dans une certaine mesure dans le nord de la zone 2.

Un dernier point est apparu, concernant les relations avec la hiérarchie,principalement ciblé sur la zone 3, certains pointent des problèmes de pilotage identifié par un manque de considération et d’implication de l’Inspection académique. Une école souligne dans ce

secteur également un manque de recherches pédagogiques, de mouvements pédagogiques qui dynamiseraient l’éducation, retard également pointé dans une autre école, école H, zone 2.

Les chefs d’établissements du secondaire se sont également exprimés sur la situation générale de l’Yonne, du point de vue des difficultés scolaires des élèves. Les chefs d’établissements du Sud du département y compris en Puisaye sont des individus ayant une faible ancienneté dans le département et ayant exercé auparavant dans d’autres académies. Ils sont conscients de la situation et des préoccupations existantes ainsi que du rapport émis par l’Inspection Générale sur l’Yonne, mais ils n’ont pas le sentiment que les élèves soient particulièrement en difficultés. L’un (lycée 35, zone 1) relève une défaillance, au niveau des enseignants notamment, qui ne motivent pas assez les élèves et soulignent que ce ne sont pas les élèves les fautifs, l’autre chef d’établissement (collège 20, zone 1) pointe l’isolement des établissements ruraux qui engendre un déficit culturel. Dans le lycée 34, zone 2 avec des PCS favorisées et de bons résultats, le sentiment de difficulté scolaire est plus marqué, il est observé un

manque de velléité au travail de la part des élèves, un consumérisme en augmentation.

Dans le même temps il est souligné qu’il existe peu de différences avec la Nièvre, où le milieu est quasiment équivalent et que les jeunes sont peu ambitieux, cet état est attribué à une atmosphère répandue en Bourgogne où il est ressenti un état d’esprit très différent par rapport aux autres académies.

Dans le Migennois, les difficultés sont beaucoup plus présentes ; dans un établissement,

relève des difficultés précoces, avec notamment des problèmes en lecture48, « le premier

degré est trop éloigné du second degré. Il arrive des élèves du premier degré qui ont des lacunes essentielles en lecture ce qui crée des difficultés transversales, il y a beaucoup de non lecteur », pour cet établissement en question le responsable observe aussi que le collège donne plutôt une moins-value sur le niveau des élèves, « les bons élèves ne quittent pas le collège avec un bon niveau, mais ce n'est pas général dans l'Yonne. Ceux qui arrivent en échec y restent, ceux qui étaient sur le fil ne s'en sortent pas très bien, ils décrochent souvent en fin de 5ème ou en 4ème, ils n'ont plus le goût de l'apprentissage ». A l’inverse, un autre chef

d’établissement ne partage pas le constat de difficultés spécifiques à l’Yonne, selon ses

dires, il n’y a pas plus de cas sociaux ou de cas difficiles dans l’Yonne, il parle d’une image négative entretenue. Malgré tout, il octroie le fait qu’il existe des pôles d’immigrés où on retrouve notamment des difficultés de lecture. Pour les chefs d’établissements du Nord Sénonais, là encore nous avons recueilli des propos contradictoires. Certains chefs

d’établissements déclarent que les difficultés sont évidentes et ne font pas de doute, pour un autre, il existe en effet des difficultés mais comme dans d’autres départements. Ce

dernier remet en cause un état d’esprit appartenant à l’Yonne, «il y a un attachement viscéral à la ruralité, c'est un problème avec le monde moderne. Il y a une volonté dans le département de garder de petites unités scolaires, ce sont de mauvaises orientations. Les choix des élèves se font ensuite par défaut. » Avec ce raisonnement, il relève un manque d’ouverture, sans remettre en cause les moyens qui sont pour lui suffisants « le département est très bien doté sur le papier (par rapport à la Seine et Marne ou à la Seine Saint Denis par exemple), dans l'Yonne, il y a des efforts de faits, le maillage est surabondant ». Cette personne relève quelques facteurs sclérosants, dont l’immobilité spécifique des personnels

des établissements et le fait qu’il faudrait prendre acte que le Nord du département est une troisième couronne de la banlieue parisienne, « il y a 5000 sénonais dont beaucoup

partent travailler à Paris, mais tout le monde fait comme si ça n'existait pas. On est installé dans une ruralité qui n’est pas cohérente ». Il observe enfin qu’il existe un problème dans l’académie, où Dijon prend une surdimension par rapport à son véritable poids, c’est une nouvelle fois relevé comme un problème d’organisation, d’état d’esprit et non de moyens.

48 Cf. Bernstein, B. (1975), Lahire (1993) qui montre que le rapport au langage que requiert l’école est plus ou

Dans le lycée où la composition sociale est favorisée et les résultats sont bons, le manque de travail des élèves est surtout pointé. A l’inverse, dans les zones où les résultats aux épreuves nationales sont faibles, certains chefs d’établissements constatent des difficultés scolaires et comportementales qu’ils imputent à l’Yonne en particulier à l’immobilité d’une partie des personnels, à des problèmes d’organisation et d’état d’esprit (plus que de moyens) notamment les principaux des collèges, d’autres estiment que c’est comme partout ailleurs notamment les chefs d’établissements des lycées.