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Section1/Les fondements de la souveraineté de l’assemblée d’actionnaires dans la conception contractuelle de la nature de la société

74. Dans la conception contractuelle de la nature de la société, l‘attribution de la position

souveraine à l‘assemblée d‘actionnaires relève du contrat de société184. Ce caractère contractuel de la société a été confirmé pour la première fois dans le Code civil de 1804185

(Paragraphe 1). La conception contractuelle primitive n‘offrait pas une organisation de

pouvoirs équilibrée, ce qui a provoqué une crise dans les rapports entre l‘organe de contrôle et l‘organe de gestion (Paragraphe 2).

Paragraphe 1/Les fondements de la conception contractuelle

Ces fondements sont de deux sortes : un fondement légal (I) et un fondement intentionnel (II).

I/ Le fondement légal

75. L‘article 1832 ancien dispose clairement que « la société est un contrat par lequel deux ou

plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter »186. Chaque associé dispose d‘un droit de vote, à l‘exemple des citoyens du peuple. Le mode majoritaire est préféré à l‘unanimité, les minoritaires étant présumés protégés. Le Code de commerce de 1807 tout comme la loi du 24 juillet 1867 manifestaient leur adhésion à l‘approche contractuelle de la nature de la société, en disposant que « le contrat de société se règle par le droit civil, par les lois particulières au commerce et par les conventions des parties »187. En conséquence, ce code accordait à l‘assemblée d‘actionnaires le pouvoir souverain pour nommer et révoquer des personnes

184 Bien que, depuis la loi du 11 juillet 1985 relative aux entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée, le

législateur substitue le terme « constituée » au terme « instituée » dans l‘article 1832 du Code civil. Ceci a encouragé les défenseurs de la nature institutionnelle à retrouver un fondement légal pour l‘approche institutionnelle. V° en ce sens G. Ripert, R. Roblot, par M. Germain, précité, n°1056, p. 12-13 ; d‘autres, en revanche, affichent des réserves. V° G. Flores et J. Mestre, Brèves réflexions sur l‘approche institutionnelle de la société, LPA, 14 mai 1986, n°58, p. 25.

185 Ce courant classique remonte en effet à la doctrine de Rousseau, « Le contrat social ». Pour ce grand

philosophe des Lumières, tout pouvoir a une origine humaine, il est alors conventionnel ; les hommes, par la suite, se mettent d‘accord pour mettre en œuvre « une organisation politique ». Pour Rousseau, toute organisation est une émanation d‘une volonté commune des hommes, et le contrat social permet d‘établir l‘équilibre entre les hommes. « Trouver une forme d‟association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de

chaque associé et par laquelle chacun s‟unissant à tous n‟obéisse pourtant qu‟à lui-même », tel est le problème

fondamental auquel le contrat social donne la solution. J. J. Rousseau, Du contrat social, Union générale d‘éditions, 1973, Livre 1, chap. VI, p. 73.

186La conception contractuelle de la société est issue du droit romain ; le contrat donne naissance à la personne

morale. Sur la personnalité morale, V° C. Freyria, La personnalité morale à la dérive, Mélanges Breton-Derrida, p. 121, Paris, 1992 ; J. Paillusseau, La personnalité morale des sociétés, RTD civ., 1993, p. 705.

187 J.-C. May, La société : contrat ou institution ?, in Basdevant-Gaudemet, Contrat ou société : un enjeu de société,

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chargées de représenter la société. Or, le Code de commerce de 1807 ne fixait pas les conditions de nomination et de révocation des représentants de la société188. Compte tenu de ces lacunes considérables, les pouvoirs des dirigeants dépendaient des statuts élaborés par les associés189. Ainsi, cette conception contractuelle primitive, influencée par la doctrine de Rousseau190, accordait aux associés de larges pouvoirs et renvoyait toute question relative à la nomination et à la révocation des mandataires sociaux aux règles du mandat, selon les principes du droit commun. La loi de 1867 affirmait les mêmes principes de fonctionnement de la société anonyme191 ; ces principes « tels qu‟ils résultaient de la loi de 1867 étaient ceux d‟une

démocratie que l‟on aurait voulu aussi parfaite que possible »192.

II/Le fondement intentionnel

76. Etant créé par les associés, le contrat de société a un objet direct, celui de la réalisation de

la volonté commune des associés193. Comme tout contrat, le contrat de société obéit au principe civil général de l‘autonomie de volonté194. L‟affectio societatis serait un élément du contrat de société autour duquel se résume la définition de la volonté commune. La doctrine classique s‘accordait pour définir l‟affectio societatis comme « une volonté de collaboration active,

en vue d‟un but commun qui est la réalisation d‟un enrichissement par la mise en commun des capitaux et de l‟activité des associés »195. Dans cette approche contractuelle, l‘actionnaire est protégé par les règles du droit des contrats, définis aux articles 1832 et suivants du Code civil. En ce sens, « l‟associé se présente avant tout comme un contractant »196, disposant d‘un droit de vote afin de participer à la réalisation de la volonté commune au sein d‘une assemblée

188Le Code de commerce de 1807 comportait peu d‘articles concernant les sociétés de capitaux et aucun article

consacré aux assemblées d‘actionnaires.

189 Revoir, S. « Messai-Bahri, Le statut des dirigeants de société », in D‘un code à l‘autre : le droit commercial en

mouvement, sous la coordination de P. Le Cannu, LGDJ, 2008.

190 Issue de son ouvrage le « contrat social ».

191 La loi du 24 juillet 1867 a mis en place des dispositions relatives aux assemblées.

192 C. Herteux, L‘information des actionnaires des épargnants en droit français et comparé, Thèse, Grenoble, 1960,

n°2, p. 3.

193 V° P. Le Cannu, note sous cass. com 11 juin 2013, Bull. Joly 2013, p.624.

194L‘article 1134 al. 1. du Code civil, selon lequel : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à

ceux qui les ont faites ». V°, J. Ghestin, La notion de contrat, D, 1990, chr, p. 149. Toutefois, il convient de préciser qu‘en dépit de l‘évolution du domaine des conventions, ce qui incite une grande partie de la doctrine à défendre la nature contractuelle de la société, la conclusion des conventions par les parties est aujourd‘hui largement encadrée par le droit, tel que l‘article 6 du Code civil. (On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l‘ordre public et les bonnes mœurs). A noter que les conventions reposent plus sur le pouvoir de créer du droit que sur le principe de l‘autonomie de la volonté. Il s‘ensuit que les conventions représentent, au même titre que la loi, une source de droit dépendante d‘une hiérarchie de normes. V° sur ce sujet, H. Kelsen, La théorie juridique de la convention, APD 1940, n° spécial : Le problème du contrat, p. 33 à 76. Sur une étude plus approfondie de la hiérarchie des conventions, V° Thèse, J. Perrouin, La hiérarchie des conventions en droit privé, Toulouse, 1, 2000.

195P. Pic, De l‘élément intentionnel dans le contrat de société, Ann. Dr. comm., 1906, p. 153 ; G. Ripert, Prêt avec

participation aux bénéfices et sociétés en participation, Ann. Dr. comm., 1905, p. 53.

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d‘actionnaires souveraine. La société est ainsi créée par un groupe d‘actionnaires, en vue « de faire des bénéfices ou de réaliser une économie ». Cela révèle le caractère souverain de l‘assemblée d‘actionnaires, lieu de rencontre de ce groupe d‘actionnaires.

77. L‟affectio societatis197, cet élément qui part d‘un texte d‘Ulpien rapporté au Digeste de Justinien198, se fonde sur deux éléments essentiels. Le premier est la volonté d‘entreprendre dans un esprit « d‘union », c'est-à-dire la volonté de collaborer et d‘exercer un pouvoir sur les décisions sociales. L‟affectio societatis cache un deuxième élément, à savoir « la volonté de

participer directement aux risques de l‟entreprise »199, autrement dit, courir les risques inhérents au contrat de la société200, mais également la vocation aux bénéfices201. L‟affectio societatis, dans ces deux éléments, repose sur un aspect majeur : la volonté de s‘associer sur un pied d'égalité202. La doctrine moderne, dans sa majorité, adopte cette même idée, à l‘instar de l‘éminent professeur Guyon, qui a réfuté les conceptions unitaires et prôné une approche protéiforme de la notion d‟affectio societatis203. Dans le même sens, un auteur définit ce critère comme « une volonté, au moins implicite, de collaboration égalitaire, dans une perspective commune

intéressée »204. Quant à Georges Ripert et René Roblot, pour eux, l‘affectio societatis exprime l‘« intention des associés de se traiter comme des égaux et de poursuivre ensemble l‟œuvre

commune »205. C‘est cette thèse que défend la jurisprudence. Dans ce sens, le Tribunal de grande instance de Paris affirmait que l‟affectio societatis impliquait, « pour les associés, outre leur vocation à la répartition des bénéfices, une participation à la conduite des affaires sociales sur un pied d‟égalité, un pouvoir de contrôle et de critique, un concours actif à l‟administration de

197C‘est un terme romain qui désignait le contrat de société, sorte de copropriété sociale, à la différence de la

copropriété ordinaire issue d‘une succession. P. Didier, Droit commercial, tome 2, L‘entreprise en société, Paris, Puf, 2e éd., 1997, p. 54.

198 Le cas pratique d‘Ulpien, Digeste XVII, 2, Pro socio, 44. 199 Sur le risque social ou l‘aléa social, V° Thèse Coupet.

200 Le doyen Hamel avait déjà fondé la définition de l‟affectio societatis sur ces deux éléments. V. J. Hamel,

« L‟affectio societatis », RTD civ., 1925. Pour une étude récente sur l‟affectio societatis, V°, V. Cuisinier, L‟affectio

societatis, préf. A. Martin-Serf, Litec, 2008.

201 C‘est le principe de la vocation aux résultats posé par l‘article 1832 du Code civil, qui dispose, d‘une part, que

les associés partagent le bénéfice de la société et, d‘autre part, qu‘ils doivent contribuer aux pertes.

202L. Godon, Les obligations des associés, Préf. Y. Guyon, Economica, 1999, p. 90. 203 Y. Guyon, Droit des affaires, Droit commercial général des sociétés, précité, n° 124. 204 J. Mestre, Lamy Sociétés commerciales, éd 2010, n° 296.

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l‟affaire »206. L‘association de la qualité d‘associé et de la présence de l‟affectio societatis est une idée très controversée dans les débats actuels207.

De tout ce qui précède, l‟affectio societatis apparaît comme un critère intentionnel, sentimental ; c‘est une notion « à forte connotation psychologique »208, mais essentielle dans le cadre des sociétés de capitaux comme dans les sociétés de personnes. Au-delà, cet élément révèle que dans la société, la décision souveraine est l‘œuvre du groupe d‘actionnaires qui l‘a créée.

Paragraphe 2/La remise en cause de la conception contractuelle classique

78. A partir de la fin du XIXe siècle, l‘approche contractuelle classique de la société a été

remise en cause. Les justifications se fondent essentiellement sur l‘incapacité de cette approche à répondre à l‘ensemble des problématiques suscitées par le contrat de société209. En effet, les rapports de pouvoirs étaient régis par les règles de mandat basées uniquement sur le droit des obligations, voire des accords bilatéraux entre les actionnaires et les dirigeants. Ainsi, l‘assemblée étant en position pyramidale supérieure, elle déléguait des personnes afin d‘administrer son patrimoine selon un contrat de mandat indiquant l‘étendue des pouvoirs de ces mandataires. Outre que cette situation n‘assurait pas la protection des tiers210, la multiplication des règles impératives mettait le principe de l‘autonomie de la volonté en crise211. Ainsi, les opposants à la conception contractuelle revendiquaient essentiellement le caractère dogmatique du principe de l‘autonomie de la volonté, comme fondement même de la théorie générale du contrat212. Or, l‘existence de ce principe n‘est réelle que lorsqu‘elle acquiert la personnalité morale213.

206 TGI Paris, 14 mars 1973, Gaz. Pal., 1973, 2, p. 913, note M. Peisse ; Rev. soc., 1974, p. 92, note M. Guilberteau,

RTD com., 1974, p. 104, obs. R. Houin ; dans le même sens, la Cour de cassation, par un arrêt du 3 juin 1986, a affirmé que l‟affectio societatis impliquait que les « associés collaborent de façon effective à l‘exploitation dans un intérêt commun et sur un pied d‘égalité, chacun participant aux bénéfices comme aux pertes ». Cass. com., 3 juin 1986, Rev. soc., 1986, p. 585 et s., note Y. Guyon.

207 V° D. Eskinazi, La qualité d‘associé, Thèse, Cergy Pantoise, 2005.

208N. Reboul, « Remarques sur une notion conceptuelle et fonctionnelle : l‘affectio societatis », Rev. Sociétés, 07-

09/2000, p. 425.

209 V° M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, 25e éd., Litec, 2006, p. 4, n°9. 210 C. Berr, L‘exercice du pouvoir dans les sociétés commerciales, Sirey, 1961, p. 29, n°19. 211 V° M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, précité, p. 5.

212 La remise en cause de la conception traditionnelle est essentiellement initiée par Hauriou et Duguit, les deux

grands maîtres du droit public. Max Weber, de son côté, reprend l‘évolution de la pensée sur le droit des contrats et propose une conciliation entre le droit moderne des contrats et les besoins de l‘évolution économique, V° chapitre, « Les formes de création des droits subjectifs », dans son ouvrage « La sociologie de droit », (Weber, 1986 : 44-115), éd. PUF.

213 La définition de la personne morale n‘est pas une mission aisée, comme l‘a fait remarquer un auteur : la

personnalité morale « se laisse malaisément dompter. Et pour cause, invisible, muette, impalpable, elle ne se donne ni à

voir, ni à entendre, ni à toucher : création purementintellectuelle, elle se dérobe au sens. Ce n‟est donc guère un hasard si, au Moyen Age, les juristes l‟avaient appelée corpus mysticum ». V°. Y. Guyon, Le droit des affaires, t. 1, p. 138 ; N.

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79. Afin de faire face à cet état d‘insécurité juridique, le législateur est intervenu par les lois

de 1940 et de 1943 pour aménager les rapports de pouvoirs entre l‘assemblée des actionnaires et l‘organe de gestion. Désormais, la direction générale est confiée au président- directeur général. Cette personne se chargeait également de représenter la société envers les tiers. Ce revirement législatif devait avoir des répercussions profondes sur la notion de personne et d‘organe dans la société anonyme. Le pouvoir ne serait plus attribué, désormais, à la personne ; c‘est aux organes d‘administrer la société214. Les dirigeants ne sauraient être les mandataires des associés. Il s‘ensuit que l‘émergence de la notion d‘organe devait faciliter le passage à la nature institutionnelle215.

80. La naissance de la conception institutionnelle n‘a pas enterré définitivement l‘approche

contractuelle. En effet, la conception contractuelle connaît des jours nouveaux. Il faut noter que le renouveau de la réflexion autour de la nature contractuelle de la société trouve ses justifications en droit français, suite à l‘effervescence des conventions statutaires et extrastatutaires216. Dans ce contexte, Y. Guyon considère que « le droit des sociétés est ainsi

assoupli, infléchi et enrichi par des contrats conclus par la société ou par les associés, entre eux ou avec des tiers »217. En effet, par le recours aux pactes parasociaux218, les actionnaires entendent contourner la complexité juridique. Les actionnaires se trouvent étouffés219 par une

Baruchel, La personnalité morale en droit privé, éléments pour une théorie, Préf., B. Petit, LGDJ, 2004 ; G. Wicker, La théorie de la personnalité morale depuis la thèse de Bruno Oppetit, in Etudes à la mémoire du professeur Bruno Oppetit, Litec, 2009 ; B. Dondero, Le Code de commerce de 1807 et le mystère de la personnalité morale, in ouvrage collectif sous la direction de P. Le Cannu, précité.

214J. Paillusseau, L‘efficacité des entreprises et la légitimité du pouvoir, RIDE, n° spécial, 1990/3, n°32, p. 300 ;

Charron, La nature de la fonction du président du conseil d‘administration d‘après la loi du 4 mars 1943, in Rev. Not. Et enreg., 1951, p. 77 ; Hamel, Les pouvoirs du président et du directeur général des sociétés anonymes d‘après la loi du 4 mars 1943, Gaz. Pal., II, doct. p. 59.

215 Il revient à Thaller d‘avoir fait pénétrer en France la théorie institutionnelle ; la doctrine est abondante sur ce

point. J. Paillusseau, La société anonyme, technique d‘organisation de l‘entreprise, Sirey, 1967, p. 35 ; M. H. Bosvieux, La loi nouvelle du 16 novembre 1940 sur l‘administration et la direction des sociétés anonymes, Librairie, Recueil Sirey, 1940, p. 21, n°9 ; Barbry, Le régime actuel de l‘administration des sociétés commerciales, Thèse, Lille, 1943 ; J. et E. Escarra et J. Rault, Traité théorique et pratique de droit commercial, Les sociétés commerciales, t. IV, 1959, p. 161. J. Noirel, La société anonyme devant la jurisprudence moderne, Lib. Techniques, 1958, p. 253 à 263.

216 J.-D. Poitrinal, La révolution contractuelle du droit des sociétés – dynamiques et paradoxes (statuts/ pactes

d‘actionnaires), Revue Banque édition, Paris, 2003, pp. 597-609 ; sur les critiques adressées à l‘autonomie de la volonté dans l‘établissement des conventions, V° Starck, Roland et Boyer, Droit civil, les obligations, t, 2 : le contrat, 6e éd., Litec, 1998, n°23, p. 8 ; ces auteurs vont jusqu‘à considérer que « l‟autonomie de la volonté est un

mythe périmé ».

217 Y. Guyon, Traité des contrats, 5e éd., 2002, p. 9 ; V° également J. Mestre, « La société est bien encore un

contrat…, », Mélanges C. Mouly, Litec, 1998, T. 2, p. 131 à 140.

218Le terme « pacte » n‘a pas de définition technique précise ; dans les dictionnaires, le terme pacte est défini en

tant que terme désignant une convention solennelle, un accord.

219J.-J. Daigre, « Transformer les sociétés », in De nouveaux espaces à la liberté contractuelle, colloque organisé au

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réglementation très impérative qui ne répond pas aux besoins des entreprises220. Il s‘ensuit que « le faisceau de relations contractuelles augmente »221. En revanche, les conventions contractuelles, qu‘elles soient de nature politique ou économique, ne permettent pas de renforcer la position souveraine des actionnaires. Il est donc incontestable que le recours aux mécanismes contractuels ne peut proposer des solutions au décalage entre la réalité des rapports de pouvoirs et les règles impératives. Bien au-delà, l'excès des rapports extrastatutaires déstabilise les rapports sociétaires. Ainsi, la jurisprudence a rappelé à maintes reprises que les aménagements conventionnels doivent respecter le principe hiérarchique222.

81. Le renouveau de la conception contractuelle donne un nouveau souffle aux fondements

et finalités sous-jacents du fonctionnement des sociétés anonymes. Or, si dans la conception contractuelle classique, la question de la souveraineté de l‘assemblée d‘actionnaires se manifestait amplement, les pouvoirs des dirigeants étaient laissés au libre arbitre des actionnaires223 ; leur régime n‘obéissait pas à une règlementation mais aux règles de mandat, la nouvelle conception contractuelle plaçant le débat plutôt sur l‘idée que la société est la chose des actionnaires224. Ainsi, c‘est la souveraineté de l‘actionnaire, pris individuellement, qui prend place en concurrence avec d‘autres intérêts225. La question de la souveraineté de l‘assemblée d‘actionnaires, donc, importe peu, malgré toutes les mesures adoptées en vue d‘activer le pouvoir de l‘assemblée d‘actionnaires. Nous démontrerons, dans les analyses qui suivent, que désormais, c‘est en termes de finalités que la question de la souveraineté est abordée226.

220 Ph. Bissara, « L‘inadaptation du droit français des sociétés aux besoins des entreprises et les aléas des

solutions », Rev. Soc, 1990, p. 553.

221Y. Guyon, Traité des contrats, les sociétés. Aménagements statutaires et conventions entre associés, 5e éd.,

LGDJ, p. 146.

222CA Aix, 28 septembre 1982, « si les statuts peuvent aménager, au mieux des intérêts sociaux les modalités de

l‘administration et de la direction, cette liberté s‘exerce sous la condition expresse d‘absence de bouleversement des principes généraux de hiérarchie et de compétence des divers rouages institués par la loi », Rev. Soc, 1983, p. 773, note Mestre.

223 V° article S. Messai-Bahri, « Le statut des dirigeants de société, in D‘un code à l‘autre : le droit commercial en

mouvement, précité.

224 J.-J. Caussain, Le gouvernement d‘entreprise, Le pouvoir rendu aux actionnaires, Litec, 2005.

225 L‘intérêt prend ainsi plusieurs figures et connotations : intérêt social, intérêt du marché, intérêt des dirigeants,

des actionnaires. V° D. Schmidt, « De l‘intérêt social », JCP, éd., E, 1995, I, p. 488.

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Section 2/ Les fondements de la souveraineté de l’assemblée d’actionnaires dans la